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Simple Plan : Le doigt bien enfoncé sur la touche Reset (Entrevue avec Pierre Bouvier et Chuck Comeau)

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En attente pour mon entretien avec Mastodon au Rockfest de Montebello, j’avais du temps à tuer. On remettait sans cesse l’entrevue étant donné que le groupe n’était pas sur place à l’heure prévue. Leur autobus était sur la route, il n’était pas très facile pour le conducteur de faire plus vite étant donné que la communauté de festifs était présente en très grand nombre autant sur les routes qu’au travers des chemins qui menaient au festival. Tant qu’à être sur place dans la zone média, je me suis dit que je devais m’occuper. Je répondais « présent » sur la feuille de présence tout en demeurant inactif seul sur le sofa. La responsable des relations avec les médias m’a offert une entrevue improvisée sur le tas avec Pierre Bouvier et Chuck Comeau de Simple Plan qui étaient sur place dans le cadre d’une nouvelle « résurrection » de leur ancien groupe, Reset. Nous nous sommes assis à une table et j’ai laissé la bobine rouler, les questions se modelant dans ma tête à mesure que la discussion avançait !

Un spectacle réunion pour Reset pour le Rockfest de Montebello, c’est plutôt inusité. Que pouvez-vous nous dire sur cet évènement.

Chuck : Ça va être le fun, c’est certain. Je pense que ça va bien aller.  On l’avait déjà fait pour les dix ans de 1-2-3 Punk (NDLR: Émission de musique punk qui était diffusée sur les ondes de Musique Plus) en 2009. C’était au Métropolis, on avait reçu une belle réaction de la part des gens. Certains ont trouvé ça vraiment cool et ils nous disaient qu’on devrait le refaire. On ne peut pas le faire à chaque année mais cinq ans plus tard, c’est parfait.

Pierre : Déjà 5 ans ?

Chuck : On dirait que c’était hier.

Vous savez, de façon plutôt évidente, que le public habituel de Simple Plan n’est pas présent ce soir au Rockfest. Vous avez surtout des gens de la communauté métal et de la vieille école du punk dans la foule. À quoi vous attendez-vous comme réaction de leur part ?

Pierre : Pour moi, je crois qu’on va avoir du fun.

Chuck : J’étais un peu appréhensif quand on a fait le show pour 1-2-3 Punk mais la réaction avait tellement été bonne, je ne m’attendais pas vraiment à ça. C’est évident que des gens devaient se dire : « Ah… Simple Plan… »  Mais en fin de compte, on a tellement eu le contraire comme réaction, je pense que ça va être la même chose.  Le tout sera même amplifié. Je suis allé faire un tour sur la page Facebook du festival et je regardais les commentaires. J’ai été agréablement surpris. Je voyais que Reset a été pour bien des gens leurs premiers pas dans ce genre de musique ou que Reset a été leur premier show qu’ils ont été voir. Il y en a d’autres qui disaient qu’ils avaient vu Reset en première partie de Face to Face, Strung Out ou Lagwagon. Je pense que c’est une chance, pour eux, de revoir quelque chose qui fait partie de leur jeunesse. Ça devrait être bon.

Pierre : Oui, ça devrait être bon. On a un bon feeling.

Chuck : Peut-être qu’on va se tromper !

Pierre : Je ne crois pas que les gens vont faire preuve d’animosité. Des fois, il y a des craintes pour nous. Tu sais, Simple Plan, c’est un groupe qui a un style très différent face à tout ce qui se passe ici, au Rockfest de Montebello. C’est beaucoup plus pop, moins punk que ce qui se retrouve sur l’affiche. C’est sûr qu’il va y en avoir qui ne comprendront pas ce que Reset fait là mais comme Chuck le disait, ce sont surtout des gens qui ont déjà vu le groupe dans leur jeunesse qui seront là devant la scène. Il y en a des gens qui ont grandi avec Reset et pour eux, ce sera un retour aux sources. Ils vont bien apprécier ça, et nous aussi.

Pierre bouvier live

En faisant ce petit détour avec Reset, est-ce que vous croyez que pour le prochain album de Simple Plan, vous allez avoir le goût de retourner avec une sonorité plus abrasive étant donné que vous goûtez à nouveau à ce genre musical plus punk ou c’est plutôt que ce concert vous permet uniquement de boucler la boucle avec Reset? À moins que votre idée face à un nouvel album de Simple Plan soit déjà en béton?

Pierre : Je ne pense pas que ce spectacle va influencer la direction du prochain album de Simple Plan, ni notre écriture, même si c’est dans notre sang de composer du matériel plus punk. Même si Simple Plan est connu pour ses chansons plus pop, il y a toujours un côté plus agressif dans notre musique, énergique et mélodique. Les gens ne le savent peut-être pas parce que ce sont des chansons envers lesquelles ils ne sont pas exposés parce que ce ne sont pas les singles qui sortent à la radio ou en clips. Justement, on a une nouvelle chanson qu’on a écrit qui est plutôt punk rock. Ce sera sur le nouvel album qui devrait sortir on ne sait pas quand. Il y en a tout le temps des chansons qui demeurent rapides, c’est vraiment dans notre sang.

Chuck : On a souvent le goût d’en écrire une « super rapide » pour revenir aux racines, comme dans le temps. On a essayé mais ce qui arrive c’est qu’elles ne sont pas assez bonnes pour se retrouver sur l’album. Mais il y a tout le temps 2 ou 3 chansons sur chaque album qui sont plus rapides. Ça parait dans les arrangements bien souvent. Ça ne change pas le fait qu’on a grandi avec No Use for a Name, Strung Out et Lagwagon. Ça se retrouve dans ce qu’on fait parce que la musique que tu aimais plus jeune demeure dans tes influences et elle se reflète dans tes propres compostions. Tu écoutes ça vers 13, 14 ans, ça te marque pour la vie. Je pense que c’est encore présent mais, on verra! On est en période de composition maintenant.

Pierre : Peut-être que de voir tous ces groupes-là aujourd’hui, ça va nous influencer.

Vous venez de me dire que vous êtes en mode composition mais qu’il n’y a pas de date encore pour un nouvel album. Pouvez-vous dire si le nouvel album sera disponible en 2014?

Chuck et Pierre : 2015.

Donc, vous êtes toujours sous contrat?

Chuck : Avec Atlantic. C’est pour notre cinquième album et on travaille là-dessus en ce moment. On est en train de le composer et on devrait l’enregistrer à l’automne.

Pierre : On espère le sortir, début 2015.

Et après un album, vient la tournée. Est-ce que vous sentez que votre public vieillit? Est-ce que vous sentez que votre bassin de fans va continuer de vous suivre ou vous devez vous remettre en question de façon constante?

Pierre : Je crois que c’est dans notre nature de se remettre en question.  On doute, tout le temps. On est nos pires critiques. On veut tout le temps rester dans le courant. C’est certain qu’on a des fans qui nous ont laissé. D’autres sont restés et d’autres se sont joints avec les années. Ça se renouvèle. Avec chaque album, on réussit toujours à aller chercher un nouveau public plus jeune qui se greffe aux autres. Quand on a commencé il y a une dizaine d’années, ils étaient trop jeunes ou ils n’avaient que quelques années.

Chuck : On fait le plein de fans, à chaque album. On en garde plusieurs, on en perd comme de raison mais il y a un renouvèlement. On le voit pendant les concerts. On s’en rend compte facilement. Il y en a qu’on perd parce qu’ils s’en vont vers d’autres styles musicaux mais jusqu’à maintenant, on est très chanceux. Nous en avons des très fidèles. En termes de longévité, ça fait 14 ans qu’on fait ça, avec 5 albums. C’est certain qu’avec chaque album, tu joues un peu ta carrière. S’il n’est pas bon, tranquillement tu vas avoir un certain déclin. S’il est bon, tu peux avoir encore plus de succès. C’est un peu un risque, c’est épeurant aussi.

Pierre : Mais c’est une bonne opportunité.

Chuck : À chaque album, on veut se dépasser. On sait que ça se peut que ça ne marche pas ou au contraire, de voir le tout comme un pas en avant car on risque de devenir un groupe encore plus gros. Notre philosophie, à chaque sortie d’album, reste que l’on veut atteindre de plus hauts niveaux, de rejoindre plus de gens.

Pierre : Pour nous, le seul moyen de contrôler ça, c’est avec la qualité du matériel. Si on propose un album qui sera aimé, que les gens vont écouter en se disant et en disant aux autres que c’est vraiment bon, c’est ce qu’il faut faire. Il n’y a pas autre chose que l’on peut faire. Surtout aujourd’hui, avec les médias sociaux, le public a un certain pouvoir. Même si tu es un artiste populaire, si la qualité de ton album descend, tu risques de descendre aussi au niveau de ta popularité. Ta carrière peut prendre un tournant assez rapide et d’autres artistes attendent pour prendre ta place par après. C’est pour ça qu’on peut passer 6, 7 ou 8 mois et même des fois un an à écrire des chansons pour que l’album soit… incroyable!

En ce moment, si on estime… en pourcentage?

Pierre : Je pense qu’on a la moitié. 50% de l’album est écrit.

Est-ce que les paroles sont…

Pierre : Finies!  Ce n’est pas enregistré mais ce sont des maquettes, des démos.

Avez-vous un nom de producteur en tête, un Bob Rock ou peut-être?

Pierre : Ce n’est pas encore décidé.

Aimeriez-vous garder le tout avec une saveur locale? Autrement dit, y allez avec quelqu’un d’ici pour produire?

Pierre : Ça me surprendrait. Ce n’est pas par un manque de talent ici au Québec mais étant donné que le groupe est de stature internationale, on a l’opportunité de travailler avec de très gros noms.

Chuck : Avec une esthétique différente aussi, quelqu’un du milieu rock. Je vais en surprendre quelques-uns parce que bien des gens voient Simple Plan comme un groupe pop mais dans le milieu de la pop, on est trop rock, même punk pour eux. Et dans le monde rock? On est trop pop pour eux! On est pris entre les deux!

Pierre : On a un pied dans chaque!

Chuck : Quand on joue live, ce sont de vraies guitares, du vrai drum et une vraie voix. On veut garder la même énergie des concerts sur nos albums. C’est pour ça qu’on veut un producteur qui gravite beaucoup plus dans le milieu du rock que de la pop, justement.

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Simple Plan est un groupe qui a pu profiter des belles années du clip pour gagner en popularité. Est-ce que le clip est encore pertinent en 2014 ou totalement désuet?

Chuck : Encore important.   

Pierre : Pour un groupe comme nous, c’est très important. Le plus gros hit du dernier album était Summer Paradise. Le clip a été vu 60 millions de fois sur YouTube. Le clip a encore de l’impact. Si ton clip est vraiment bon, les gens peuvent le regarder autant de fois qu’ils le veulent. Tu n’as plus à attendre qu’il passe sur Musique Plus. Ils peuvent le regarder 500 fois au bout de la journée.

Chuck : Ils peuvent le partager aussi sur les médias sociaux, ce qui fait que ton clip se propage. Mais maintenant, la game a changé un peu au niveau du visuel pour un artiste ou un groupe. Il faut faire encore plus pour bien meubler le web. Ça prend des capsules en arrière-scène, partager des photos sur Instagram ou Facebook. L’image du groupe est en constante évolution et c’est de la gestion.

Pierre : Même quand on veut écouter une chanson rapidement, qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui? On va la chercher sur YouTube.

Chuck : C’est une façon aussi d’être accessible pour bien des gens qui n’iront pas acheter l’album mais qui aiment le groupe quand même. C’est une façon d’être là et de les rejoindre. Même si les budgets sont moins gros qu’avant, un bon clip peut faire la différence. Il amène aussi une nouvelle signification à ta chanson. Tu peux même rendre une chanson encore meilleure avec un bon clip. On a toujours aimé les clips, on aime en faire.

Dernière question, de votre point de vue d’artistes de calibre internationaux. Comment voyez-vous la scène musicale québécoise, peu importe le style?

Chuck : Ça toujours été très dynamique et c’est encore le cas aujourd’hui. Regarde en ce moment, dans tous les groupes internationaux présents au Rockfest, il y en a beaucoup aussi de la scène québécoise. Mais peu importe le genre musical, au Québec, il y a du talent et c’est indéniable. Nous sommes fiers de venir d’ici. On a toujours déclaré qu’on venait du Québec, de Montréal. Dès qu’on part en tournée, quand on parle aux gens, ils savent tous que nous sommes des Québécois. Peu importe où on va aller, peu importe où on se trouve, on va toujours être le même p’tit groupe de Montréal!

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Photo du haut : Fondation Simple Plan/Twitter du groupe