La diffusion de mon dernier billet sur le Huffington Post Québec a causé quelques vagues. Pas un raz-de-marée, pas un tsunami… Quelques vagues et, j’ose espérer, quelques réflexions.
Dans le Devoir d’hier, invitée à commenter, Françoise David laissait entendre que son porte-parole avait conclu un accord de principe avec le HuffPostQc « pour la reprise de mes textes qui sont déjà diffusés sur le Web, (…). C’est le temps des Fêtes, on va se laisser le temps d’y penser et on prendra une décision finale en janvier ».
D’autres sources près de Québec Solidaire m’ont par ailleurs affirmé qu’Amir Khadir n’avait certainement pas le temps de bloguer et que leur participation serait dans la même veine : lettres ouvertes et textes qui de toute façon circulent déjà sur le web.
D’ailleurs, l’attaché politique de Françoise David, David Dubois, écrivait ceci dans un commentaire Facebook d’Amir Khadir : « Nous avons accepté de partager les textes que l’on publie déjà sur le blogue de Françoise. En ce qui concerne Amir qui ne tient pas de blogue, nous avons accepté de partager ses éventuelles lettres ouvertes quand il en publiait dans les journaux.. Il n’a jamais été question de créer du contenu original pour ce site. Je rappelle que vigile.net ou presse-toi à gauche par exemple reprennent déjà nos contenus de la même manière. Cela étant dit et en toute humilité, cet article nous fait réfléchir ».
De son côté, Normand Baillargeon, sur son mur Facebook, a reconnu qu’il s’agissait bien de bénévolat et a entrepris une réflexion en commun avec ses contacts : « Sollicité par le Huffington Post pour tenir bénévolement un blog, écrit-il, rassuré par la présence annoncée d’A. Khadir, de F. David, de S. Guilbault (entre autres), par la promesse d’écrire ce que je veux quand je le veux à un grand lectorat auquel faire connaître les idées qui me sont chères, j’ai, sans plus de vérification (mea culpa), répondu oui à cette demande. Elle cause un certain scandale. Vous feriez quoi, vous? »
Les commentaires de ses contacts valent la peine d’être lus. Je prends ici la peine d’affirmer encore une fois mon grand respect pour le travail de Baillargeon tout en soulignant qu’il n’est pas facile pour un intellectuel, animé par le doute, de reconnaître qu’il a accepté une mission sans savoir pour qui. Respect.
Par ailleurs, Patrick White, rédacteur en chef et directeur du HuffPostQc de passage à Radio-Canada ce matin ajoutait des noms à la liste. Parmi les blogueurs bénévoles on retrouvera aussi : Bernard Drainville, Yves-François Blanchet, Louise Harel, Philippe Couillard, Michel Kelly Gagnon, Louis Bernard, Jean-Philippe Warren, Pierre Curzi et Bruno Guglielminetti.
Ainsi, tout ce beau monde semble avaliser le plan d’affaire HuffPost America Online qui repose essentiellement sur le bénévolat des créateurs de contenu. Il y a de quoi s’étonner de voir, par exemple, Pierre Curzi dans la liste des nouveaux bénévoles de l’information, après avoir défendu pendant tant d’années les droits des artistes et leurs cachets. Splendide de cohérence!
Mais posons-nous une question toute bête que mon collègue et ami Michel Dumais me pointait aujourd’hui : Si Quebecor, Gesca, Le Devoir ou le Voir avaient contacté ces personnalités pour leur demander de travailler gratuitement pour eux. Qu’auraient-ils répondu? Évidemment, je n’en sais rien… Il ne me passe pas par la tête de demander à Pierre Curzi ou Brunio Guglielminetti de faire du bénévolat au Voir. Mais oublions mon employeur… Imaginons Quebecor ou Gesca leur téléphonant pour leur demander : « Bonjour, voudriez-vous travailler sans salaire pour notre entreprise? ».
Qu’auraient-ils répondu?
Du bénévolat pour PKP ou Desmarais?
J’imagine d’ici le scandale…
Mais pour AOL America Online, aucun problème.
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Par ailleurs, on m’a proposé un argument pour défendre ce modèle d’affaire et le choix des bénévoles de l’information. Il faudrait, me dit-on, comprendre l’importance pour les intellectuels, auteurs et politiciens (de gauche ou de droite, ça ne fait aucune différence) d’avoir accès à une tribune afin de pouvoir rejoindre la masse et diffuser librement leurs idées au plus grand nombre. Autrement dit, peu importe le modèle d’affaire qui la soutient, une « grosse plateforme » se justifierait par ce qu’elle est, c’est-à-dire grosse. Tout compte fait, ce serait une bonne chose.
Voilà qui a de quoi laisser songeur. Et bien franchement, en méditant cet argument, j’ai envie de vous donner raison sur ce point. Sérieux, j’embarque. J’en suis. Je l’avoue candidement, je me suis trompé, vous avez raison.
Donc, dès la rentrée en janvier, lors de notre réunion du comité de direction je vais exposer et proposer ce nouveau modèle d’affaire à mes collègues. Modèle qui permettra d’une part de renouer avec la croissance économique et d’autre part de rejoindre la masse.
D’abord, nous allons renvoyer toute la rédaction. Nous conserverons un directeur de publication et deux journalistes généralistes capables d’écrire. Ils seront bien payés. Fini les spécialistes musique, cinéma, gastronomie, arts visuels et littérature. Nous cesserons aussi de commander des articles et des photos à des pigistes spécialistes dans leurs domaines. Nous allons désormais recruter des blogueurs prêts à travailler gratuitement. C’est assez facile à trouver. À ce qu’il semble, ils sont légion.
Conséquence, nous économiserons aussi sur les frais de loyer, les coûts des équipements et de soutien informatique –puisque les blogueurs payeront eux-mêmes leur équipement à la maison- ainsi que sur les assurances et frais juridiques. Bref, j’envisage de couper les coûts de 75%. Peut-être même qu’une simple boîte postale pourrait suffire comme bureau. Nous allons enfin renouer avec la croissance économique dans les médias.
Car il faut bien le comprendre, avec de telles économies, notre coût par page va baisser drastiquement mais nos revenus publicitaires, eux, vont se maintenir. Tout le monde veut rejoindre la masse, même –et surtout- les annonceurs. Si ça se trouve, d’ailleurs, notre plateforme, ainsi alimentée par des bénévoles influents, ne fera que s’agrandir constamment.
Et si c’est bon pour nous, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas bons pour d’autres qui sont nettement plus « gros » que nous. Vous voulez des grosses plateformes? Parlons donc des vrais joueurs! Si Quebecor et Gesca appliquent ce plan –Je suis disponible pour des conférences pour leur expliquer- ce sera la totale. Car eux, ils ont de très grosses plateformes, des vraies, qui permettent de rejoindre la masse. Aucun doute là-dessus! Croyez-moi, ils trouveront mon plan génial. Par comparaison, la récente restructuration du Journal de Montréal, c’était de la petite bière à côté de ce que je propose… J’envisage des économies encore plus grandes, du vrai de vrai! Je pense même pouvoir faire fonctionner ces médias avec une formule encore plus mince que lors du lock-out au Journal de Montréal. Un vrai régime minceur.
Évidemment, ça va peut-être gueuler un peu à gauche. Peut-être même qu’on nous questionnera dans une commission parlementaire sur l’avenir des médias. J’imagine déjà des députés progressistes nous questionner sur notre modèle d’affaire. Nous aurons un argument massue! Nous pourrons dire que nous avons une grosse plateforme qui permet aux idées de rejoindre la masse et que nous suivons l’exemple de nombreux politiciens tels que Louise Harel, Pierre Curzi, Yves-François Blanchet et Bernard Drainville.Nous pourrons même dire que ce modèle est le nec plus ultra des médias contemporains. Et si les syndicats nous cherchent noise, nous leur offrirons aussi une tribune pour s’exprimer. On ne refuse personne. Ça devrait les satisfaire.
Voilà voilà! J’ai très hâte d’envoyer le communiqué de presse pour annoncer cette bonne nouvelle et le virage « citoyen » que nous allons prendre. Je suis certain que vous apprécierez. Et je suis même convaincu que vous applaudirez encore plus fort lorsque Quebecor, Gesca et les autres, incluant les sociétés d’état comme Radio-Canada, feront de même, puisque ces joueurs ont de plus grosses plateformes encore.
D’ailleurs, lorsque viendra le temps de discuter du financement de Radio-Canada, j’ai hâte de voir Bernard Drainville, Yves-François Blanchet et Pierre Curzi se lever pour argumenter que des coupures de 10% ce n’est vraiment pas assez! Avec le nouveau modèle d’affaire qu’ils avalisent pour AOL America Online, le gouvernement Harper pourrait envisager des coupes beaucoup plus drastiques, du solide! Et qui sait, Monsieur Harper lui-même pourrait fournir gratuitement du contenu à cette grosse plateforme! Ça, ce serait rentable!
Sentez-vous ça le vent du changement? Je sens que 2012 sera une excellente année sur le plan financier! Merci à tous pour cette idée de génie. Je commence dès demain le grand ménage.
La prochaine fois que les madames et les mononcles de la FPJQ se réuniront au chic Château Frontenac, ils auront tout le loisir, entre leurs divers bavardages, de se poser une ou deux sérieuses questions sur le rôle de la presse en 2012 et quel genre d’éthique pourrait éventuellement les réquisitionner de toute urgence alors que la profession est en pleine déliquescence, sur la Toile, entre autres.
Première question: comment définir le lien qui s’exerce entre le journaliste, pardon, le « professionnel » de l’information et le public lecteur avec la mondialisation?
Deuxième question: est-il normal, en 2011, que le rapport d’autorité entre lecteur et journaliste, pardon « professsionnel de l’information » se fasse du haut vers le bas, en sens unique dans les dialogues. C’est-à-dire du journaliste vers le lecteur dans les blogues , et pas l’inverse? Sur facebook, par exemple, on voit très rarement un journaliste ou un chroniqueur venir commenter dans le blogue d’un des « amis », sauf s’il s’agit d’une connaissance. Est-ce normal, alors que l’on sait bien que beaucoup de chroniqueurs rémunérés viennent dans les réseaux sociaux pour piquer les scoops des « citoyens » journalistes?
Autre question subsidiaire: voici trois mots: licence, gratuité, bénévolat. J’ai rien conte le fait que des journalistes viennent s’alimenter à même les blogues des citoyens. Et je ne vois pas pourquoi j’irais demander qu’on me paie pour ça.J’appelle ça de la gratuité volontaire. Mais alors, quand facebook sera coté en Bourse, les madames et les mononcles de la FPJQ auront-ils préséance sur moi, simple informateur bénévole, dans le pourcentage des argents que je pourrai y investir? Ou en récolter?
Enfin, pour tous,du Larousse voici le définition première du mot licence: « liberté excessive qui tend au dérèglement moral ». Ce que j’aime dans cette définition, c’est le mot « dérèglement ». Ici, tout le monde a raison et tort en même temps.Cool…
Il était une fois un éleveur de chevaux qui voyant son commerce en danger par l’arrivée de l’automobile, se mit en tête de partir une campagne de publicité pour dénigrer ce moyen de transport…On va fermer la dernière écurie à Montréal bientôt !
Il était une autre fois les compagnies de chemin de fer riches qui se croyaient à l’abri des menaces que constituaient les autres moyens de transport: camionnage, bateau, avion. Pas besoin d’évoluer, le train était là pour rester. La faillite les a presque toutes fait périr et si ce n’était du transport intermodal, elles seraient aujourd’hui inexistantes. Leurs dirigeants, en pensant chemin de fer avait oublié que leur «business» n’était pas le chemin de fer, c’était le transport de personnes et de biens.
L’expression écrite d’opinions étaient jadis le fait de journalistes. Avec le web 2,0, on assiste à une explosion de l’expression des opinions. Comment se faire entendre de la masse dans toute cette cacophonie? Entendons-nous d’entrée de jeu, les opinions émises n’ont pas toutes la même valeur en termes journalistiques. Certaines sont fondées sur une analyse rigoureuse, d’autres l’expression d’un état d’âme. Mais la vrai question ici posée, même si elle ne plaira pas, n’est-elle pas comment protéger le journalisme traditionnel face à la menace que représente l’expression de l’opinion publique par le public sans journaliste interposé?
Mais c’est au gens qui les lisent ces opinions de juger de leur pertinence et intérêt et non à un éditeur qui tranchera par intérêt de mise en page ou par ordre du patron. C’est d’ailleurs justement ça le propre du blogue, de twitter et de tous les autres moyens de communication de masse pour exercer son droit à l’expression.
En ce qui me concerne, j’ai refusé d’être payé par un journal d’une chaîne de journaux en Acadie pour écrire ma chronique hebdomadaire. Mon refus s’explique par le fait que le contrat qu’on me proposait pour ma rémunération comportait une clause par laquelle j’abandonnais la propriété de mon texte. Pour moi, il n’était pas question qu’une riche famille de ma province devienne propriétaire de mon travail. J’ai réfléchi à la question et j’ai estimé qu’en tant qu’activiste, une tribune était un bel outil et un lieu magnifique pour miner, en autant que possible l’injustice et la misère que génère le système capitaliste. C’était aussi une manière de narguer le pouvoir. Je suggèrerais à Amir Khadir, à Françoise David et à Québec Solidaire de ne pas se priver d’une tribune pour répandre des idées qui cherchent à contribuer à bâtir une société plus juste et plus humaine; des valeurs que je partage totalement. Pour y parvenir, la parole est fondamentale. Si vous voulez vous en convaincre, vous n’avez qu’à examiner les dépenses des publicitaires des multinationales et des politiciens qui les servent. Pour nous endormir, nous assommer et nous maintenir dans la dépendance à leurs idées, ils investissent des milliards de dollars.
Voilà! Tout est là M. Jodoin! M. Lévesque a mis le doigt sur quelque d’essentiel.
Ne pas se priver d’une tribune et rester propriétaire de ses écrits peut importe « l’employeur ». Je suis certain que M. Curzi serait d’accord là-dessus. La propriété intellectuelle n’est pas que marchandise achetable, lire ici, qu’il n’y pas d’obligation à rémunéré les écrits de quelqu’un tant et aussi longtemps que les écrits restent en la possession de l’auteur. Pour les auteurs, la profitabilité de leur écrits vient pas la visibilité de ceux-ci.
Pour faire clair, quand vous passez à la Tivi, aux nouvelles par exemple ou bien à RDI, à LCN, la chaine est obliger de vous donnez un cachet, mais elle devient maitre de ses images qu’elle peut reprendre en interminable boucle sans qu’un sous de plus vous soit verser. Par contre, la dites boucle, faites en sorte que vous jouissez d’une énorme visibilité et ceci à un prix vous savez!
*la profitabilité de leur écrits vient PAR la visibilité de ceux-ci.
Tim Armstrong, le PDG D’AOL, a été payé 15,3 millions de dollars en 2010, soit assez pour embaucher 306 journalistes à 50 000 dollars par an. Il a ainsi touché une rémunération de 7355 dollars l’heure.
Le problème avec la liberté de presse dans le modèle économique actuel de grande concentration est que « La liberté de presse n’existe que pour ceux qui en possède une ».
Quand deux empires médiatiques contrôlent presque tous les médias au Québec (quotidiens, revues, journaux locaux, une chaîne de TV, des radios, maisons de sondages, Institut économiuqe de Montréalet autres « think tank », etc.) et même une grande part du monde du spectacle, cela pause des problèmes.
Entre autres, ces deux empires n’ont aucune difficulté à faire circuler leurs idées…et à « bloquer » les idées contraires.
Comment lutter, faire passer ses idées quand le gros des médias nous sont bloqués ? C’est le dilemme moral de tous les progressistes: quand on lutte à armes inégales, doit-on refuser se désarmer encore plus en refusant de pactiser avec un diable ? Doit-on se condamner à la marginalité pour rester pur ?
Il n’existe aucune solution simple. D’un côté, trahir une partie de ses idéaux pour avoir une petite chance de lutter pour faire connaître ses idées. De l’autre, s’assurer que nos idées ne seront pas connues (et même victimes de propagande massive à large diffusion de la part des « adversaires »).
Comment concilier idéal et efficacicté ? Jusqu’où peut-on aller ?
Problème moral que ne subissent pas ceux qui ne pensent qu’à leur intérêt et qui peuvent écraser, sans avoir de problème de conscience et même sans se faire accuser de « trahir leur idéal » (puisqu’il n’en ont pas), les adversaires en les étouffant et à coups de propagande (par définition mensongère).
Ce n’est pas facile de vouloir être intègre.
Ouais ben Bravo pour ce texte. Je trouve même la plume bien douce pour ce qui est en fait un réel scandale. Curzi, Drainville, Amir etc qui ont un salaire de député peuvent bien écrire gratos pour AOL et vendre de la pub…
Drainville aurait-il oublié qu’un média, ça vend un public à des annonceurs. Le reste n’est que mal nécessaire. Ici le « mal » est devenu gratuit et cet ex-journaliste y collabore. C’est grave.
Simon, vous résumez parfaitement bien le dilemme de l’information que nous sommes nombreux à appréhender depuis des années: si un éditeur veut du contenu « gratos », peu importe la qualité, et si le public ne voit pas la différence, alors pourquoi l’éditeur s’en priverait-il?
Ce qui nous ramène à l’autre question fondamentale, celle que nous esquivons: nous, comme société, attachons peu de valeur à l’information.
En d’autres termes, le nombre de lecteurs prêts à payer pour une information différente, originale, inédite, de qualité, est trop petit au Québec. Sans une intervention gouvernementale (subventions) ou de mythiques mécènes, la qualité de l’information va continuer de se dégrader, et la diversité avec. Oh, c’est sûr qu’il y aura toujours abondance de gens prêts à écrire gratuitement: les uns se donneront l’étiquette de journalistes citoyens, de blogueurs, etc. Mais qui fera le suivi de l’information à long terme, qui prendra le temps d’aller chercher une information plus difficile à trouver, qui pourra bâtir des dossiers fouillés, faire des recherches de longue haleine? Certainement pas des bénévoles faisant ça le soir entre leur vrai job et leur famille.
Toute ces histoires de « masse à rejoindre » à tous prix pour faire « avancer » ou « connaître » des idées me font penser aux réflexions de Dany Laferrière à propos du lecteur téméraire, ce lecteur de qualité recherché par toute personne qui écrit et cherche à convaincre pour changer l’état du monde ou enchanter le monde.
Par exemple, ici, il élabore sur le sujet: http://www.ledevoir.com/culture/livres/311130/eloge-du-lecteur
Cela étant dit, rejoindre la masse n’a JAMAIS été un gage de réussite pour des idées complexes ou des concepts révolutionnaires.
Que vous réussissiez à rejoindre un million de personnes apathiques, qu’est-ce que ça donne si ça ne vous permet pas de les faire bouger, évoluer ou réfléchir?
De plus, le lecteur qui se magasine une opinion pas chère, qui – ô scandale! – s’achète (quelle horrible expression!) une idée, votre idée ou l’idée d’un politicien; qu’est-ce que ce lecteur ou cette lectrice ordinaire et tout à fait inconscient(e) réussira à faire de vos textes GRATUITS?
La violence est gratuite. Les idées le seraient également, maintenant?
Non, à part la violence ou les attaques personnelles, rien n’est gratuit ou fortuit dans la vie.
Autrement dit, cette quête incessante du plus vaste public est compréhensible pour des entrepreneurs politiques opportunistes.
Mais pour des révolutionnaires, des idéalistes ou des objecteurs de conscience tranquille, non, jamais la « gratuité » prétendue d’un texte quelconque ne fera changer quoique ce soit à l’ordre des choses actuelles.
L’ordre des choses actuelles ne peut être bousculé que par des hommes et des femmes qui se rejoignent dans les marges, s’aperçoivent entre les lignes ou entre les interstices d’une série d’intertitres, ou bien dans des zones d’expression libres au sein desquelles la pensée prend racine parce qu’elle n’est pas dépossédée d’elle-même avant de s’offrir au plus offrant des marchands de saucisses virtuelles.
Enfin, on pourra qualifier ce point de vue d’élitiste, de snob ou de discours de puriste, etc. N’empêche que les moyens par lesquels on communique une idée, un concept, un projet, sont tout aussi importants que l’idée, le concept et le projet qu’on défend.
Bref, on en revient au fameux adage: ce n’est pas tant ce qu’on dit mais la manière dont on le dit qui fait le style, la classe et la pertinence du message qu’on adresse avec plus ou moins d’adresses internet au public.
Un public rare, éveillé, conscient de sa valeur et aussi vigilant dans la manière qu’il a de s’informer. Et ce, sans le faire au détriment de ceux et celles qui cherchent à le faire en maintenant une certaine valeur ajoutée à cet ouvrage ingrat: Informer, stimuler et rapprocher les consommateurs de culture… sans y perdre ni la face, ni sa chemise.
Personne ne force les personnes mentionnées à donner leur travail gratuitement à HuffPo. Que ce travail génère ensuite des profits pour de quelconques actionnaires internationaux (AOL peut être acheté de partout) je ne vois pas exactement quel est le problème.
De toute évidences, les personnes concernées considèrent que de la plateforme dont il bénéficieront est plus un service qu’un travail, en ce sens qu’il s’agira pour eux d’un organe de relation publique servant à cultiver une base militante / idéologique.
Est-ce que le problème serait réglé si, par exemple, les actionnaires étaient les créateurs de contenu eux-mêmes? Ou s’ils maintenaient un site lequel ne leur donnerait aucune rémunération mais qui ne réaliserait aucun profit?
Si je me fis au premier texte, le vrai problème semble être que HuffPo te fera compétition.
Parmi tous ceux qui veulent s’intégrer au nouveau modèle Huffington, je note la présence de personnages connus issus de différentes disciplines médiatiques et artistiques.
Si j’étais journaliste de profession, je serais sidéré. Sidéré de voir que Steven Guilbault et Jean Barbe s’y trouvent à l’aise, tout autant que madame Harel et Philippe Couillard!!!
Alors quoi? C’est quoi un journaliste, maintenant, parmi tout ce mélange. Ne se sentira-il pas menacé, et voire même, marginalisé très bientôt à l’intérieur des médias où il bosse?
Tout autant que j’ai mon voyage de tous ces chroniqueurs patentés qui se lancent dans le roman, très généralement médiocre, croyant y trouver une consécration recherchée de leur superbe intelligence.
Au fond, Simon Jodoin s’insurge contre l’invasion dans son métier d’une ribambelle d’opportunistes, d’aventuriers du Sens Perdu dans un nouveau monde, totalement imprévisible, qui ne va pas dans les voies érigées en dogme par eux en politique, en art, en environnement, en morale, etc.
Si c’est vrai, alors faudrait vite que tous les Simon Jodoin de la profession se lèvent et dénoncent tous ces intrigants qui finiront par leur voler leur job et surtout par abolir leur devoir unique de nous dire la seule vérité qui compte et qui définit leur travail: la vérité des faits bruts!
Ce que je note dans ce textes et bien des commentaires plus bas, c’est qu’on oublie de faire la différence entre le journaliste payé pour livrer de l’information (en respectant du mieux qu’il peut les codes du métier), et le blogueur qui écrit de temps à autre gratuitement pour livrer de l’information ou dire des inepties. Selon l’article du Devoir parut le 20 décembre, on dit que le mode d’affaires du Huffington Post comprend AUSSI des journalistes payés. Si c’est vrai, pour quelle raison ce fait a t’il été ignoré dans tous les textes publiés précedemment sur le sujet? À en lire ces textes, on croirait que le HuffPost ne publie que des blogueurs? Et selon un journaliste du « Guardian » «Le contenu, en grande partie basé sur une agrégation immodérée et des légions de blogueurs non payés, demeure médiocre, mais personne ne semble s’en soucier».
Lisez l’article du Devoir ici : http://bit.ly/uYCNDe
Je me pose la question : devrais-t’on s’en plaindre que ce contenu n’ai aucune valeur? Aussi bien publier dans nos pages ou sur notre plate-forme d’information des communiqués de presses tels quels et bourrés de fautes?