BloguesVoix publique

Du blocage à la provocation

 

Pour cause de tactiques répétées de division et de diversion du côté du gouvernement, la grève étudiante est promue au rang de conflit social et politique majeur.

C’est la résultante inévitable de cette valse surréaliste de la ministre de l’Éducation qui, un jour, invite la FEUQ, la FECQ et la CLASSE à une table de «discussion» en échange d’un «trêve» de 48 heures d’activités de «perturbation» pour y mettre fin unilatéralement, dès le lendemain, en y expulsant la CLASSE pour des motifs aussi vaseux que farfelus.

Depuis des semaines, la ministre Line Beauchamp prend aussi un malin plaisir à infantiliser, littéralement, les leaders étudiants. Et elle le fait de plus en plus…

Nul doute. Le gouvernement semble bel et bien passé de la phase blocage à la phase provocation.

Encore aujourd’hui, la ministre a rejeté du revers de la main la proposition de la FEUQ de céder à la CLASSE deux de ses places à la table de discussion.

De toute évidence, non seulement le gouvernement ne veut pas discuter avec la CLASSE, surtout, il s’en sert à répétition comme prétexte pour ne pas mener des négociations constructives sur l’objet central de la grève: la hausse des frais de scolarité.

Résultat: la tension monte. Les manifestations se multiplient. Les casseurs, qui même selon la police ne sont pas des étudiants, en profitent pour les instrumentaliser. Des étudiants se radicalisent. D’autres ne décolèrent pas. Les ressources policières sont taxées à la limite. Même le maire de Montréal se rend compte de ce qui se passe, allant même jusqu’à dire craindre qu’il finisse par en résulter un «événement tragique». C’est pour dire.

Bref, la paix sociale est mise à mal.

Sans compter que les demandes d’injonctions se poursuivent. Que le premier ministre accuse la chef du PQ de prôner la politique de la terre brûlée. Que certains proposent la nomination d’un médiateur. Que de plus en plus d’intellectuels, et non les moindres, de même que des professeurs de cégep et d’université, exhortent haut et fort le premier ministre à se mettre à l’écoute des étudiants. Etc., etc., etc.

***

Une CLASSE «prétexte» et caricaturée

Pendant ce temps, le ministre de la Sécurité publique y est allé d’attaques carrément personnelles contre le porte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois. Pour un ministre, c’est là faire preuve d’un comportement nettement plus partisan que ministériel.

Et de fait, de plus en plus, la CLASSE est caricaturée sans vergogne alors qu’on la représente, surtout pour en convaincre l’opinion publique, comme un ramassis de dangereux radicaux révolutionnaires violents tout juste bons à être condamnés aux galères.

Or, si la CLASSE était vaiment, comme on le prétend au gouvernement et sur certaines tribunes médiatiques, un dangereux repaire d’extrémistes enragés, le fait est que les deux autres organisations – la FEUQ et la FECQ – l’auraient larguée avec plaisir depuis belle lurette alors qu’au contraire, l’unité des trois organisations tient bon.

Ce jeudi, en études de crédit, un échange particulièrement musclé entre Jean Charest et Pauline Marois donnait également toute la mesure du blocage total dont les étudiants en grève sont prisonniers.

Et de nombreux Québécois, en voyant le tout défiler quotidiennement sur leurs écrans, de se demander à qui peut bien profiter ce spectacle politique pathétique?

Pourquoi un tel entêtement de la part d’un gouvernement déterminé à s’enfermer dans sa stratégie de division alors que les trois organisations étudiantes demeurent irrévocablement solidaires? Ce que, de toute évidence, le gouvernement n’a jamais vu venir.

***

Des élections sur fond de conflit social?

Pendant ce temps, d’aucuns y voient un gouvernement prêt à partir en élections «sur le dos» des étudiants en s’instituant en gardiens ultimes de la loi et de l’ordre. Est-ce en effet le cas? Seul le premier ministre le sait vraiment…

Or, si cela devait s’avérer, de se lancer en élections sous prétexte de casser les reins d’un mouvement étudiant dégagerait irrévocablement de troublants effluves de république bananière.

Et tout ça pour une poignée de votes?

On ose à peine y penser… et encore moins, à y croire.

Pour ma part, je peine encore à imaginer un gouvernement sortant de son troisième mandat choisir volontairement de courir le risque de s’«offrir» une campagne électorale farcie de manifestations quotidiennes.

Mais qui sait ce que le premier ministre a vraiment en tête pour la suite des choses?…

Reste que pour le moment, puisque ce conflit n’est plus une impasse, mais dorénavant un cul-de-sac – et le climat social étant ce qu’il est devenu -, il y a urgence de bouger du côté du gouvernement.

Et en cela, le gouvernement serait sage de cesser de s’adresser uniquement à sa base électorale par sa stratégie de division pour s’adresser, enfin, aux organisations étudiantes…

Tout parti qui vit les yeux constamment rivés sur les sondages risque un jour d’en perdre la vue…