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Deux expos à l’Arsenal

Je me méfie de la hype autour de l’art chinois et des prix records atteints par des œuvres de certains peintres (Zeng Fanzhi, Liu Ye, Fang Lijun, Yan Pei-Ming. Ling Jian…).

Une fois cela dit, je vous recommande cette expo d’art chinois présentée ces jours-ci par Pia Camilla Copper à l’Arsenal. Cette commissaire connaît bien la Chine et son art. De plus en tant qu’éditrice, elle vient de publier un livre fascinant sur l’iconographie complète de Mao aux Éditions Horizons ( //horizonseditions.com/ ). On y retrouve toutes les images et objets de propagande communiste, mais aussi des œuvres contemporaines qui mettent en scène ce dictateur, comme celles des Gao Brothers.

De ceux-ci, le visiteur pourra d’ailleurs voir à l’Arsenal, une immense statue (de plus de 2 mètres) de Mao avec des seins (Miss Mao), œuvre qui est interdite de présentation publique en Chine (et dont on a pu voir des exemples plus petits à la Galerie Art Mur il y a 4 ans).

Dans l’art contemporain chinois, l’ironie et une fausse innocence (on parle de « réalisme cynique ») servent souvent d’outil de contestation. C’est tout à fait dans l’esprit de la postmodernité occidentale. Cet art chinois actuel nous renvoie donc à nos propres codes artistiques, à notre propre désir et incapacité de faire bouger le monde contemporain, mais aussi à notre vision de la liberté d’expression… Signalons d’ailleurs que l’artiste Han Bing qui participe à cette expo à l’Arsenal s’est fait refuser l’entrée au Canada.

Que pouvons-nous faire pour faire changer la situation politique actuelle désolante en Chine et ailleurs dans le monde?

J’ai rencontré Chang Lei, un des artistes de cette expo, qui dans certains de ses tableaux représente un homme eunuque au pied d’un éléphant (un des symboles de la Chine)… Chang Lei me dit que si chacun fait un petit geste les choses vont peut-être changer dans son pays et dans le monde. Je lui parle des camps de travail qui existent en Chine et dont on discute enfin en Occident. Il me raconte comment tout le monde est au courant de cette situation dans son pays et que l’arbitraire prévaut dans le système judiciaire chinois. Un exemple : en 2011, alors que le printemps arabe et le printemps du jasmin en Tunisie avaient un écho très fort en Chine, un des amis de Chang Lei qui se promenait avec un bouquet de jasmins dans la rue s’est vu arrêté et envoyé dans un de ces camps, sans aucune autre forme de procès… Alors, faut-il aller en Chine ou faut-il plutôt boycotter ce pays? « Vous devez vous rendre dans mon pays, me répond-il, mais tout dépendra de ce que vous y faites, si vous y allez pour appuyer le gouvernement chinois ou pas… N’oubliez pas que l’Histoire se souviendra de votre attitude… ». Et que pouvons-nous faire pour vos aider? « Rien, je vais très bien », de répondre cet artiste en souriant avec humour. Il ajoute : « Il y a une rumeur en Chine ces jours-ci. On dit qu’il existe une liste deux cents personnes qui vont être enterrées vivantes…. Mais la bonne nouvelle est que je ne suis pas dans cette liste ».  À la commissaire de l’expo qui lui raconte que je veux créer un blogue qui portera le nom d’ « Assassin d’artistes », il répond, en riant,  qu’il a hâte que je l’assassine… Et il me tend sa carte de visite. Voilà réaction bien différente de celles que j’ai eues avec des artistes canadiens lorsque je leur ai présentée mon idée de blogue. Il semblerait que dans certaines régions du monde les artistes n’aient pas peur de la liberté d’expression des critiques… Il faut dire qu’ils ont pire à craindre qu’un mauvais article dans un journal.

 

L’amateur d’art se rendra aussi à l’Arsenal pour voir l’expo montée par le commissaire Dominique Toutant. Intitulée Sound Track Volume 1, elle permet de voir le travail de six peintres contemporains (Mike Bayne, Karel Funk, Tim Gardner, Myfanwy MacLeod, Allison Schulnik et Etienne Zack) et d’entendre pour chacun toute une liste de morceaux de musique. Toutant est parti du constat que tous ces artistes (comme beaucoup d’entre eux sur la planète) créent dans leur studio en écoutant de la musique. Il a donc décidé de nous permettre d’entendre leurs musiques préférées. Un exemple : pour Mike Bayne cela va de Neil Young à Jeff Beck en passant par ACDC et The Who…

J’ai particulièrement apprécié l’intervention de Myfanwy MacLeod qui utilise des images pornos (de la revue Playboy en 1979 et 1980) mettant en scène la vedette Dorothy Stratten. Il faudrait d’ailleurs un jour qu’une galerie montre la série entière des photos et sculptures que MacLeod a réalisée sur le sujet. MacLeod nous fait entendre  I’d Do Anything for Love de Meatloaf, I Want to Know What Love Is de Foreigner, All by Myself d’Eric Carmen… Le tout devient comme une installation visuelle et sonore autour des liens entre pornographie et kitsch.

Une très belle idée qui mérite en effet un second volet.