W;T / Théâtre de la Bordée : Sous observation
Scène

W;T / Théâtre de la Bordée : Sous observation

W;T. Derrière cet énigmatique titre ponctué, se cache une pièce lumineuse où la mort plane au-dessus de contrastes bien vivants. 

En anglais, «Wit» est un terme qui réfère à la vivacité d’esprit. Ici, c’est celle de Vivian Bearing, femme de lettres attendant la mort au pied de son lit d’hôpital, mais aussi celle de John Donne, poète métaphysique du 17e siècle auquel elle aura dévoué sa vie. Unique pièce de théâtre écrite par Margaret Edson, son texte s’inspire de l’expérience vécue par cette dernière en milieu hospitalier. Après avoir gagné le prix Pulitzer et avoir été adapté en téléfilm, W;T se retrouve entre les mains du prolifique Théâtre Niveau Parking, sur la scène du Théâtre de la Bordée.

Encadrée par la mise en scène de Michel NadeauLorraine Côté incarne Vivian Bearing, narratrice caractérielle de sa propre histoire qui emmène le public en voyage à l’intérieur de sa mémoire, au fil de chacune de ses pensées, alors qu’elle combat le cancer sous les yeux cliniques des médecins. «C’est presque un journal intime. Elle [Vivian] s’adresse directement au public pour lui confier ses impressions», explique Lorraine Côté à propos de son alter ego mourant. «Toute sa vie, elle s’est isolée pour finir par être toute seule avec John Donne. Tout à coup, elle se retrouve confrontée à la mort imminente et à sa propre solitude. Ça la ramène aux valeurs essentielles humaines: la chaleur, la compréhension, l’empathie.» Sur la table d’examen, la rétrospective de la protagoniste ponctue les dernières heures de sa vie de flashbacks ludiques et lucides.

 

Clair-obscur

Même si l’action se déroule à l’intérieur des murs aseptisés d’un hôpital, la maladie est ici un prétexte pour traiter de confiance et de connaissance de soi, tout en se laissant porter par l’imaginaire du personnage central. C’est d’ailleurs plutôt vers la poésie que s’oriente la mise en scène, tel que l’illustre Michel Nadeau: «On n’est pas coincés dans le réalisme. L’environnement est plus conceptuel et suggéré. […] Il y a beaucoup de projections et d’images sur scène; puisque le personnage évolue dans le monde de la poésie et de l’esprit, ça nous permet d’aller dans ce sens-là», afin de naviguer d’un espace-temps à l’autre en un claquement de doigts.

Vivian Bearing, en elle-même, personnifie l’opposition de la littérature à la science, de la rigidité à la chaleur humaine. C’est d’ailleurs grâce à son esprit et son humour que W;T, plutôt que d’être sombre et clinique, prend des allures lumineuses. «L’auteur aime son personnage. On sent beaucoup d’affection dans l’écriture. Même si c’est un professeur exigeant, on a beaucoup de sympathie pour cette femme-là et pour son combat.» Écrite en contrepoint entre les scènes plus douloureuses et les séquences humoristiques, la pièce invite les spectateurs à cheminer avec la protagoniste jusqu’à la toute fin du compte à rebours, où ce qui sépare la vie de la mort, ce n’est finalement peut-être qu’une petite virgule.

Du 3 au 28 mars
Théâtre de la Bordée