Imaginez comment les gens réagiraient s’ils apprenaient qu’un célèbre fabricant de chips injecte une substance chimique dans son produit afin de rendre les gens accros et, ainsi, augmenter ses profits.
On grimperait dans les rideaux! Les associations de consommateurs organiseraient des marches de protestation, les groupes de gauche blâmeraient le système capitaliste au grand complet et Naomi Klein (jeans Levi’s sur le dos et téléphone cellulaire Ericsson vissé à l’oreille) prononcerait 56 conférences sur le sujet.
Or, c’est exactement ce qui se passe avec les fabricants de cigarettes. Pourtant, personne ne crie au meurtre. Les militants qui se fendent en quatre pour traîner les géants du tabac en cour passent même pour des extrémistes puritains.
En fait, ce que les fabricants de cigarettes font est encore pire. Ils n’ajoutent pas une substance chimique dans leur produit: ils font de cette substance leur seul et unique produit! Tout le reste, c’est-à-dire le goudron, le filtre, le papier et le tabac, n’est que de la décoration, une couche de sucre destinée à nous faire avaler la pilule.
Contrairement à ce qu’on a longtemps cru, ce n’est pas le tabac qui est important dans la cigarette: c’est la nicotine. Comme l’affirme David Kessler, ex-directeur de la Food and Drug Administration et actuel recteur de l’École de médecine de l’Université Yale: "Le principal business des fabricants de cigarettes n’est pas la vente du tabac: c’est la vente de nicotine. Une cigarette est une sorte de seringue en papier permettant aux usagers de s’injecter régulièrement une dose de drogue dans le sang. Le reste, c’est de la blague…"
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Ça fait d’ailleurs longtemps que les fabricants de cigarettes ne s’intéressent plus au tabac. Dans Civil Warriors: The Legal Siege on the Tobacco Industry, un essai passionnant publié chez Delacorte, le journaliste Dan Zegart (qui écrit pour plusieurs publications progressistes comme Ms. et The Nation) montre comment les fabricants du tabac tripatouillent volontairement leur produit afin de rendre les gens accros.
"Les fabricants de cigarettes, écrit-il, affirment que la nicotine est une substance naturelle qui fait partie intégrante du produit qu’ils vendent (le tabac). Or, c’est complètement faux. Les fabricants de cigarettes ont construit des laboratoires ultra-secrets, dans lesquels des chimistes et des généticiens de haut calibre (et grassement payés) développent de la nicotine condensée. Cette substance illégale est ensuite réinjectée dans le tabac. Les gens qui consomment cette drogue à leur insu développent une accoutumance, qui les amène à consommer régulièrement ce produit afin de maintenir un taux fixe de nicotine dans leur système."
Les chimistes travaillant pour les géants du tabac ont d’ailleurs effectué plusieurs tests sur des rats et des souris afin de s’assurer que leur drogue causait bel et bien une accoutumance. Ils ont testé, vérifié et contre-vérifié…
Bref, on est loin des Indiens qui fumaient de l’herbe!
Dans A Question of Intent: A Great American Battle with a Deadly Industry, l’essai qu’il vient tout juste de lancer, David Kessler affirme même que les fabricants de cigarettes ont voulu financer secrètement des groupes islamistes extrémistes, car ceux-ci affirmaient que le Coran encourageait la consommation de tabac!
Plus pervers, tu meurs.
Je parlais plus haut de la Food and Drug Administration, aux États-Unis. Savez-vous que la FDA est le plus gros organisme de protection de consommateurs au monde? La FDA contrôle toutes les substances qui entrent en contact avec le corps: médicaments, nourriture, vaccins, boissons… Ce méga-organisme réglemente toutes les drogues actuellement en circulation sur le territoire américain. Toutes, sauf une. Devinez laquelle?
La nicotine.
La nicotine n’est pas réglementée par la FDA, même si elle correspond en tous points à la définition d’une drogue ("une substance qui altère l’organisme").
Pourquoi? Simple: $$$$$$$. L’industrie du tabac fait beaucoup, beaucoup de $.
Pourtant, malgré tout ça, ce sont encore les manifestants antitabac qui ont la mauvaise cote. Ce sont eux que l’on ridiculise et que l’on traite de fous, sous prétexte qu’ils luttent contre le plaisir.
Agirait-on de la sorte si on découvrait que les fabricants de chips utilisent les mêmes méthodes pour faire du fric? Je suis sûr que non. La question ne se poserait même pas.
Mais voilà, dans notre société, le cigarette est encore associée à la révolte, au non-conformisme.
Belle fumisterie…