Guy Delisle : Aline et les autres

Aline, Bernadette, Catherine, Diane, Élodie, Wendy, Xavière, Yolande, Zoé; c’est sous la forme fantaisiste d’un abécédaire comportant vingt-six prénoms féminins que le bédéiste Guy Delisle propose sa vision à la fois fascinante et dérangeante des rapports entre les sexes.

On est ici très près du dessin animé (métier principal de Delisle), particulièrement par l’agencement des cases qui permet de présenter le mouvement des personnages et des situations. Chacune des soixante-huit planches d’Aline et les autres comporte quinze cases de même dimension, parfaitement alignées et défilant avec une précision mathématique, comme un ruban de pellicule. Une régularité, aujourd’hui peu courante en bédé, à laquelle s’oppose la thématique du démembrement dont est parcouru l’album.

En effet, la vision des rapports amoureux de Delisle est pour le moins «tranchée». La diversité des types féminins freudiens y est représentée avec un humour mordant: cela va de la mère-amante (Ginette) à la narcissique (Zoé), en passant par la mangeuse d’hommes au sens propre (Naomi, Simone et d’autres), voire par l’obèse dans la chair de laquelle on est englouti (Karine). Quant à l’homme, il est dépecé, charcuté, avalé, puis déféqué, après quoi sa compagne actionne soigneusement la chasse d’eau afin qu’il n’en subsiste aucune trace (Ophélie). Tout cela sans aucune parole, hormis de rares onomatopées.

Québécois qui fait carrière en Europe, Delisle est l’un des auteurs montants de L’Association, une maison française qui se consacre à l’édition de «bandes dessinées d’auteurs», très narratives, souvent autobiographiques. Pour son style d’une brillante originalité, Aline et les autres est donc une occasion de faire connaissance à la fois avec l’auteur et avec un éditeur qui ne lésine pas sur la qualité de sa présentation. Une suite, prévue pour l’an prochain, sera un second abécédaire composé de prénoms masculins.

Éd. L’Association, collection «Éperluette», 1999, 72 p.