Paule Turgeon : C’est arrivé près de chez vous

Les procès, Paule Turgeon connaît ça. Pourtant, elle était totalement ignorante du domaine judiciaire avant que le journal Le Soleil, il y a plusieurs années, lui confie la tâche de couvrir quotidiennement les rebondissements du palais de justice de Québec. L’auteure d’Au coin de Guy et René-Lévesque a donc démarré l’écriture de son roman policier avec une bonne connaissance de la matière première. "Un polar doit être bien ancré dans la réalité pour être plausible", confirme-t-elle. Et le procès occupe une place importante dans ce roman dont la toile de fond est Montréal.

"Si j’ai dû faire des recherches dans le milieu hospitalier pour certaines scènes, le monde des meurtriers est complètement issu de mon imaginaire ou des observations faites au fil des ans. Concernant le monde judiciaire, j’ai dû retourner auprès de certains spécialistes pour obtenir des précisions sur des détails qui peuvent faire toute la différence en matière de crédibilité. Mais comme j’ai couvert le palais de justice pendant un an, j’ai eu le temps d’avoir un échantillon fiable et assez vaste des différentes natures de procès." C’est grâce à ce boulot qu’elle s’est dirigée, pour le plaisir des lecteurs, dans la voie du polar à teneur procédurière. "Vous savez, affirme-t-elle en riant, le palais de justice est une véritable comédie humaine!"

Le monde des criminels est un milieu très masculin. Ici, c’est une jeune femme, Sarah Lanthier, qui se trouve confrontée à des rapports où règnent l’intimidation et la domination. "Ce type de relations conflictuelles n’est pas à l’origine de ma démarche. J’avais simplement envie d’écrire sur une femme criminaliste." L’histoire met en scène une avocate talentueuse et carriériste qui fait son entrée dans un cabinet prestigieux en défendant un meurtrier déséquilibré, déjà plusieurs fois condamné dans d’autres causes. Le type est une figure connue de la rubrique des faits divers, et son père, un chirurgien réputé, est un personnage influent qui fréquente les juges et des hommes de différents pouvoirs.

Sarah provient elle aussi d’une famille au ton austère et aux allures autoritaires. Son père est juge et son frère, avocat. Mais la famille voit d’un mauvais oeil que Sarah s’attaque à ce genre de cause qui défraie la chronique des mauvais papiers. "C’est une famille sclérosée. Tout passe par l’honneur et le prestige au lieu de s’ouvrir à des valeurs plus actuelles ou plus humaines. C’est contre ça que Sarah se rebelle." L’auteure, qui fut également pigiste à Châtelaine et à la Presse canadienne, avoue que ses proches la reconnaissent dans ce personnage.

Travaillant à l’adaptation de documentaires pour la télévision, Paule Turgeon confesse que son polar est un dérivé de l’un de ses multiples scénarios qui n’ont pas concrètement abouti au cinéma. "Ç’a été long avant qu’il se publie vraiment des polars au Québec. Comme pour le cinéma, ça fait seulement quelques années que c’est entré dans l’imaginaire québécois."

Au coin de Guy et René-Lévesque
de Paule Turgeon
Éd. Triptyque
2003, 214 p.