Laurence Jalbert : Maudit bonheur
Musique

Laurence Jalbert : Maudit bonheur

Après avoir traversé une des périodes les plus difficiles de sa vie, la chanteuse gaspésienne remonte sur scène et retrouve un certain bonheur. Partagé.

On vous avertit tout de suite: il n’y aura pas de résumé des épisodes précédents. On ne vous racontera pas les nombreuses épreuves (maladie, accouchement prématuré, séparation, etc.) qu’a dû subir la chanteuse de Rivière-au-Renard au cours des dernières années. On ne fera pas dans le détail des difficultés rencontrées. Tout ça devient inutile.
Parce que Laurence Jalbert est, elle-même, passée à autre chose. «Si j’ai réussi à écrire sur ces sujets, c’est que la page est définitivement tournée. Si je n’avais pas réussi à régler ces problèmes, il n’y aurait pas eu ces chansons.»

Ces treize chansons composent son troisième album, Avant le squall, paru au printemps 98. Un album pas très joyeux – vous vous en doutez… -, mais d’une rare maturité, tant sur le plan des textes que des musiques. Une maturité d’autant plus étonnante qu’entre l’écriture et la parution de son disque, Laurence a beaucoup changé. Et qu’entre la sortie d’Avant le squall et aujourd’hui, on jurerait qu’elle a rajeuni. Et ce n’est pas seulement parce qu’elle a mis un peu de rouge dans ses cheveux…

Le changement, il s’est véritablement fait en profondeur. Un exemple? La Jalbert s’emporte lorsqu’elle parle du bonheur éprouvé lors de l’enregistrement du disque, avec le réalisateur Pierre Duchesne. «J’ai vécu une préproduction et une production d’album comme je n’aurais jamais pu l’imaginer. Tu sais, quand tu dis rien pour troubler ce bonheur: les jours qui passent, qui coulent tout doucement. Tout au long, je me demandais quand est-ce que la brique était pour me tomber sur la tête. Je n’ai même jamais eu à argumenter avec Pierre le réalisateur. C’était juste bon…»

Aujourd’hui, Laurence parle avec entrain de ses soirs de scotch, comme disait Luce Dufault. Aujourd’hui, Laurence n’est plus gênée de dire qu’elle a acquis une certaine légèreté qu’elle n’a plus l’impression de porter le poids du monde sur ses épaules.

Pourtant, la relation privilégiée avec ses fans se poursuit. Le courrier que reçoit Laurence Jalbert est un condensé des problèmes de notre société. Une telle lui raconte son viol. Celui-là lui écrit qu’il est au bord du suicide. Ces lettres la touchent toujours autant. Elle a beau tenter d’être un peu plus légère, ces confessions l’ébranlent au plus haut point, et la ramènent tout droit sur terre.

Il suffit de lire les textes de Laurence Jalbert pour se rendre compte qu’ils appellent ce genre d’identification. Elle a beau insuffler un peu de poésie dans tout ça, en parler parfois sur un mode métaphorique, tenter d’imager ses propos; ceux-ci restent d’une rare limpidité. Suffisamment pour qu’il n’y ait pas de cachette entre la chanteuse populaire et son public gourmand…

Auteure, compositrice, et interprète
Ce public, Laurence Jalbert le gave. Elle lui en donne vraiment pour son argent. Plutôt que de discuter de son écriture, on s’est, au cours de cet entretien, attardé sur le côté interprète de la chanteuse. La différence entre chanter en studio et en spectacle. Ce que l’on peut résumer en une seule citation: «Il ne faut pas que tu donnes tout, sinon le monde ne pourrait pas supporter ça sur disque. Si tu racontes trop, si tu pleures en chantant comme certains font – et c’est très vendeur, mais ce n’est pas moi -, c’est trop. Je trouve que ce n’est pas correct pour le monde de leur envoyer ça en pleine face comme une claque sur la gueule. Il y a une part de cette peine qui m’appartient et qui n’est pas à eux. Ça a beau être mes histoires à moi, mes rengaines à moi, mes frissons à moi, il reste aussi que ceux qui écoutent la chanson en font ce qu’ils veulent….»

Avouez quand même qu’à une époque où l’on ne rencontre que des chanteuses extrêmes au haut des palmarès, cette retenue fait vraiment beaucoup de bien.

Ne lui demandez cependant pas d’avoir cette même façon de chanter lorsqu’elle est en spectacle, comme ce sera le cas demain au Capitole. Lorsqu’elle est sur scène, Laurence Jalbert ne peut plus avoir cette retenue. «Sur scène, oui, malgré tout, tu peux te donner émotivement tous les soirs à cent pour cent.»

Avec ce troisième album, Laurence Jalbert fait désormais vraiment partie du paysage musical québécois. Comme si le troisième album et son succès (on approche dangereusement du disque d’or) était une espèce de consécration. On ne découvre plus Laurence Jalbert… «Pourquoi tu penses que je me suis mis du rouge dans les cheveux? J’ai besoin de piquant, de nouveauté.»

Le 26 février
Au Théâtre Capitole