Chansons pour marcher dans la neige
« Ah comme la neige a neigé », écrivait Émile Nelligan vers 1898 dans son poème Soir d’hiver, texte emblématique qui signe en quelque sorte notre imaginaire nordique.
N’ayons pas peur des évidences, l’hiver, la neige, la glace, la froidure sont au cœur de notre patrimoine poétique et chansonnier. Avec les bordées de neige qu’on reçoit par les temps qui courent, il fait chaud au cœur de se concocter quelques bons moments musicaux mettant l’hiver en vedette.
En 2006, Malajube nous lançait tout un coup de tonnerre dans l’univers musical québécois avec l’album Trompe-l’œil. De ce recueil mémorable de chansons, une en particulier, inspirée par le froid de la métropole, est demeurée bien ancrée dans nos mémoires.
Malajube | Montréal -40C
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Montréal, t’es tellement froide
Un ours polaire dans l’autobus
J‘m’inspire du pire
Pour m’enrichir
Et je t’aime tellement que j’hallucine
Plus récemment, Klô Pelgag – qui mérite tous les trophées qu’elle gagne, soit dit en passant – a su trouver les notes et les mots pour mettre en scène l’allégorie des flocons qui tombent sur le sol.
Klô Pelgag | La neige tombe sans se faire mal
[youtube]olfLapdACMM[/youtube]
C’est la neige qui tombe sans se faire mal
Et toi tu tombes à en surprendre les étoiles
C’est le temps que tu amènes avec toi quand tu gèles
Et que ton âme part en voyage
Maître The Wolf lui-même, qu’on aime imaginer en train de se balader aux quatre coins de la planète sous les rayons de soleil – À Alger, c’est toujours l’été, souvenez-vous! – a carrément intitulé Hiver une de ses pièces de l’album Mille excuses Milady.
Jean Leloup | Hiver
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Tandis que l’heure avance, les gens passent
Et rien ne se passe, c’est l’hiver
Les grands froids ont cessé tout mouvement
La glace est dure, les fenêtres cassantes
La nuit est noire, et le ciel est inquiétant
Dany Placard, on le sait, est toujours partant pour un tour de pick-up. Ses chansons en forme de road movie nous font voyager. Ici, c’est la slush de la vie quotidienne qui nous donne envie de rouler sans s’arrêter pour aller nulle part, juste s’en aller.
Dany Placard | Slush
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J’commence à trouver
Qu’l’hiver est long c’t’année
J’vas fouler mon pick-up pour m’en aller
Ça dure depuis six mois
Les bancs d’neige sont rendus aussi hauts
Que quand j’étais flo
Avec sa voix batailleuse, Jimmy Hunt, on ne s’en étonnera pas, trouve dans le froid une manière de réparer des liens brisés tout en se réchauffant le cœur d’éléphant avec son manteau en plumes d’oie et ses bottes de peau de vache. On espère que les véganes apprécieront cette poésie autant que nous.
Jimmy Hunt | Pont de glace
[youtube]VL-HfuZvpP4[/youtube]
Tu devrais regarder sur qui tu marches
J’ai un manteau en plumes d’oie
des bottes en peau de vache
Tu devrais regarder sur qui tu craches
J’ai un cœur d’éléphant et un fusil de chasse
Pour toi
J’ai traversé un pont de glace
Je voulais revoir ta jolie face
Voyageons dans le passé pour relire nos classiques un peu. Est-ce la plus belle chanson d’hiver? En tout cas, elle mérite une place dans cette sélection. Sans aucun doute un classique. Cela dit, si Baby it’s cold outside a créé des émois il y a quelques semaines, que faut-il penser de ce baiser volé sur un visage? Une polémique n’attend pas l’autre quand on sort nos vieux records!
Les Classels | Le sentier de neige
[youtube]zRtGXwYBBkQ[/youtube]
Le sentier de neige court en la vallée
Où dansent en cortège des sapins gelés
Est resté bien sage, témoin d’un baiser
Que sur ton visage, je t’avais volé.
1969, c’est l’année de Woodstock, Neil Armstrong marche sur la Lune et toute la jeunesse du monde occidental est en pleine contestation. Au Québec, la Révolution Tranquille bat son plein. On ne conteste pas simplement les idées du passé, mais aussi la beauté de l’hiver. Robert Charlebois commet le sacrilège de fuir avec les canards en nous laissant « Mon pays ce n’est pas un pays c’est l’hiver chanté par les charrues ».
Robert Charlebois | Demain l’hiver
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Je vous laisse les enfants qui s’assomment en se « pitchant »
Des balles de neige en glace en pleine face
Je vous laisse les enfants qui ont la langue collée
Sur les « tracks » et qui pleurent parce que le train s’en vient
Je vous laisse les enfants mangés par la souffleuse
À quatre heures dans un fort top secret
1974, Bertrand Gosselin, la moitié de Jim et Bertrand, signe un disque qui porte son nom et sur lequel il semble vouloir redonner ses lettres de noblesse à l’hiver! Contrairement à Charlebois qui se sauve dans le sud en nous laissant à notre triste sort de grenouilles congelées, lui, il revient du Mexique avec la ferme intention de goûter l’hiver québécois! Un bel effort qui mérite mention!
Bertrand Gosselin | L’hiver québécois
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J’arrive du Mexique y’a fait chaud là-bas
Maintenant j’veux goûter l’hiver québecois
J’mets manteaux d’fourrure, foulard et mitaines
J’m’en vais dehors jouer avec les deux chiens
On va courir et danser en forêt
On va r’venir ben gelé mais satisfait
En 1975, Plume Latraverse semble vouloir démolir le monument hivernal pour de bon… Enfin, un peu! Même si l’hiver est beau, il n’en démord pas, cette saison lui donne le goût de « sacrer son camp jusqu’au printemps ».
Plume Latraverse | Lit vert
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Chus comme un ours dans l’fond d’sa cage
J’cultive la mousse su mon visage
Plus y fait frette, plus j’ai envie d’ partir
Plus j’me sens prêt à pas m’faire engourdir
1979, Dominique Michel enfonce le dernier clou dans le cercueil avec un titre qui ne laisse aucun doute sur l’appréciation de la saison hivernale… En l’écoutant, on se prend de nostalgie pour ces finales du hockey qui duraient alors jusqu’au mois de mai. Une époque révolue. De nos jours, dès les premiers jours du printemps, on sait qu’on ne fera pas les séries…
Dominique Michel | Hiver Maudit
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J’haïs l’hiver
Maudit hiver
Chez nous l’hiver c’comme le hockey
Y’a des finales jusqu’au mois de mai
Toujours est-il que la poésie floconneuse se ramifie désormais dans les lieux les plus improbables. Voici une pièce pour nous en convaincre. Paru en 2006, Snow Love est l’hymne enneigé le plus classique de l’histoire du hip-hop québécois – n’en déplaise aux Anticipateurs et leurs Canons à neige. Oscillant au gré du mercure entre le premier et le deuxième degré, Maybe Watson nous y invite à apprécier les douceurs de l’hiver, à pelleter avec bonhomie avant de retourner se réfugier sous les couvertures.
Maybe Watson | Snow love
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Chaque flocon est unique, œuvre de la nature
Chaque seconde est unique, mon amour je te l’assure
Si les gens savaient sourire au lieu d’engueuler leur souffleuse
On pourrait apprécier la beauté de la neige poudreuse
Mais c’est pas le cas comme une danse européenne
NDLR: «pas le cas» = polka… Eh oui.
Bon… Après cette dose de rap de pelle, on a bien besoin de se laisser séduire par quelqu’un qui sait chanter. Justement, l’hiver se fait lumineux avec la douce Isabelle Boulay sur la pièce-titre de son septième album studio paru en 2009 et certifié or (fait rarissime en ce 3e millénaire) quelques mois après. Des mots réconfortants qu’elle se met en bouche avec son trémolo habituel et si prenant, cette façon qu’elle de chanter comme si elle nous suppliait de la prendre dans nos bras.
Isabelle Boulay | Chanson pour les mois d’hiver
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L’automne est déjà loin derrière
La forêt enneigée calme les colères
Il y a ce silence qui hante
Les montagnes et la plaine
Terminons cette promenade hivernale et musicale sur une proposition instrumentale. Si une image vaut mille mots, quelques sons valent bien un poème. En 2012, pendant deux semaines de congé de paternité suite à la naissance de sa fille, le beatmaker Vlooper a composé Snowloops «sur le fly», selon ses dires. Bien que l’album n’ait de commun avec l’hiver que son titre, force est d’admettre que ce rythme se prête à merveille aux longues déambulations enneigées.
VLooper aka NRV Loopa – Snowloops | Astral Plank
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