Patrice Dubois : Révolution poétique

Certains comédiens sont tombés dans le théâtre quand ils étaient petits. D’autres ont choisi de monter sur les planches par instinct, sans vraiment savoir dans quoi ils s’embarquaient. Patrice Dubois fait partie de cette dernière catégorie. Quand il a débuté ses études en jeu, au cégep de Saint-Hyacinthe, il n’avait vu que deux shows et n’avait lu aucun classique. Qu’importe, Dubois avait déjà écrit une pièce et se lançait tête première dans l’aventure théâtrale.

+ l’aube de la vingtaine, son diplôme en poche et ses classiques en tête, il ne se contente pas de jouer le jeune premier à la télé. Avec autant de candeur qu’à l’adolescence, il plonge dans la création théâtrale. Il s’implique activement dans deux compagnies: le Groupe Audubon, qui flirte avec le répertorie des pièces de Vian; et Janvier Toupin Théâtre d’Envergure.

Fondée en 1995 par Dubois, Marie-Claude Gamache et Dany Michaud, la compagnie Janvier Toupin a comme mandat de «faire du théâtre de création où tous les intervenants sont responsables, et participent à chaque étape de la recherche, pour se donner le temps d’aller au fond des choses». D’où le terme «envergure» qui figure dans le nom de la troupe baptisée en l’honneur d’un certain docteur Toupin, mystérieux mécène auprès des jeunes créateurs. Depuis quatre ans, la compagnie Janvier Toupin a produit quelques projets, dont Ad Deliro, à l’Espace Libre, et le spectacle Co-o-soo, au Théâtre La Chapelle.

«La véritable création se produit à un point de fusion entre la pensée et le sentiment», a déjà dit le metteur en scène Peter Brook. Cette citation, Patrice Dubois aurait pu l’accrocher au mur de la salle de répétition de l’Espace La Veillée, tant elle résume bien l’esprit qui anime les membres de la troupe. + partir de leur fréquentation de l’ouvre et des écrits de Claude Gauvreau, ces derniers ont signé une nouvelle création, Craignez l’homme né d’aucune femme – un titre vaguement inspiré d’une réplique de Macbeth. Le spectacle prend l’affiche cette semaine du Théâtre intime de La Veillée pour, exceptionnellement, 40 représentations!

Dubois et le collectif de dix comédiens se sont donc nourris du théâtre, de la poésie, des correspondances et autres textes de Gauvreau pendant près de deux ans. En atelier de recherche, ils se sont interrogés sur les thèmes récurrents retrouvés, ici et là, dans les écrits du poète. Ils ont recensé différentes obsessions tournant autour de sa muse, Murielle Guilbault, de la solitude, de l’amour, de la stérilité par opposition à la fécondité, de l’énergie créatrice face au désir libidineux.

«Au fil de la recherche, explique Patrice Dubois qui signe aussi la mise en scène de la pièce, on s’est éloigné de l’ouvre de Gauvreau pour approfondir des thèmes plus proches de nous. L’idée de la révolution s’est imposée, ce qui n’est pas étranger à Gauvreau, un des signataires de Refus global, et précurseur de la Révolution tranquille. Mais on aborde la révolution dans le sens large de changement, de rotation, et pas seulement au niveau social.»

+ quelques jours de la première, le résultat final semblait toujours échapper à Dubois, qui passe des nuits blanches ces temps-ci. Mais cela ne l’empêche pas de croire fermement au fait que les jeunes de sa génération, la vingtaine, devraient se commettre davantage dans la création. «+ 17 ans, j’étais naïf quand je parlais de mon métier. En vieillissant, je ne veux pas perdre cette naïveté pour m’inscrire dans un milieu, une façon de faire et de penser. Pour moi, la naïveté nous permet d’avoir le moins d’obstacles possible entre le désir et le résultat. Le pire drame pour un artiste, c’est s’il commence à s’empêcher de faire des choses par crainte de se casser la gueule. Quand je veux réaliser un projet, je ne me demande pas si ça a déjà été fait. + la limite, je m’en fous si un auteur a déjà écrit une pièce semblable dans les années 50! Un artiste doit être à l’écoute de ses désirs.»

Jusqu’au 24 avril
Espace La Veillée (Théâtre intime)
Voir calendrier Théâtre
N.B.: Le spectacle commence à 20 h 15