Depuis la loi78, deux mots martèlent les parois de mon crâne : paix sociale.
Paix sociale, mots prononcés par un premier ministre, sur le ton (se voulant) bienveillant du père excédé qui veut protéger sa grosse famille de la turbulence d’un petit groupe d’indisciplinés. Parce que le papa bienveillant, et excédé, s’est absenté de la « maison » longtemps et pendant son absence, les enfants ont pris des libertés – parce qu’ils se sentaient abandonnés dans leurs demandes. Pour redresser la situation causée par son absence, il décide de serrer la vis, griffonnant rapidement sur la table de cuisine de nouvelles règles strictes et restrictives. Comme il prévoit prolonger son absence (il est bien occupé !), il confie la garde de sa grosse famille à la police. Déléguer son pouvoir à la police, pourquoi pas. C’est connu, on a longtemps fait peur aux enfants avec le spectre de la police. L’idée dans la tête de « l’Élu » est de retrouver la paix. Sa paix. Et on sait combien les parents aiment avoir la paix !
C’est mon scénario, un peu loufoque je l’avoue, mais ce qui l’est moins est que certains citoyens se sentent protéger par ce papa bienveillant et excédé. Pas moi, pas lui, pas toi, probablement pas vous, mais celui qui surfe sur les nouvelles, les écoute d’une oreille distraite, ne lit pas, et surtout pas une pluralité d’opinions complexes, n’a ni temps, ni énergie, ni goût et peut-être même, ni capacité d’analyser et de réfléchir une situation aussi complexe. Le gobeur de gros titres.
Ce citoyen-là, il trouve que des manifestations, ça fait ben du bruit, ça dérange, et en plus, ça peut être dangereux. Ça s’approche de la définition de l’enfant en bas âge : fait du bruit, dérange, et peut se faire mal. Toujours ce même citoyen, entend aux nouvelles que le groupe d’enfants turbulents désobéit aux gardiens de la loi. Une loi qui tire sur le rouge … qui devient rouge sang. Rouge pompier. Rouge écarlate, rouge colère aussi. Parce que, pour des grands enfants, on remplace les coups de règle sur les doigts, un peu de sérieux quand même (!), par les coups de matraque sur la tête.
Revenons encore à ce citoyen, un bon diable dans le fond, qui peine à voir ce spectacle aux nouvelles télévisées de 18 h 00, et repense à la fameuse « paix sociale » du paternel. Parce que le gardiennage des enfants par les gardiens de l’ordre, ça marche pas fort, fort. Pas encore. Pour l’obtenir, il faudrait peut-être resserrer la poigne sur la matraque et taper plus fort ? Et encore et encore plus fort ? Qu’on en finisse.
Et qui a la main sur ce bâton du pouvoir qui frappe ? Ces braves policiers, qui peuvent être braves et valeureux en temps normal (j’entends par temps normal une semaine de 40 heures avec une partie de travail routinier) se retrouvent à travailler des quarts de 12 heures/7 jours semaine. Ça mettrait les nerfs à cran de n’importe qui. Mais, ils ne sont pas n’importe qui, ils sont la force de l’ordre.
Heureusement, les rues ont des oreilles, des yeux aussi. Caméras et appareils-photo voient et enregistrent, dans le brouillard épais des gaz, des scènes « violentes non recommandées à un public de 14 ans et moins ».
La loi78 est née au nom de la « paix sociale » et depuis 2 jours, je n’ai jamais vu et lu dans toute ma vie un chaos d’une telle ampleur et d’une telle gravité au Québec. Ça commence à s’appeler, dans ma tête, une révolution pas tranquille. Ahurie, je contemple le tableau de cette « paix sociale » que j’avais d’ailleurs commencé à décrire en scènes diverses et il y en a tellement, il s’en rajoute à chaque heure, que je me suis arrêté, je n’en pouvais plus. Je n’en peux plus et je n’en veux plus de cette « paix sociale » !!
À l’émission Maisonneuve en Direct, j’ai entendu de la bouche de Léo Bureau-Blouin : « Je ne sais pas si dans la tête de Charest, le doute commence à poindre que cette Loi78, ce n’est pas la bonne solution ».
J’avoue l’avoir trouvé charmant, presque courageux, d’aller encore faire son tour dans cette tête.
Pour ma part, j’y vais plus.
L’idée même de pouvoir forcer la paix sociale à coup de lois quand il s’agit de débats sociaux de cette ampleur me sidère. Dans quel Québec notre premier ministre vit-il pour penser qu’une loi baillonant ceux qui ne sont pas d’accord avec sa vision puisse faire autre chose qu’empirer la situation? Pas le mien. Pas celui de tous ceux qui croient en la liberté d’expression et la démocratie. Et j’ose espérer pas celui de la majorité des citoyens. Mais tu oses quand même parler de ceux qui, pas vraiment informés ni intéressés de l’être, se braquent à l’idée que l’on puisse déranger leur sainte-paix au nom de ces principes. Ceux qui n’ont pas envie de réfléchir, qui préfèrent continuer à siroter leur bière le dimanche soir, et voudraient le faire, si possible, sans entendre au loin les revendications sociales de leurs concitoyens. « On pourrais-tu en finir et parler de d’autre chose? ». Ceux là, je préfère ne pas y penser.
Comme tu dis, « j’ose » parler d’une supposément (où sont-ils ?) majorité de citoyens qui appuient le « bon papa ». C’est là l’aberration à mon avis, d’avoir de l’audace pour parler de la majorité ! La majorité.
Comme on dit parfois, le client a toujours raison, faudrait-il dire la majorité a toujours raison !? Non. En quelque part, je trouve difficile de mettre des personnes dans le même panier, mais ce qui m’aide à l’oser est que je me sais volontaire pour montrer les ficelles, cas par cas s’il le faut, de la manipulation.
Chaque citoyen a un pouvoir ; informer ou inviter l’autre citoyen à s’informer, à voir les ficelles en arrière de la scène. En tout respect.
Une majorité de plus en plus faible:
http://tvanouvelles.ca/lcn/infos/national/archives/2012/05/20120521-215816.html
Et plus la crise va durer, plus la gouvernement va perdre des appuis. Parce qu’une partie de ces gens l’appuyaient parce qu’ils voulaient justement le retour de la « paix sociale » (la tranquillité et le train-train quotidien). Or,plus la crise dure, plus il devient clair que Charest l’a provoquée et la prolonge.
De plus en plus, il apparaît que Charest est un obstacle au retour à la « paix ».
Cet après-midi je serais à la place des spectacles, métro Place des Arts, pour la grande marche du 22 mai.
Je suis contente de vous entendre dire que le bon citoyen devrait de plus en plus identifier Charest au « trouble » plus qu’à la Paix sociale. C’est mon espoir, et l’espoir tient en vie et tient en vie une attitude pas trop défaitiste.
Je vous remercie d’être à cette majestueuse (je la vois et la souhaite ainsi), manifestation, pour tout ceux qui ne le peuvent pas. J’y serai certes en esprit.