Vie

Loup marin : Du phoque dans l'assiette

Il se prépare en ragoût, en tataki ou en saucisson. Le loup marin se démocratise peu à peu et est servi dans quelques établissements montréalais. Petite dégustation d’un mets qui fait malgré tout parler de lui.

Sur le menu, aux côtés de l’onglet de bœuf et du magret de canard, se faufile une assiette de phoconnaille. De cochonnaille? Non, non, c’est bien de la phoconnaille, de la charcuterie composée de viande de phoque. Au restaurant Au cinquième péché de la rue Saint-Denis, le phoque fait partie de la carte depuis sept ans. «Au début, c’était à titre expérimental, pour nos amis et les habitués. Maintenant, on est au point, explique le chef Benoît Lenglet. Je suis très fier de proposer ce produit. C’est une viande locale préparée par des artisans des Îles-de-la-Madeleine. En plus, elle est issue de la chasse. Les animaux ont vécu en liberté, n’ont pas été piqués aux hormones et n’ont pas mangé de moulée. C’est quasiment comme du bio.»

Cette année, la chasse s’est déroulée pendant deux semaines, fin février et début mars, et Benoît Lenglet a reçu les premiers morceaux de viande début avril. «Ça reste un produit saisonnier. Nos clients attendent avec impatience son arrivée. Je devrais pouvoir en proposer jusqu’en été», annonce-t-il en précisant que le public est de plus en plus ouvert à manger cette viande.

Viande rouge et ferreuse

Et concrètement, à quoi cela ressemble-t-il? «C’est une viande très rouge qui s’apparente au caribou ou au chevreuil», explique Réjean Vigneault, boucher et copropriétaire de la boucherie madelinienne Côte à côte, seul établissement au Québec à avoir été agréé par le MAPAQ pour transformer et commercialiser le phoque. «Quand il est très cuit, le loup marin s’apparente au foie, car il contient beaucoup de fer. Il ne doit pas goûter le poisson, sinon, c’est que l’animal était trop vieux.»

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Ouverte depuis 12 ans, la boucherie a dû développer un savoir-faire et mettre en place toutes les techniques pour préparer le loup marin. «Nous avons tout appris sur le tas, explique le boucher, qui est aussi le vice-président de l’Association des chasseurs de phoques des Îles-de-la-Madeleine. Nous sommes extrêmement contrôlés et nous avons des protocoles à suivre pour toutes les étapes, de la chasse à la vente.»

Depuis l’ouverture du commerce, l’homme et son équipe ont fait «un million d’essais pour une dizaine de réussites», et vendent aujourd’hui leurs produits à la grandeur du Québec. La boucherie propose plus d’une dizaine de charcuteries et préparations, dont des morceaux de viande crue, des rillettes, des terrines et des saucisses. Certains de ses produits se trouvent aux Délices de la mer au Marché Jean-Talon, qui tient régulièrement des morceaux de filet et des rillettes.

Poutine et tataki

Benoît Lenglet utilise exclusivement les produits de Réjean Vigneault. En ce moment, il sert les merguez en poutine, plus précisément un lit de gnocchis de patate douce frits avec du fromage en grains, du jus de veau, des morceaux de merguez de phoque et quelques feuilles de choux de Bruxelles. «Chaque semaine, on change les plats. Il y a aussi l’assiette de phoconnaille, composée de saucisson, de viande fumée et de pepperettes, tous à base de loup marin. Je prépare aussi un tataki de longe de phoque fumé aux sarments de vigne», explique le chef qui aime manger cette viande juste saisie.

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Pour déguster le loup marin dans sa version plus traditionnelle, il faut se rendre aux Îles en ville, à Verdun. Ginette Painchaud, propriétaire et cuisinière, sert à longueur d’année cette viande dans son restaurant ouvert il y a trois ans et demi. «Aux Îles, on mange du loup marin depuis la nuit des temps. Ça fait partie de nos traditions. On a amené nos produits en ville et on les prépare avec une touche de modernité», note-t-elle. Chaque année, juste après la chasse, elle organise le Festival du loup marin, où la viande se déguste sous toutes ses formes. «Cette année, nous avons préparé un pot-au-feu de meniches. C’est une partie de l’épaule avec la nageoire que l’on fait bouillir dans le jus de pomme, puis on la passe au soda et on la relave avant de la préparer. C’est excellent», assure la femme, fière de défendre ses traditions.

Comme Au cinquième péché, la carte change en fonction des arrivages, mais Ginette Painchaud propose toujours un plat avec du loup marin. Elle prévoit d’ailleurs pour cet été une carte adaptée à la terrasse. «Il y aura des burgers de phoque et des wraps aux merguez de phoque. Sans oublier les guédilles au homard et la sangria à la bagosse.»

D’autres établissements montréalais proposent épisodiquement du loup marin, comme le restaurant DNA, dont le chef Derek Dammann s’impose de respecter les saisons. Cette année, il prévoit encore utiliser cette viande. «Je vais improviser. J’attends de voir ce que je vais recevoir comme morceaux pour imaginer mes recettes. L’an dernier, j’ai préparé des salamis et des steaks», explique le chef qui annoncera sur Twitter l’arrivée du loup marin sur sa carte. En attendant, Benoît Lenglet organisera une soirée de dégustation et de discussion avec Réjean Vigneault à la fin du mois de mai.

Carnet d’adresses /

Au cinquième péché: 4475, rue Saint-Denis, Montréal, 514 286-0123, aucinquiemepeche.com

Boucherie spécialisée Côte à côte: 295, chemin Principal, Cap-aux-Meules, Îles-de-la-Madeleine, 418 986-3322

Association des chasseurs de phoques des Îles-de-la-Madeleine: 330, chemin Principal, bureau 203, Cap-aux-Meules, Îles-de-la-Madeleine, 418 986-1746, chasseursdephoques.com

Les Délices de la mer: 7070, avenue Henri-Julien, Marché Jean-Talon, Montréal, 514 278-1000

Les Îles en ville: 5335, rue Wellington, Montréal, 514 544-0854, lesilesenville.com

DNA: 355, rue Marguerite-D’Youville, Montréal, 514 287-3362, dnarestaurant.com