BloguesAndré Mondoux

Michelle Blanc et la déchéance des médias sociaux-marketing

Soubresauts multiples aujourd’hui, alors que la « gourou » autoproclamée des médias sociaux-marketing, Michelle Blanc, s’est fait remarquer avec une salve de tweets dénonçant les contestations étudiante et populaire ; y allant dans la facilité de pratiques douteuses, comme des citations hors contexte et/ou mal comprises, et des propos qui avaient un pied dans les eaux froides de l’arrogance et du mépris. What the fuck, girl ?

Il est pour le moins étonnant qu’une adepte des médias sociaux, qui a prôné l’innovation et le changement radical des pratiques communicationnelles, se refuse radicalement à reconnaître le changement sociopolitique. Doit-on comprendre qu’il y aurait un « bon » changement et un « mauvais » ? Répondre à ces questions revient à cerner et à définir les différences entre médias sociaux et médias sociaux-marketing.

Comment en effet expliquer le troublant silence de madame Blanc au sujet de la spectaculaire démonstration actuelle de l’utilisation des médias sociaux ? Jamais, jusqu’à présent, de Twitter à Facebook en passant par la télévision communautaire CUTV, on n’aura autant senti l’influence des médias sociaux. Aucun référencement de madame Blanc sur les tendances et nouveaux usages en cours ; silence radio total. Au moment où la Sphère s’active comme jamais, le phénomène médiatique ne mérite pas le regard de l’adepte. Pourquoi ? C’est que le social, pour les médias sociaux-marketing, c’est d’abord et avant tout un public-cible ; c’est-à-dire une vaste communauté où tous partagent les mêmes valeurs, assurant ainsi l’optimisation des ventes. Ici, le politique et l’idéologie n’ont pas droit de cité. Le social, avec les médias sociaux-marketing, c’est d’abord et avant tout une machine cybernétique pleinement vouée à son plein rendement. Individuellement, anything goes, on fait tout ce que l’on veut, mais collectivement, nous serions tous régis par l’impératif d’aller tous dans le même sens de la pleine production. Ici, la main invisible de Smith se fait fourmilière, ruche ou banc de poissons ; une sorte d’autorégulation naturelle donc incontestable, hors de notre volonté. Individuellement nous serions tous « empowered », mais collectivement, nous aurions jeté les clés de la voiture dans le lac.

Il est pour le moins étrange que madame Blanc fasse preuve d’autant d’intolérance envers les « autres » ; elle qui pourtant a su relever des défis personnels qui non seulement méritaient notre empathie, mais qui ont aidé à propager des valeurs de tolérance. J’ai toujours défendu les usagers des médias sociaux lorsqu’on les accusait d’être des égocentriques. L’hyperindividualisme (primat du JE dans la dynamique sociale) n’est pas du narcissisme, comme le démontrent les mouvements populaires actuels. Cependant, madame Blanc, lorsque vous faite preuve d’autant de fermeture arrogante comme aujourd’hui, vous incitez à penser que vous êtes dans une bulle de gratification personnelle (je peux citer qui je veux, comme je veux – y compris mal, et aucune règle de parole ou d’échange envers l’autre ne sauraient me lier) qui frôle le narcissisme. Là où le bât blesse, est qu’ainsi vous contribuez à discréditer les médias dont vous entendez faire la promotion. Les médias sociaux ne méritent pas un tel traitement.

Enfin, il est triste de constater que apothéose finale de la journée était la publication d’un billet sur le site de madame Blanc ; qu’au fond, tout ce brasse-camarade de tweets provocants n’avait pour but que d’augmenter le compteur de clics d’un site Web… Et voilà le drame des médias sociaux-marketing : l’individu, les autres et le social sont entièrement assimilés à une logique de relations publiques, de publicité et de marketing; ils se font « branding personnel », public-cible et marché. Et alors le vivre-ensemble devient un prétexte à l’accumulation, qu’il s’agisse de clics, de clients, d’argent ou de pouvoir.

Les médias sociaux valent mieux ça. Nous valons mieux que cela. Vous valez mieux que cela, madame.