À quelques jours d’un concert à Montréal pour défoncer 2012 en bonne et due forme, NOFX revient sur son année musicale et politique.
Artiste, producteur et grande gueule émérite, Fat Mike est capable du meilleur comme du pire lorsqu’il en vient à sa relation intriquée avec les médias. Les fleurs: ses entrevues avec Réjean Laplanche de MusiquePlus sont souvent sympathiques et ses interventions dans une Timeline du mensuel Exclaim! – une série d’articles en profondeur revenant sur l’histoire de groupes phares – se sont avérées aussi informatives qu’intimistes. Puis, le pot : comme NOFX ne se dit pas chaud aux entrevues – c’est indiqué noir sur blanc sur leur site web, d’ailleurs – Michael John Burkett a autant rabroué Narduwar The Human Serviette en lui arrachant des poils de torse qu’insulté un journaliste anonyme de MusiquePlus.
C’est donc avec beaucoup d’appréhension que je me préparais à cette entrevue téléphonique avec le chanteur et bassiste attendu dans quelques jours à Montréal pour un concert à l’Olympia. Sans être un entretien digne des meilleures entrevues de Louise Deschatelets, Fat Mike s’est tout de même montré aussi magnanime qu’amusant.
Comme l’entretien se retrouve sur mon blogue Voir, je vous le propose sous forme de texte «questions et réponses» tanguant vers le verbatim…
Première question pour briser la glace : comment le groupe se prépare-t-il pour un tel spectacle de fin d’année? Est-ce que c’est un concert comme un autre pour vous ou y’a-t-il une valeur ajoutée ou encore un effort supplémentaire?
On s’est déjà travesti par le passé pour jouer de tels shows, mais je ne crois pas que ça sera le cas pour celui à Montréal. On risque de jouer des pièces qu’on interprète rarement, mais c’est tout. Il n’y aura pas de ballons sur scène ou de trucs du genre!
Je ne me rappelle pas c’était lors de quel concert au juste, mais tu as déjà dit sur scène que Montréal et Tokyo étaient tes villes préférées en tournée.
C’est toujours vrai.
Joey Cape a écrit une chanson sur notre ville. Rancid, de son côté, l’a déjà «name-droppé» dans une pièce. Qu’est-ce qui fait que tant d’artistes punk en pincent pour Montréal?
Je ne saurais dire pour les autres et je pourrais trouver de raisons précises, mais, en ce qui me concerne, c’est une ville aussi paisible qu’excitante…
Paisible ET excitante?
Oui. D’un côté, c’est une ville «de party» et, de l’autre, c’est très «vivre et laisser vivre». Et, au fil des années, on s’y est fait des amis. C’est «buzzant», quoi!
Depuis que vous avez annoncé une nouvelle série de concerts au Canada, avez-vous des problèmes avec le Canadian Immigration Report, cet organisme qui semble avoir un problème avec NOFX depuis qu’il a entendu parler de votre chanson Kill All The White Man?
Ouin, ils n’ont malheureusement pas capté la blague. Heureusement pour nous, cette organisation est sûrement qu’un collectif de trois ou quatre personnes. Malgré leurs démarches, je doute qu’ils puissent nous nuire.
Fin de l’année obligeant, sans oublier tes études en science politique et ton implication passée dans le mouvement Punk Voter, j’aimerais qu’on aborde les élections américaines. Es-tu satisfait?
Je suis satisfait, mais l’enjeu n’était pas aussi grand qu’à l’époque de Punk Voter (où on tentait de chasser Georges W. Bush de la présidence). Sa présidence a littéralement planté un clou dans le cercueil du pays. Mais bon, une victoire de Mitt Romney aurait été terrible. En ce qui concerne Obama, je crois que c’est un bon président, mais il manque cruellement de pouvoir. On a donc droit à un porte-parole de l’Amérique corporative.
Donc, la situation risque d’empirer au cours des quatre années?
Quoiqu’il arrive, elle empirera. On ne peut plus espérer d’amélioration, mais bien un ralentissement.
Le contrôle des armes à feu est revenu sur la sellette au cours des derniers jours. Au-delà de la tragédie, c’est quand même une «bonne nouvelle», non?
Il était temps qu’on en parle à nouveau. La NRA s’en tire depuis trop longtemps. Je crois que cette tragédie fera en sorte que ce conglomérat perdra de son influence. Je crois que les Américains en ont finalement eu assez…
Une influence qui semble toujours incroyable au Canada. Comment une organisation dépeinte comme un rassemblement de cowboys peut-elle demeurer pertinente à notre époque?
Oui et le jour de la tuerie, un type s’est attaqué à une école primaire en Chine. Il a blessé une vingtaine d’enfants. C’est terrible, mais personne n’est mort, car les lois là-bas sont beaucoup plus draconiennes en ce qui concerne l’accès aux armes à feu. Je crois que le fou furieux s’est ramené là-bas avec un couteau et un marteau!
Pour revenir à la musique, j’ai été surpris de lire une entrevue publiée récemment où tu disais que votre disque Self Entitled, paru ce 11 septembre (!), n’était pas aussi «bon» que Wolves In Wolves’ Clothing, votre album prédécent.
En effet!
Pourtant, le premier a récolté de meilleures critiques. Est-ce que «l’expérience» Self Entitled pourrait vous inspirer à adopter un nouveau cycle de produits d’oeuvres aussi «brutes»?
Bah. Je ne parlerais pas de Self Entitled comme d’une «expérience». C’est qu’un disque punk réalisé en très peu de temps et avec les moyens du bord! J’aime beaucoup ce disque, mais c’est loin d’être mon préféré; c’est tout.
Vous venez d’ailleurs de lancer un clip pour votre pièce sur Noel…
Oui! C’est un vidéo qui est à l’image du disque : très improvisé.
Que veux-tu dire?
C’était très «guerilla». Rien n’était organisé. On a vraiment sauté dans un bus lié au Santacon avec tous nos instruments!
Alors quand tu demandais la permission pour jouer, ça ne faisait pas partie du scénario?
Non! Et les passagers ne voulaient pas au début! Ça a pris un petit moment avant de les convaincre…
Et c’était quoi le plan B au cas où les gens de Santacon refusent?
Il n’y en avait pas! Le clip aurait été qu’un montage de séquences en concerts.
Tant mieux alors!
2012 a été une année particulière pour toi. En plus de Self Entitled, tu as aussi participé à la trame sonore de Rubber Bordello, un film pornographique réalisée par ta petite amie. La musique a été citée dans deux catégories des AVN Awards: meilleure musique et meilleure chanson.
C’est incroyable, non?
En effet! Et la musique composée – principalement du ragtime pour aller avec l’époque dépeinte dans le film – est plutôt inattendue. C’était «libérateur» de délaisser le punk le temps d’une trame sonore?
Pas vraiment! Je pourrais en faire dans un autre contexte, comme je pourrais aussi flirter avec un autre genre si j’en avais le goût. C’était une opportunité et c’est tout. La porno ne m’a pas donné de plus grandes libertés que l’industrie musicale, disons!
Et on peut s’attendre à d’autres collaborations du genre?
Oui, ma copine planche sur un nouveau film et je risque de collaborer à la trame sonore, mais je doute que ça soit aussi ragtime… à moins que l’histoire se déroule à la moindre époque.
Revenons à Self Entitled un petit moment. La pièce Down With The Ship revient sur les jours sombres de ton étiquette Fat Wreck Chords. Comment se porte le label ces jours-ci?
Beaucoup mieux. Il va bien, en fait. On dépensait beaucoup trop. 18 personnes travaillaient pour nous. Maintenant, il n’y en a plus que cinq. Il y a aussi le fait qu’on donnait des avances assez considérables pour l’enregistrement de disques de certains de nos groupes. On a changé notre philosophie depuis – comme les autres étiquettes, on vend moins de disques ces jours-ci – et on se porte beaucoup depuis qu’on a apporté ces changements…
Sans aucun lien, que se passe-t-il avec votre série documentaire Backstage Passport? Tu annonçais en août dernier sur Twitter que la deuxième saison serait bientôt montée…
On s’enligne pour six nouveaux épisodes. Ça devrait être assez débile. Comme nous n’avons pas de diffuseur télé, il n’y a pas vraiment de censure. Ça se déroule essentiellement en Amérique du Sud. On passe par le Pérou, la Colombie, le Mexique, le Chili – en plein tremblement de terre! – et j’en passe. De plus, ça a été tourné pendant mon divorce. Je buvais et consommais pas mal de drogues. Je suis donc insupportable la plupart du temps!
En parlant de trucs personnels, j’ai été surpris par le manque de censure, justement, lors de la première saison. En plus d’y aborder les aléas d’une tournée, on y glissait pas mal de trucs quand même intimes sur ta relation avec ton ex-femme et ton enfant…
Et pourtant, il y en avait beaucoup. Prends l’épisode où l’on se rend dans un bar sadomaso. Le montage fait en sorte qu’on semble y être quelques heures alors qu’on s’y est rendu plusieurs soirs. Je me suis fait botter les fesses cinq soirs de suite, en fait! Puis comme c’était destiné à la télé, la drogue et l’alcool sont demeurés dans la salle de montage. Ça risque donc de se retrouver dans la nouvelle saison.
Ça ne reviendra vraiment pas à la télé alors. Pourquoi donc? Trop de censure?
À ce jour, Fuse, le diffuseur de la première saison, n’est plus intéressé. Il voulait qu’on produise des épisodes pour toute l’année et on leur a répondu que c’était trop, qu’on n’aurait jamais assez de contenu intéressant pour couvrir une telle période de temps. Ils nous ont répondu qu’il nous enverrait un producteur qui se chargerait du «contenu», qui ferait en sorte qu’on vive des «mésaventures». On a donc refusé. On ne voulait pas nuire au réalisme de la chose. On le fait donc par nous-mêmes.
En 2013, NOFX aura 30 ans. Avez-vous des trucs de prévus pour souligner l’anniversaire?
Pas encore. Comme l’anniversaire sera en décembre 2013, on n’en a pas encore parlé. Ça s’en vient…
Et finalement, une question clichée. Alors que tant de vos congénères ont lancé l’éponge, comment expliquer la longévité de NOFX qui, 30 ans plus tard, demeure autant actif en studio que sur scène?
Ça risque d’avoir l’air « cucul », mais nous sommes des amis avant d’être, par exemple, des musiciens qui tentent de devenir riches ou hyper connus. Le groupe ne s’est jamais chicané. On s’est peut-être engueulé à quelques reprises au fil des années, mais jamais rien de grave. Deuxièmement, il y a toujours de l’intérêt pour le groupe. Même si les médias de masse nous snobent toujours, il y a toujours autant de personnes qui se déplacent pour venir à nos concerts et acheter nos disques. Plusieurs groupes produisent trois ou quatre disques puis se contentent de surfer la vague et je crois, sincèrement, que nous sommes toujours capables de produire de bons albums.
En concert ce lundi 31 décembre à l’Olympia en compagnie de SNUFF