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S’étendre avec Pierre Lapointe

Tel qu’annoncé la semaine dernière, voici donc – à la veille du dévoilement du fameux Punkt de Pierre Lapointe – le verbatim presque complet (et incroyablement intéressant pour les inconditionnels du chanteur) de l’entretien qui a mené à l’article publié dans l’édition du Voir de jeudi dernier. Au programme : un soliloque sur la place de l’avant-garde dans le pop art, un plaidoyer pour l’échec et l’importance de coucher avec son ex…

PS: Allez faire pipi avant. C’est vachement long!

Comment on se sent à quelques jours de la révélation de ce nouvel album et du spectacle unique qui l’accompagnera? 

C’est dur à dire! C’est drôle, car ça fait quatre ans que j’écris des tounes pour ça, ça fait un an que nous sommes en studio, ça fait plusieurs mois que je travaille à temps plein là-dessus… C’est un moment excitant, mais aussi de deuil en terme de « laisser partir » quelque chose dans les mains de tout le monde sans savoir ce qu’il va en faire. Ça ne relève ni de l’angoisse, ni du stress; c’est le fait d’être face à l’inconnu. C’est pour ça que je commence à avoir très hâte qu’il sorte, que les gens puissent l’entendre.

J’ai aussi hâte que les premiers papiers sortent, parce que j’ai aussi hâte d’avoir une couleur un peu plus générale de la réception. C’est sûr que je ne m’attends pas à polariser. On l’a justement travaillé pour que ça ne soit pas « facile » de polariser l’opinion. De toute façon, je ne peux plus rien y changer et je ne changerais rien sur ce disque-là, en fait. Si je n’étais pas content, si ne j’avais pas l’impression qu’il était incomplet ou encore qu’on le sortait à un mauvais moment, ça serait autre chose, mais là je suis totalement en paix avec ce côté là.

C’est donc un mélange de plein d’affaires, mais c’est surtout de l’excitation.

Environ quatre années séparent Sentiments Humains de Punkt. Alors que la plupart de tes albums de matériel original sont habituellement séparés par deux années. Tes autres projets t’accaparaient trop ou c’était un laps de temps voulu?

Après Mutantès et Sentiments Humains… t’sais, y’a un rythme qui s’impose un moment donné. J’avais un besoin, au cours des premières années, de « sortir vite », de sortir le plus d’affaires possible, parce que ça sortait comme ça. J’ai pensé mon enfance et mon adolescence à retenir plein de trucs par en dedans et là, j’avais finalement le plaisir et, surtout, la chance d’avoir un auditoire qui y était intéressé. Je n’ai pas réfléchi à quand j’allais sortir ces disques. Ça n’a jamais été considéré stratégiquement, mais, chose certaine, je sentais que je voulais prendre du temps pour essayer des affaires.

Ça a passé par la musique du film Le Vendeur de Sébastien Pilote, c’est passé par Conte crépusculaire avec David Altmejd, ça a aussi passé par le travail effectué avec mon ami Jean Verville au Musée des Beaux-Arts, c’est aussi passé par de petits voyages, beaucoup, beaucoup de théâtre, de danse, de cinéma, d’art contemporain et d’architecture. J’avais besoin de me ressourcer. J’avais l’impression que j’avais utilisé tout mon bagage… d’inspiration, j’dirais. Puis, à un moment donné, quand t’as sorti ce que t’avais à sortir et que ça fait 10 ans que tu fais ce métier-là, t’es moins pressé, j’pense. Ça vient avec l’âge.

Il n’y avait donc rien de réfléchi. On sort le disque maintenant parce qu’on sentait que c’était le bon moment. Il y a un an, on entamait la pré-prod et des tests. Des trucs sont demeurés sur le disque, d’autres non. J’ai beaucoup réfléchi avec mon équipe, Philippe Brault et Guido Del Fabbro. Puis, ça s’est imposé dès le mois d’août, j’ai commencé à ressentir un sentiment d’urgence. Il fallait que ça sorte. Je n’étais plus capable! « Là c’est bon! J’ai travaillé tout l’automne là-dessus! » Puis ça sort au bon moment! Le fait aussi de faire les spectacles solo, ça m’a permis de travailler sans nécessairement sortir de nouveaux trucs…

T’avais un « plan de match » pour Punkt?

Y’avait pas de plan de match, mais y’avait un point de départ. Si tu prends le documentaire Mutantès : Dans la tête de Pierre Lapointe, ça se termine avec une réflexion sur la culture pop et le pop art pis je partais pour le Japon. Y’avait une volonté de cristalliser une certaine forme d’esprit pop. Maintenant, je devais trouver comment y arriver.

J’ai fait une demande auprès du CALQ qui m’a accordé une bourse de recherche. On a fait des photos, des mini-clips, de la recherche en graphisme, toute sorte d’affaires avec cet argent-là. En fait, je crois qu’on a commencé à faire du visuel avant même d’avoir écrit des chansons pour le prochain disque. Je me suis beaucoup intéressé à l’école du pop art, tout particulièrement à l’oeuvre de Takashi Murakami et ce qui découle du superflat japonais ainsi que le travail de Jeff Koons, surtout en ce qui concerne leur volonté de synthétiser une certaine d’inconscient populaire, c’est ça qui me travaillait. J’ai donc commencé à réfléchir sur un moyen pour y arriver, mais en écrivant l’album, je ne réfléchissais pas du tout.

J’ai écris des chansons et à un moment donné dans le processus, je me suis rendu compte que mes chansons n’étaient peut-être pas aussi pop que voulu. J’ai donc mis ça de côté. Lorsque l’on en est venu à la pré-prod, où on a mis les chansons une à la suite des autres, j’ai vu le portrait général et j’ai vu – à mon plus grand bonheur – que cette volonté-là d’intégrer davantage d’éléments pop à mon travail que par le passé s’y était intégré sans que je m’en rende compte. J’ai réalisé que mes influences pop sont souvent des éléments qui, à une autre époque, étaient à l’avant-garde pour ensuite s’intégrer de façon sournoise dans la culture populaire.

Prends la gang de Sesame Street par exemple. La musique et les marionnettes étaient vraiment cool tout en demeurant très street, très près du monde puis c’est devenu un véritable empire. C’était très visionnaire. Tout comme Yo Gabba Gabba qui était un peu la réplique version année 2000 de Sesame Street où t’as un rappeur établi (NDLR : Biz Markie) qui vient montrer aux enfants comment faire du beatboxing! C’est encore un exemple de culture underground qui remonte vers le haut.

C’est un peu comme ma chanson Les enfants du diable qui se veut un clin d’oeil à l’esthétique homoérotique de Jean Genest et Claude Cocteau. Quand est venu le moment d’y ajouter des arrangements, on y ajouté des références aux vieux films de Disney. Disney étant une référence même de l’avant-garde parce qu’il allait chercher partout du côté des peintres et illustrateurs d’avant-garde, etc. Tout le monde qui envisageait demain, il allait les recruter. C’est là que j’ai réalisé que mon concept de la pop était peut-être plus subtil et plus intéressant que ce que j’envisageais au début et ça c’est à force d’avancer dans le projet que j’ai réalisé ça.

C’était donc ça la première idée derrière, mais je n’ai jamais eu la prétention de me réinventer totalement. Mes premières influences demeurent la chanson française et j’en ferai toujours, mais ce qui est peut-être nouveau – en fait, je le fais depuis le début de ma carrière, mais là c’est peut-être plus vrai qu’avant, c’est que j’entremêle des éléments qui ne vont pas nécessairement ensemble et qui finissent par créer un amalgame étrangement harmonieux même si, au départ, ils ne devaient pas l’être du tout.

Une chanson comme Nu devant moi, par exemple, la mélodie est clairement inspirée de ce qu’Elton John ou Michel Berger ou Véronique Samson pouvaient faire dans les années 70. Dans la montée, qui pourrait être hyper kitsch – si on en faisait une version pop rétro, ça serait dégueulasse -, mais, avec Guido, nous sommes allés chercher des arrangements qui font référence à des compositeurs comme Matthew Herbert, mais qui a aussi une facture de musique d’avant-garde des années 60 et 70. À ça s’ajoute un texte extrêmement cru d’une personne qui veut recoucher avec un ex, une image assez crue merci ou elle dit à son ex « mets-toi à genou devant moi et fais ce que tu as à faire ». Juste le réconfort qu’on peut se coller sur quelqu’un qui nous à une certaine époque comme on est vraiment parce que ça va pas bien.

C’est très, très troublant d’avoir ce genre de mélodies-là avec ce genre d’arrangements, ça donne un objet étrange, mais qui – en même temps – qui n’est pas totalement déstabilisant, car on a constamment la possibilité de se rattacher à des références super rassurantes, mais le mariage entre les trois demeure étrange pis chacune des chansons de l’album joue dans cette zone grise là où on n’est pas confortable, mais pas inconfortable ou dégoûté non plus en plus d’être amusé.

Dès qu’on ouvre le livret, on est interpellé par ce message annonçant que le disque « est le fruit d’une collaboration fort agréable et surtout passionnée MC entre Francis Beaulieu, Philippe Brault, Guido Del Fabbro, Michel Séguin et Pierre Lapointe ». Qu’est-ce que ces collaborateurs ont amené à Punkt qui n’était pas là avant leur arrivée?

Faut comprendre que ce projet-là a commencé alors que j’étais encore dans Mutantès. On était en tournée avec Francis Beaulieu, mon sonorisateur qui a mixé l’album et fait la prise de son, Guido Del Fabbro, Philippe Brault ainsi qu’avec les graphistes qui ont fait la pochette qui étaient là dès la réception de la bourse du CALCQ. Pour ce projet-là, je me suis monté une équipe que j’ai gardé près de moi et avec laquelle j’ai discuté de tous les thèmes depuis deux ans et demi, trois ans. Quand j’écrivais mes chansons piano-voix ou quand j’écrivais avec d’autres personnes, je leur envoyais puis j’en discutais avec eux.

Si y’a quelque chose que j’ai vraiment mis en pratique sur ce disque là, c’est la réflexion. Y’a beaucoup de disques en ce moment qui sortent rapidement, mais sans réflexion autour. Des fois, le résultat est heureux – nous ne sommes pas toujours obligés d’y réfléchir tout le temps. Ça peut demeurer très intéressant – mais souvent, je crois que ça manque. Lorsque l’on a commencé à parler de l’album, moi, mon gérant Michel Séguin et Michel Bélanger, le boss d’Audiogram, j’ai mis de l’avant que je devais monter une équipe et que ce n’était pas vrai que l’on allait aborder la pochette qu’à la dernière semaine ou que l’on allait faire travailler avec les graphistes qu’à la dernière minute ou que l’on allait faire faire des arrangements vite faits par la bande. Il fallait que je prenne mon temps, il fallait que je réfléchisse en gang. Il n’y a donc aucun choix sur ce disque-là sans que Guido Del Fabbro, Philippe Brault et moi en ayons discuté. On a pris chacune des pièces, on les a « détachés » de l’album puis on s’est posé la question « Qu’est-ce qu’il faudrait à cette pièce pour qu’elle atteigne son plein potentiel? » On évaluait leurs qualités, leurs défauts, les directions qu’elles pourraient prendre. On magnifiait au besoin, mais si elles étaient parfaites telles quelles, on les laissait ainsi. Ces collaborateurs-là sont donc très, très, très précieux pour moi. Idem pour Francis Beaulieu, car on devait aussi se demander quel genre de prise de son on aurait besoin pour ces chansons. Est-ce qu’on enregistre tel extrait en studio ou encore chez moi avec des micros cheaps pour accomplir tel effet?

Chaque détail a été observé, discuté, viré de bord puis choisi parce qu’on a pris le temps et les moyens pour et je crois que ça s’est avéré être des choix judicieux et je dois remercier Michel Séguin pour ça, car c’est grâce à lui que la maison de disque s’enligne avec moi du côté technique, parce que moi, je ne suis que dans l’artistique. Ça me prend quelqu’un en arrière de moi pour placer ça. C’est donc un travail de collaboration très, très important et c’est pourquoi c’est mis de l’avant dans le livret. C’est un peu un hommage, un gros merci!

Je me trompe où c’est ton album le plus collaboratif à ce jour? Et ça, c’est sans parler des musiciens recrutés: José Major, Philippe B, bien sûr, Alex McMahon, Philémon Chante…

La majorité du temps lorsqu’on faisait une nouvelle toune, je me disais – surtout quand elle était très orchestrée et complexe – « qu’est-ce que on bien faire pour avoir du fun avec? ». On réunissait tout le monde, moi j’arrivais avec 12 bouteilles de vin et comme je ne bois pas, je riais des autres! Bref, on a essayé de rendre ça très agréable, car il ne faut pas oublier que ces gens-là, c’est mes amis depuis 10 ans et plus, c’est mon noyau, ma famille et tous les membres de celle-ci sont aussi liés à d’autres clans musicaux, ce qui permet de tisser d’autres liens et de rendre ça encore plus l’fun!

Y’a plein de collaborations là-dessus qui me rendent super heureux, comme celle avec Random Recipe, parce que c’est de grands amis que j’adore et que je suivrai jusqu’au bout du monde, Albin de la Simone, un des représentants de ma famille parisienne et j’ai aussi composé avec Michel Robidoux – qui a fait l’album Jaune, qui a collaboré avec Charlebois, qui est le coauteur des chansons de Passe-Partout avec Brault, etc. – que j’ai rencontré via Guido. Pour revenir au thème de la pop : pour moi, Michel Robidoux représente au moins 14 pages de son histoire à lui seul! Pour moi, c’est un symbole important pour le ‘tit gars en moi et c’était important de collaborer avec lui sur ce disque.

Côté textes, je ne sais pas si c’est moi, mais j’ai l’impression que ta poésie est plus explicite qu’auparavant. C’est bien le cas?

J’ai commencé de façon abstraite, en me donnant comme défi de toucher les gens sans qu’ils comprennent pourquoi, avec une poésie presque indéchiffrable pour justement maîtriser l’idée de la mélodie et de l’énergie émotive sans tomber dans le réel et le concret… ce que je fais la plupart du temps de toute façon.

Le meilleur exemple pour moi demeure Pointant le Nord. L’année dernière, je terminais un concert donné au très rock pour le Festival d’été de Québec avec cette pièce au piano et sur les 12 000 personnes présentes devant, je dirais que 90% l’ont chanté avec moi du début à la fin. Ça m’a mené à une réflexion. Je me suis dit que j’avais réussi à toucher des gens sans qu’ils comprennent exactement ce qui se passe. Pour moi, y’a des références très, très claires, mais qui me concernent personnellement. Je me disais donc que le jour que j’arriverai à le faire avec des images réalistes, je vais scier les gens en deux avec mon travail!

Je ne dis pas que c’est ce que j’ai réussi à faire avec ce disque, mais j’ai quand même l’impression d’avoir commencé avec ce qui était le plus difficile pour ensuite me déplacer vers le réalisme pour devenir totalement libre, ce qui est arrivé sur ce disque-là. J’ai écrit des trucs avec des phrases un peu choc comme celle-là. En fait, c’est plus l’image qui est choc que la phrase – pour moi, ce n’est pas très choquant -, mais derrière ça, y’a une volonté de… hum… je trouve que la chanson s’est assagie depuis quelques années à un tel point qu’elle en est devenue plate. Les radios y sont pour quelque chose, l’argent qui tourne autour de la chanson y est pour quelque chose aussi.

À une certaine époque, ce qui était wild, c’était une fille qui envoyait chier son chum dans sa chanson ou un gars qui est « excentrique » en se maquillant pour chanter une chanson ben ordinaire. Un peu comme Kiss. On s’entend-tu qu’on s’en fout maintenant? Ça demeure de la pop vraiment cheesy! Je ne veux pas chialer, ni généraliser, mais elle s’est quand même aseptisée alors que le cinéma, la littérature, le théâtre, la danse contemporaine, tous ces arts ont continué à évoluer dans une certaine liberté et non-censure par rapport aux images fortes alors que la chanson, elle s’est assagie.

J’ai donc décidé, consciemment, d’utiliser certaines images et certains mots à certains moments donnés – donc pas tout le temps, à certains moments précis. La chanson mérite d’être placée au même niveau que le cinéma. Quand est-ce qu’on se scandalise lorsqu’on voit une scène de sexe au cinéma? Ça n’arrive plus. Il y a une mise en situation, il y a une façon d’éclairer, de cadrer, de tourner et de monter la scène. Tout ça est super subjectif. Et en musique, on a les mêmes possibilités. J’pense que, dans cette chanson-là, ce qui pourrait être vu comme « vulgaire » par certains ne l’est pas parce que je la chante d’une certaine façon, parce que les arrangements sont somptueux, etc. Ça ajoute une certaine classe à cette image que certains pourraient considérer comme vulgaire.

Si je prends le thème de la sexualité – quand même assez présent sur le disque – nous sommes à une époque où lorsqu’il est abordé, on le tourne en joke – c’est normal, c’est humain – ou on se concentre sur l’angle pornographique – qui est très populaire – alors que pour moi, le sexe, c’est un partage très, très intime entre deux êtres humains. Ça peut être très, très laid – tout dépendant de situations -, mais aussi très, très beau, précieux et touchant, car l’être humain s’y fait vulnérable, et c’est ce que je voulais mettre de l’avant.

Au fil des années, tu t’es taillé toute une place dans le panthéon de la musique québécoise. T’es un « chanteur populaire » – c’est écrit dans tes remerciements -, mais t’as une sapristi de réputation d’artiste extrêmement créatif. En es-tu conscient? Est-ce que ça ajoute une certaine pression sur ton processus créatif ou sur tes prestations?

Ben non! Au contraire!

Comme je suis un créateur, je peux faire n’importe quoi! Je peux même me planter. Je suis dans un créneau l’fun, parce que je bénéficie des deux côtés. D’un côté, les médias s’intéressent à moi et de l’autre, l’intelligentsia et les gens qui exigent un peu plus de rigueur (en art et culture), ça me donne beaucoup de liberté par rapport au regard des autres, mais aussi par rapport à mon propre regard. Je suis un artisan, un vecteur, un agent liant entre créateurs.

Fais juste regarder un disque comme Punkt : le photographe, l’équipe de graphiste, le cinéaste Alexandre Grégoire, un gars qui commence, qui s’est chargés de mes capsules vidéo annonçant le disque, des designers, des stylistes et je suis l’agent liant entre toutes ces personnes-là et mon but c’est d’essayer des affaires. Je vais faire des mauvais coups et des erreurs. Par contre, j’ai de l’expérience et un entourage qui fait aussi en sorte que je n’en fais pas trop.

L’erreur fait partie de la game et quand on pense comme ça, le succès prend une autre valeur et un autre sens. La reconnaissance devient un peu futile dans tout ça. Ce qui est intéressant, c’est ce qui motive le geste de départ ainsi que les rencontres, les collaborations, l’apprentissage pendant la création, etc. C’est ce qui fait que je n’y réfléchis pas trop quand je créer. Je fais juste créer et je vais là où je sens que je dois aller et j’essaie d’y aller de la plus belle façon. Ça me donne une grande liberté.

Ton spectacle de lancement est un peu casse-gueule : présenté qu’une seule fois, une trentaine de musiciens et choristes. C’est un peu dans la même mouvance de Mutantès, mais aussi du spectacle à l’église d’Avec Pas D’Casque et Philippe B auquel tu assistais, notamment. Ose-ton assez côté spectacle musical au Québec?

Ça dépend du champ d’intérêt des artistes aussi.

Moi, dès le départ, je ne voulais pas faire que de la chanson. J’étais près des arts contemporains, je voulais faire de la perfo. Alors c’est sûr que si on me propose un spectacle « normal », je vais le faire, mais je vais toujours organiser des événements éphémères par la bande pour le thrill. Je le fais aussi en réaction à l’époque où on vit.

On filme et archive tout, même si on n’écoutera pas tout par la suite. Les gens finissent par oublier de vivre le moment et ce qu’on a vécu à l’église avec Philippe B, Avec Pas D’Casque et le Quatuor Molinari, c’était ça. C’était un moment et y’en a pas assez. C’est de notre époque. C’est le fun et c’est notre mandat à nous, les artistes, de contrer les mouvances générales pis d’aller vers des spectacles comme ça. C’est vrai que c’est rare, mais ça coûte aussi très cher.

Un spectacle comme on fait, avec une quarantaine de musiciens et de choristes, fait en sorte que personne ne fait de l’argent avec ça! La seule chose qui le justifie, c’est que mon gérant et moi le coproduisons avec Audiogram – parce que c’est aussi un lancement – et Spectra (parce que ça a lieu au sein de Montréal en Lumière). Les musiciens sont payés dans les normes – et mériteraient d’être payés plus cher! -, mais là, c’est le public qui en ferait les frais avec des billets à 120$ et, moi, je suis contre ça.

Alors quand t’as pas un nom comme Pierre Lapointe ou quand t’es pas un artiste qui a pas eu aussi une bonne hype que Philippe B, Avec Pas D’Casque et le Quatuor Molinari, tu risques vraiment de te péter la gueule!

Je crois donc que l’argent finit par restreindre la créativité. Moi je peux me permettre de faire deux spectacles du genre en deux ans – celui là et celui de l’UQAM – qui ne me rapportent pas d’argent, car j’ai plein de trucs à côté, mais quelqu’un qui vivote et ne vit que de ça ne peut se le permettre. S’il le fait, ça peut faire comme au théâtre ou en danse contemporaine où s’il y’a 150 personnes qui viennent à deux représentations au théâtre Lachapelle, ils sont contents.

Selon moi, le risque en chanson est moins présent parce que dans la chanson, dans la conception même de l’affaire, les gens sont assez cloisonnés dans une certaine vision de la chanson et ils n’osent pas trop en sortir. Alors que le Quatuor Molinari promeut le milieu contemporain en faisant aussi dans la pop, moi je vais vers la danse, l’art contemporain, etc.

Généralement, par contre, que ce soit en musique pop ou dans un autre genre, on a une vision quand même fermée de notre genre. Pour plusieurs, un spectacle de musique demeure des musiciens sur une scène pis c’est ça. Peut-être que c’est parce que les artistes n’osent pas ou parce qu’ils n’en ont pas envie. Je ne veux pas juger, par contre. Ça fait même mon affaire (rires), parce que ça me permet d’avoir ma propre carte de visite!

Un grand soin est amené à la mise en scène de tes spectacles. De quoi aura l’air le spectacle derrière Punkt? Comment se passe la transition de l’album vers la scène?

On n’a pas encore envisagé la transition sur scène. C’est un disque très réfléchi, mais pas encore assimilé. J’ai besoin de prendre un certain recul… d’où le fait qu’on retarde la tournée jusqu’en septembre. J’y travaille déjà dans ma tête, mais je m’y mettrai officiellement en mai prochain.<

Ce qui est le fun, c’est ce qu’est un disque qui nous permet de faire n’importe quoi. En plus du disque, je dois aussi considérer le répertoire déjà adopté et apprécié. Je me retrouve donc dans une situation où j’ai plusieurs possibilités devant moi et je veux prendre mon temps. Surtout qu’auparavant, je donnais des spectacles qui donnaient naissance à des albums (ex: La forêt des mal aimés, Mutantès pour Sentiments Humains).

Pour la première fois, j’emprunte le chemin « normal » : faire un disque, puis le spectacle qui l’accompagne!

Punkt est en prévente dès maintenant sur audiogram.comL’album arrive dans les bacs demain ainsi que sur iTunes en version de luxe (comprenant quatre interludes et trois chansons supplémentaires). Lancement le même soir au Théâtre Maisonneuve dans le cadre de Montréal en lumière.