Comme vous vous retrouvez sur mon blogue, mon espace perso et douillet, permettez-moi de vous faire une confidence : j’ai vraiment apprécié mon entretien avec Nicola Sirkis d’Indochine. Comme le bonhomme est un monument pour plusieurs en plus d’avoir une grande gueule, je m’attendais à 1, un entretien où j’aurais droit à la cassette ou 2, me faire raccrocher au nez en abordant les questions les plus épicées (notamment celles abordant le fric, les relations entre les membres et la santé du groupe actif depuis plus de 30 ans). J’ai eu droit à quelques clichés, bien sûr, mais surtout à un entretien aussi candide que plaisant. Voici donc le verbatim de notre conversation…
La tournée pour l’album Black City Parade est entamée en France et remporte un succès fou. Que des salles complètes à ce jour. Bref, les fans sont conquis, mais je demandais comment ça se passait de l’autre côté de la scène: vous êtes satisfaits? Contents? Ça dépasse vos espérances? Le rythme effarant ne vous affecte pas trop?
Ça dépasse notre espérance. La première partie de la tournée affichait complet avant même que l’album ne sorte! Ça veut dire que les gens nous font vraiment confiance sur la scène. Encore une fois, c’est ça qui est miraculeux avec Indochine. Lorsqu’on se présente sur scène, il y a 30 ans ou maintenant, il se passe vraiment quelque chose de magique, il se passe vraiment quelque chose de fort.
On a décidé de faire une tournée « en trois dimensions ». La première partie du Black City Tour vient de se terminer en France. On s’est beaucoup adapté, car on savait que beaucoup de gens voulaient nous voir alors, cette fois-ci, c’est nous qui nous sommes déplacés pour eux. Donc, pour la première partie, on s’est rendue dans des villes où on va rarement et on s’est adapté à des salles plus petites. La deuxième partie sera consacrée aux très grandes salles où on va s’adapter aux salles tout en s’en permettant beaucoup. À Montréal, par exemple, on amène du matériel par bateau! On amène tout notre matériel cette fois-ci, ce qui n’était pas possible à l’époque de notre spectacle au Festival d’été de Québec il y a maintenant quatre ans. Nous sommes super contents de revenir avec notre décor à nous, notre univers à nous.
C’est pas facile, le début d’une tournée, parce qu’on doit faire des choix (de chansons) et on de la chance : notre nouvel album est aussi attendu que nos « classiques ». Le mélange (des pièces) nous pose des problèmes parfois, mais pas cette fois-ci. Ça s’est intégré comme une espèce de puzzle magique! On joue huit morceaux du nouvel album. Ce qui est quand même énorme pour un groupe comme nous alors que d’autres ne joueront que deux ou trois morceaux. Non seulement on en joue huit, mais on les voit grimper fort!
Au fil des années, vous êtes devenus de véritables recordmen de la scène. Indochine est le premier groupe français à s’offrir le Stade de France – où vous jouerez en 2014, d’ailleurs. Bref, aucune salle n’est vraiment à votre épreuve. Est-ce que la scène est toujours un défi pour Indochine? Si oui, quels sont ces défis?
Ce n’est pas un défi de grandeur du spectacle, mais bien de proposer de bons concerts, longs et pas chers, et ça, on y arrive. Ensuite, chaque soir propose de nouveaux défis. Va-t-on tomber malade la veille? On doit se tenir en forme. Est-ce que le public va bien réagir d’une ville à l’autre? Ça demeure notre affaire. C’est à nous de faire en sorte que ça fonctionne. Bref, on a un devoir et celui-ci est de ne pas être des enfants gâtés et avoir l’impression que soir après soir, il y a 8 000 personnes qui nous attendent. Il faut plutôt prouver à ces 8 000 personnes qu’elles ont eu raison de venir, voire de revenir. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est bien! « Rien n’est acquis », c’est ce que je répète constamment au groupe! Nous ne sommes pas des enfants gâtés, alors évitons de l’être.
Au fil des années, est-ce que la santé du groupe devient un enjeu plus important en tournée?
On fait attention l’hiver – quand on tourne quand même beaucoup – avec les chauds, froids, chauds, froids. Il faut aussi faire attention avec les « dérivés ». À 20 ans, tu peux t’amuser, boire de l’alcool et prendre de la drogue, mais à un moment donné, ce n’est plus possible. Tu ne peux plus assurer. Soit tu décides de mourir, soit tu décides de vivre. Il faut avoir une certaine discipline, mais ces moments de bonheur sur scène valent ces petits sacrifices.
En entrevue avec Charts In France, vous disiez que vous collaboreriez avec Live Nation pour vous spectacles en Europe, car – je vous cite – « contre toute attente la seule à nous garantir ce que nous demandions. C’est-à-dire un prix des places imposé par nous, quoi qu’en coûte la production. Et quand je dis les seuls, ils ont vraiment été les seuls. » Au même moment, les Rolling Stones – un groupe qui, tout comme Indochine, est entré dans la légende, entame une nouvelle tournée et le coût de la plupart des billets est exorbitant. Ma question serait : pourquoi ne profitez-vous pas, vous aussi, de votre renommée pour gonfler le coût des billets?
Notre but n’est pas de nous enrichir. Il y a certains artistes qui ont ce besoin, car ils ont un niveau de vie avec 50 maisons à part le monde à entretenir, mais nous ce n’est pas le cas. Déjà, le fait de pouvoir vivre de notre musique nous suffit largement. Deuxièmement, il y a une certaine dignité à avoir. On vit dans un monde capitaliste et libéral, OK. On a des hauts et des bas salaires dans une tournée, c’est comme ça. Notre but est également de faire en sorte que tout le monde soit bien payé tout en maintenant des prix de billets pour que le public se déplace sans trop dépenser. Nous sommes toujours en période de crise et, avec notre musique, on ne véhicule pas de la nourriture ou autres choses, mais que de l’émotion… ou de la nourriture émotionnelle si vous préférez! On ne peut pas la quantifier. Les gens qui font ça, pour moi, c’est du hold-up. Y’a deux ou trois artistes qui font ça en France.
En plus, c’est la monde en ce moment d’offrir des « suppléments ». Tu paies un peu plus cher et tu peux toucher la main de l’artiste ou encore rentrer plus tôt dans la salle de spectacle. C’est comme le Titanic. Si t’as payé plus cher, t’as droit au canot de sauvetage. En musique, ça me gêne beaucoup. Je suis très mal à l’aise avec ça.
C’est vrai que Live Nation a eu mauvaise réputation en France après ce concert de Madonna de 45 minutes. Plusieurs perçoivent la boîte comme l’impérialisme américain qui débarque en France, mais contre toute attente, c’est eux qui nous ont garanti – par contrat! – que ça serait très carré, économique, bien fait et sans entourloupe pour faire monter le prix des places. Bien sûr, leur but demeure de faire de l’argent, mais je crois que Live Nation a aussi compris la philosophie de notre groupe.
Vous entretenez une relation particulière avec vos fans : les Indos reporters, Indo&U, les photos sur les réseaux sociaux, etc. Est-ce que le lien est plus étroit grâce aux réseaux sociaux et nouvelles technologies ou ce lien a toujours été aussi fort entre vous et vos dans et c’est le monde extérieur qui le constate grâce aux réseaux sociaux et ces nouvelles technologies?
Dieu soit loué, ça nous permet d’échapper aux fan-clubs d’antan où les gens devaient payer pour demeurer en contact avec leurs artistes préférés… On offre à notre public qui nous offre, à son tour, notre passion et notre vie rêvée. Il faut pas se leurrer, on a la vie qu’on à – où on peut se permettre de dire « merde » à la maison de disque, parfois – grâce à ce public-là. Il nous donne du pouvoir et avec celui-ci on peut dire et faire des choses. Faut pas trop donner non plus, car ça créé des générations de gens habitués à a gratuité et au mécontentement. . C’est compliqué.
Ce qui est génial, c’est que ça devient également notre propre agence de presse. Les réseaux sociaux nous permettent de communiquer différemment et directement avec le public. Pas de danger qu’une phrase soit mal rapportée ou c’est plus direct. Au Canada, le journalisme, c’est un peu plus sérieux, mais en France…
C’est important, aussi, que ça demeure gratuit. On n’a pas de section payante « Accès privé » sur notre site, bien qu’on devrait le faire! Qui sait, peut-être que dans 10 ans, je vais regretter de ne pas avoir fait assez d’argent, mais en attendant, j’ai la conscience tranquille! Ça me déçoit, y’a des groupes comme U2 qui le font. Ça devient une entité économique. Il faut dire que ces gens-là ont des bureaux partout à travers le monde. Il faut qu’ils rémunèrent leurs employés, etc. Nous, on essaie de faire attention à ça, quand même. C’est vrai que nous sommes un groupe monstrueux maintenant, que chaque déplacement coûte beaucoup d’argent, on doit d’ailleurs faire venir du matériel par bateau chez vous.
Ah oui. C’est vrai. J’ai lu ça...
Oui, mais attention, on ne se ramène quand même pas avec la Tour Eiffel! Si on le fait par bateau, c’est qu’on n’a pas le moyen de le faire par avion, quand même. Peut-être qu’on n’aurait pût se le permettre en gonflant le prix des places, mais le but est aussi d’avoir un maximum de monde possible au concert. Il faut savoir gérer ça, mais heureusement, on a une bonne équipe.
Dernière question, le groupe vient de célébrer son trentième anniversaire en 2011. Avec la trentaine, vient souvent une crise de la trentaine. Comment ça se passe chez vous? C’est un début de trentaine sereine pour Indochine ou est-ce que le groupe, à l’image d’un adulte dans la trentaine, se pose des questions sur sa direction, etc?
On a même eu droit à une crise de la quarantaine! À la fin du Stade de France, il y a eu une remise en question. On ne savait plus si on devait continuer, si on avait toujours des choses à dire, d’où le fait que ça a été très long avant de lancer ce disque. On voulait vraiment que le public ait ce qu’il mérite. Être aussi attendu après un 12 album? C’est irrationnel! C’est totalement fou! On ne voulait donc pas… faire un album de trop. C’était notre peur. On a donc été extrêmement exigeants tous ensemble et on est super contents qu’il soit bien reçu par le public, mais aussi par les médias… ce qui nous arrive pas si souvent, les médias se méfiant souvent du succès populaire.