Dans l’édition du Voir de demain, vous retrouverez un article sur la carrière solo de Catherine Leduc, surtout connue du grand public comme « la fille de Tricot Machine ». Dans cet entretien fort sympathique, on a notamment abordé le passage de l’artiste au Forum sur la chanson québécoise du Conseil des arts et des lettres du Québec qui se tenait en février. Au cours de la période de questions et d’interventions du public, l’interprète s’est distinguée en y allant d’un véritable cri du coeur – larmes à l’appui – ou elle dénonçait le peu de support financier offert aux créateurs.
A l’époque, Isabelle Paré du Devoir avait rapporté ses propos ainsi :
« On a 10 500 $ par année pour vivre à deux. Comment on fait pour survivre avec ça, pendant les périodes de création ? Si on réussit, c’est qu’un de nous deux a un emploi en biologie. Le deuxième job, c’est le secret le mieux gardé du milieu de la chanson. »
Des mois plus tard, Leduc est plus posée en revenant sur cette intervention, mais trouve toujours la situation déplorable…
« Quand on braille, ça fait ça! », lance-t-elle en rigolant lorsqu’on mentionne « l’engouement » autour de son intervention.
Au cours de notre jasette, Catherine Leduc se désolera du rôle à laquelle on confine la chanson au Québec. « Les jours suivants, j’étais vraiment sensible à ça, à cette nature d’artistes que nous avons. Ce n’est pas notre faute. Nous sommes comme ça. Ça fait partie de nous et je trouve que c’est nécessaire dans notre société. Le lendemain du Forum, j’étais au lancement d’Avec pas d’casque et je braillais. J’avais l’air folle! Je réalisais que si ce band là ne faisait pas de musique, personne d’autre ne les remplacerait. Si Stéphane Lafleur se levait le matin et décidait qu’il n’écrivait plus de tounes, ces textes-là n’existeraient pas. Y’en a de meilleurs et de moins bons, mais c’est nécessaire : ça parle aux gens, ça les interpelle, ça les éveille et ça me fait chier que ça soit aussi négligé. Comme si ce qu’on faisait n’était que du divertissement. Ce n’est pas ça du tout. C’est plus profond que ça et j’ai l’impression que ce but-là se perd.
Évidemment, la fameuse crise du disque rentre également dans le lard des créateurs. “Ce que je dénonçais au Forum, c’est qu’il y a toujours peu de soutien à la création. Les artistes choyés, qui s’accaparent une grande part du financement, n’arrivent toujours pas à vivre ben, ben gras.” Puis elle glissera, l’air désolé, “L’argent que j’ai dans mon compte pour créer ce disque, ça n’a pas d’bon sens!” Ainsi, bien que de plus en plus d’artistes comptent sur les concerts comme source de revenus, prendre la route coûte de plus en plus cher. “Avant, la tournée était plus lucrative et pouvait financer l’album à suivre, mais ce n’est plus le cas. Les salles sont moins pleines pour pas mal de monde, les tournées sont plus courtes et les cachets moins élevés. Ce n’est pas pour rien que de plus en plus d’artistes tournent à deux musiciens. C’est parce qu’il y a de moins en moins d’argent. De plus, avant, plusieurs artistes étaient produits. Maintenant, ils sont autoproduits. Ça coûte de quoi, t’sais| On revient donc sans le sou d’une tournée et quand on demande une subvention pour un disque, il peut arriver que l’on ne l’obtienne pas, car il n’y a que 20 artistes sur 120, par exemple, qui y auront accès. Alors on se retrouve à produire un disque qui va nous couter 15 000$, genre. Pour moi, ce n’est pas logique. Ça ne marche pas et c’est impossible que ça marche.”
Comme si ce n’était pas assez, le clivage des médias (BAP disparaîtra bientôt, on compte de moins en moins d’hebdomadaires culturels gratuits, TC tranchent dans leurs journalistes et chroniqueurs, etc.) nuit également. “Il y a très peu de soutien à la réception : plus personne n’est diffusé aux radios commerciales, il y a de moins en moins de place à la performance live à Radio-Canada, notamment. Maintenant, quelqu’un sort un disque et on en entend parlé que deux jours! Travailler deux ans à tes frais sur un disque qui passe entre les craques ensuite…”
Tout n’est pas toutefois pas gris pour Catherine Leduc, celle-ci encaisse les coups avec sagesse et résilience. “Qu’est-ce que je peux y faire? Je ne sais rien faire d’autre. On fait vraiment ça parce qu’on aime ça, parce que ça fait partie de nous!”, conclut-elle tout en indiquant que suite au forum, un comité aurait été formé afin d’étudier la problématique.
Photo: rocktrotteur via Flickr.
Il y a en ce moment, je pense, trop de musique, trop de films, trop de livres. L’offre est intense et les sources variées. Que dire de l’accès gratuit à des quantités d’œuvres de tous médiums. Effectivement, comme Catherine le mentionne, tout vas très vite. Nous sommes bombardés de toutes parts et nous passons rapidement d’une oeuvre à l’autre. Le « consommateur » de « culture » est saturé, blasé. Il n’a pas envie de dépenser pour une représentation, exécution ou pour un support artistique parce qu’il n’en sens pas le besoin.
L’industrie s’est occupée de nous en mettre plein les oreilles de n’importe quoi pour faire ce qu’elle a à faire, du cash. Elle en fait apparemment de moins en moins, mais ce qui en fait encore pour la peine, reste le n’importe quoi. À coté de ça il y en a plein qui veulent produire quelque chose d’engagé, d’intéressant, et ils y arrivent, mais pour parler à qui ? Quelle fraction du public amateur est touchée ? Tout est tellement articulé et fragmenté aujourd’hui.
Je ne crois pas que le soutiens gouvernemental soit une solution. Il vas seulement favoriser une plus grande croissance de l’offre alors que la demande est somnolente (et en passant, quel type d’offre seront-ils contraint de financer si le marché n’est pas rentable ? J’en tremble). On ne peut forcer le public à acheter, et c’est lui en définitive qui fait la différence. Un artiste ne peut pas être un produit qu’on « essaie » de vendre. Il y a d’autre part une limite à ce qu’une population donnée peut consommer. On ne se mettra pas à créer des programmes pour faire aimer la chanson ou quoi que ce soit à tous le monde.
Je ne vois pas d’autres issues que le bassin artistique s’épuise et que l’amateur développe une cruelle sensation de manque, pour qu’un nouveau mouvement s’installe, sous une forme ou sous une autre. On ne peut soutenir indéfiniment une structure à sa limite et entre les deux, la crise est inévitable. Pendant ce temps, il y en aura toujours pour produire malgré la rentabilité zéro car comme Catherine le dis aussi, on le fait parce qu’on aime ça, parce qu’on ne peut faire autrement, et j’en suis.