M. Hébert,
J’avais déjà lu votre billet de blogue à ce sujet, mais, maintenant qu’on le retrouve sous forme dans la section «Libre Opinion» du Devoir ce matin, j’ai réalisé que vous ne vouliez pas seulement ventiler, mais bien provoquer un débat. D’accord. Je mords à l’hameçon et je saute dans l’arène.
Avis aux lecteurs : on vous invite à lire cette missive (sur le blogue de M. Hébert ou encore sur le site du Devoir) où le journaliste et critique musical qui se spécialise dans la chanson française déplore le fait que la programmation des Francofolies abonde dans un certain jeunisme.
Loin de moi l’idée de remettre en question son opinion – c’est son avis, après tout -, son texte m’a tout de même fait sourciller. Bien que la programmation des Francofolies compte plusieurs artistes «jeunes», les «vieux» profitent également d’une tribune de choix. L’auteure-compositrice-interprète Sylvie Paquette – que M. Hébert a apprécié aux Francofolies, d’ailleurs – est dans la quarantaine. La coiffe de Daniel Lavoie, en concert sur la grande scène Ford, est maintenant entièrement argentée. Stephen Faukner, qui se rapproche des 60 bâtons, se défend toujours aussi bien, même lorsqu’il était opposé à des jeunots de la trempe du Vent du Nord à L’Astral la semaine dernière. Mario Peluso, aussi, en spectacle aux Francofolies cette année, entame sa cinquantaine. Rappelons également la présence de Robert Charlebois, Serge Lama, Zachary Richard, Paul Daraîche ainsi que la ribambelle de chanteurs plus âgés qui a participé au happening soulignant le 25e anniversaire de l’événement. Pour un festival franchement «jeuniste», ça fait pas mal de monde qui ont (probablement) des REER, non?
Ainsi, si Laurent Saulnier fait vraiment dans le jeunisme, le bonhomme a laissé bon nombre de têtes grises se glisser dans son filet sans offrir trop, trop de résistance. On pourrait même dire que c’est le Carey Price de la programmation de festival si c’était vraiment le cas.
M’enfin, tout comme vous, je suis loin de trouver que la programmation des Francofolies est idéale (toujours pas de concert des Wampas!? Laurent, en as-tu également contre le punk français? Le bon punk français dois-je préciser?!), mais je peux tout de même aller au-delà de mes goûts personnels et concéder que sans être parfaite – la programmation idéale d’un festival est tout simplement utopique… sauf le Warped Tour de 97, bien sûr -, la sélection d’artistes peut autant rejoindre le fan de rap, le passionné de métal ainsi que les abonnés à l’indie pop «made in CISM». Mieux encore, ça peut autant chercher «jeunes» et «vieux».
J’sais pas, M. Hébert, à une époque où on se complait à nous faire peur (avec raison ou non, tout dépendant des sources consultées) avec l’avenir de notre langue et de notre culture, je me réjouis qu’on offre non seulement une telle tribune à des artistes « de la relève» (Lisa LeBlanc a fait ses preuves depuis belle lurette, mais bon) afin d’injecter une bonne dose de fraîcheur au fait français. Mieux encore, on invite également des artistes dans la fleur de l’âge à participer à des hommages de légendes (dans un monde idéal, j’aime croire que l’inclusion de Catherine Durand au spectacle dédié à l’illustre Claude Léveillée a amené quelques-uns de ses admirateurs à découvrir l’oeuvre immortelle de ce bonhomme).
…
PS : La photo pour illustrer ce billet est un cliché de Maybe Watson d’Alaclair Ensemble, en concert aux Francos ce lundi. J’ai opté pour ce cliché – capté par notre photographe Toma Iczkovits – parce que ce rappeur est «d’jeune», mais aussi parce que l’image est incroyable. Elle me fait l’effet d’un .gif animé de chaton. J’espère que la photo aura le même effet sur vous.
Bonjour André,
On va se tutoyer puisqu’on a foulé le même plancher du Voir à Montréal, à des époques bien différentes… Quand je suis arrivé, fin 2004, le rédac chef, les chefs des sections musique et littéraire (tous partis depuis) étaient ravis car la chanson française au Voir, ça faisait dur. J’ai essayé de relever le niveau pendant plus de six ans, et te voilà aujourd’hui, à critiquer Alex Beupain sans comprendre qu’Avant le déluge, le titre de son nouvel opus (très mauvais, par ailleurs), est à prendre de manière ironique, mais enfin..
Ton message est apparu pour la section commentaires de mon blogue, je ne sais pas trop pourquoi. Mais j’y réponds ici!
Je ne veux pas m’attarder sur ton cas, ni sur l’état actuel de ton journal (déjà quand j’y étais, les gens ne le lisaient plus, dégoûtés de sa mauvaise qualité, qu’est-ce qu’ils doivent dire aujourd’hui! à part Manon Dumais et Elsa Pépin, ça ne vole pas haut!)…
Il faut juste que tu saches une chose, André. C’est important. Si tu confonds «chansonniers» et Daniel Lavoie, tu as un sacré problème de culture musicale. Ceux qui pratiquent cet art plusieurs fois centenaire (ça remonte aux trouvères, au Moyen Âge!), ceux qui les écoutent encore (et pas tous des vieux de 38 ans comme moi!), ceux-là savent qu’il y a un monde entre Daniel Lavoie et les chansonniers.
De plus, en tant que chef dans Voir, tu devrais avoir une vue d’ensemble et t’apercevoir que les hommages que l’on présente aux Francos (Brel, Félix, etc.), que les ancêtres comme Charlebois, Lama ou Gréco, on les invite pour capitaliser sur la nostalgie. Pas par respect des aînés.
Et enfin, si tu penses qu’il suffit d’inviter des chanteurs à cheveux blancs pour respecter une culture, il te faudra changer de boulot.
Je suis surpris, à la lecture de ta lettre ouverte, que tu ne m’aies pas reproché – comme d’autres sur la toile – d’être moi-même un vieux, d’être Français (oh, la honte, venir de France, se promener avec une baguette sous le bras en permanence). Tu ne me reproches pas de pas connaître Philippe B ou Les soeurs Boulay, de vivre dans le passé?
Sur ce point, je vois que tu as bien fait tes devoirs de recherche avant de rédiger ta lettre. Bravo. Laurent Saulnier sera content. Si t’es vraiment gentil, peut-être même qu’il t’offrira une bière.
M. Hébert,
Ajustez vos lunettes, SVP. Jamais je n’ai confondu Lavoie et chansonniers. Je soulève seulement le fait que, malgré ce que vous laissez entendre dans votre lettre, le sombre complot du « jeunisme » que vous soulevez ne tient pas vraiment la route. Allons! Même si vos goûts personnels ne sont pas nécessairement à l’affiche (je compatis, en passant), il y a quand même une certaine coexistence entre de multiples générations de chanteurs, artistes et chansonniers ici, non? Mais bon, si vous préférez vous justifier en plantant mes goûts, mes connaissances ou le journal qui m’emploie. Allez-y, mais je ne vois pas trop le rapport et c’est un kung-fu qui m’importe peu.
Bonne journée quand même!
André,
Je t’accorde une chose: j’ai mal choisi mon titre. Mea Culpa. Laurent Saulnier met au ban les chansonniers, peu importe leur âge. Depuis la parution de mon texte, des jeunes chansonniers (disons 40 ans et moins) m’ont félicité d’avoir mis le doigt sur un vrai problème culturel: on éjecte une certaine chanson. Moi je l’appelle chansonniers, d’autres la qualifient de chanson à texte ou poétique. Qu’importe. Tous les noms que tu me cites n’ont pas de rapport avec les chansonniers, même s’ils tiennent un guitare. Parmi les noms que tu cites, il y en a très bons (j’ai fait des papiers dans Voir sur eux), mais là n’est pas la question. Il doit exister à l’heure actuelle une cinquantaine (au moins) de chanteurs francophones qu’on n’invitera plus aux Francos, tant que le règne de Saulnier perdurera. Il faudrait embaucher quelqu’un pour ra-vieillir le public.
Bravo André!
Et M. Hébert, vous êtes un être élitiste qui porte ombrage à la vitalité de la chanson québécois francophone. Point barre. C’est des gens comme vous qui ralentissez les élans créatifs des « d’jeunes ». Pas besoin de se demander pourquoi vous n’écrivez plus dans Voir.
N’est-ce pas un faux débat que de parler de jeunes ou de moins jeunes ? Ce que soulevait M. Hébert c’est le manque de représentativité de la chanson dite « à texte » c’est à dire le gars ou la fille seule avec ses mots et un instrument, qui a quelque chose à raconter, qui cherche la manière de dire, de parler des gens dont on ne parle pas, de raconter des histoires, de donner à voir un bout de la société et de l’âme humaine. Cette chanson là elle est moins représentée partout, parce qu’elle appel un engagement total du public, et qu’aujourd’hui on vend de la chanson divertissante dans la société de la fête. Cette chanson ne se fait plus dans les bars et les boites à chanson (il ne reste que le P’tit Bar), elle ne gagne plus les concours. On la colle en musée dans les spectacles hommages nostalgiques, on s’extasie de retrouver les chansons de Leclerc, Brel, Brassens, mais on ne permet pas à leurs descendants d’exister. Cette chanson là avait à un moment des journalistes et des gens pour l’écouter, qui allaient les chercher dans les petits lieux et qui dans leurs articles ou leurs entrevues, cherchaient à montrer en quoi ils participaient à une certaine idée de la société, et s’intéressaient à ce qu’ils avaient à dire.
Sarah, auteur compositeur interprète, 25 ans,
mangeuse de bars où on ne veut pas écouter de la chanson à 22h
rédactrice de propositions sans réponse d’articles au Voir et au Devoir
heureuse bénéficiaire d’une lettre d’un directeur de programmation de radio me disant : « Votre projet d’émission de radio propose de faire réfléchir l’artiste sur sa démarche en chanson. Le comité a trouvé que faire réfléchir un artiste sur sa démarche le mettrait mal à l’aise »
Bonjour Sarah,
Faux débat ou non, le fameux « jeunisme » est tout de même ce qui m’a fait bondir dans la missive, car – à mon humble avis – la chanson à texte est quand même bien représentée au sein d’un événement du genre (Hudon, Adamus, Lafleur, LeBlanc y sont cette année.. m’enfin, tout dépend de votre définition de chansonnier, de chansonneur, d’artiste à texte, etc.). Le reste repose, encore une fois : à mon humble avis, sur les goûts personnels de chacun.
Une petite observation toutefois, sans blague ou malice : si cette fameuse chanson à texte est vraiment repoussée du revers de la main, si les chansonniers sont vraiment en voie de disparition, qu’attendent-ils pour répliquer? Si la situation est si triste, pourquoi ne pas lancer un week-end, voire un petit festival du chansonnier? Pop Montréal a été lancé avec un peu d’argent et beaucoup d’huile de coude, car les organisateurs ne trouvaient pas leur compte dans l’offre musicale montréalaise. Les scènes punk, métal et rap locales s’en sortent également sans en attendre autant d’un festival grand public comme les Francofolies.
PS: En réponse à votre signature, soit j’ai un trou de mémoire (ça peut arriver), soit vous vous gourez d’adresse, car je n’ai jamais reçu d’offre ou de propositions de votre part.