Je déteste les billets de blogues qui sont introduits de la sorte, mais bon…
Une publicité fait sensation ces jours-ci sur les réseaux sociaux : une campagne publicitaire pour l’entreprise Goldieblox, une boîte qui se spécialise dans la création de jeux pour inspirer les jeunes filles à devenir des ingénieures, cumule près de 8 millions de visionnements sur YouTube. La voici d’ailleurs…
En plus d’avoir charmé le Web avec son imagerie (la pub est réalisée par Brett Doar, le bonhomme derrière ce fameux clip d’OK Go) et sa «parodie» d’un plaisir coupable des Beastie Boys, transformant l’hymne simpliste et sexiste en comptine appelant les jeunes filles à s’émanciper. Mignon sur le coup, non?
Mais par la suite, par contre…
Ainsi, ce jeudi, les Beastie Boys ont finalement réagi à la campagne en amenant Goldieblox en cour, jugeant que l’entreprise a violé les droits d’auteur du collectif en plus d’avoir fait un usage non autorisé de leur propriété intellectuelle. La compagnie a répliqué que la publicité relève plutôt du domaine de l’usage raisonnable («fair use»), ce qui – aux États-Unis, permet de faire exception aux droits exclusifs sur certaines oeuvres.
Sur les réseaux sociaux, plusieurs tweeteux se rangent derrière l’entreprise, jugeant que les Beastie Boys agissent en «princesses».
Et pourtant…
Non seulement a-t-on affaire à une pub plutôt pernicieuse, où on invite de jeunes filles à délaisser leurs bébelles roses… pour d’autres joujoux produits par une entreprise qui, il ne faut pas se leurrer, utilise l’émancipation comme point de vente, mais Mike D et Ad-Rock, les deux membres survivants du groupe, honorent également MCA au passage. On se rappellera que dans le testament du rappeur, décédé l’été dernier d’un cancer, celui-ci affirmait qu’il ne voulait pas qu’on utilise sa musique pour des publicités. Un voeu pieux, bien sûr, ce qui rend la parodie de la pièce encore plus honteuse. «Le gars ne veut pas qu’on utilise sa toune? Fuck it, on fonce pareil!»
En attendant, cette campagne démontre bien comment l’utilisation d’une chanson adorée peut mousser ou défaire une campagne publicitaire. À mon humble avis, Goldieblox ne connaîtrait pas un succès viral semblable si elle avait utilisé une chanson générique «hop la vie» pour sa pièce. De l’autre côté de la lorgnette, même l’utilisation d’un succès local des années 80 ne peut rendre l’achat d’aubergines locales enlevant…
la raison pour laquelle c’est bon c’est que la chanson des beatise boys a été détournée et que là les filles sont pus là pour faire la vaisselle et le ménage mais pour inventer des jouets magiques. je trouve bien d’apprendre que cette compagnie fait son cash avec l’argument féministe (j’aime mieux en être consciente) mais au départ ce que je voyais c’était une « réponse » à une chanson provocatrice envers les filles. cette chanson est un classique, elle fait presque partie du patrimoine et on a changé les paroles. qu’un des beastie soit mort du cancer empêchera personne de détourner leurs chansons. ce n’es pas parce qu’un provocateur est mort que tous les provocateurs/trices doivent mourir avec lui. Et puis on se l’est bien tapé cette chanson honteuse. Il fallait en rire? Ben maintenant on en rit pour vrai. Tel est pris qui croyait prendre bref.
Provocateur? Véronique! Cette chanson est vieille d’un quart de siècle! C’est un peu tard pour la « dénoncer », non?
De plus, Yauch était un jeune con de 23 ans à l’époque. Heureusement, celui-ci s’est excusé ET racheté en masse par la suite. Autant en chansons (« I want to say a little something that’s long overdue / the disrespect to women has got to be through / To all the mothers and the sisters and the wives and friends / I wanna offer my love and respect till the end » sur « Sure Shot ») que par son oeuvre (sa boîte de cinéma – Oscilloscope – a servi de tremplin pour plusieurs réalisatrices).
Une piste pour la suite : http://blogs.forward.com/sisterhood-blog/155827/adam-yauch-feminist-ally/
Quelle est la durée valide avant de ne plus pouvoir détourner un texte? Quand Brassens (1921-1981) reprend Tristan Bernard (1866-1947) qui rigole de Corneille (1606-1684) dans Marquise (http://www.youtube.com/watch?v=CDG9lW8M72k), est-ce que ça n’a aucun sens? Bien sûr que non. L’œuvre demeure, et s’il est utile de la contextualiser, la détourner n’est pas moins bienvenu s’il y a de l’intelligence dans le résultat. Sinon quoi, tout ce qui a plus d’un an est inatteignable?
Le fait qu’il se soit racheté par la suite, c’est excellent, mais j’espère que vous serez d’accord pour dire qu’une œuvre dit quelque chose en elle-même, hors de la biographie de l’auteur, et vie hors de celui-ci. Est-ce que la pub attaque ce qu’a fait par la suite Yauch? Pas du tout. C’est, selon toutes apparences, l’œuvre pour elle-même qui est utilisée.
Le vrai problème éthique est dans le fait que des gens qui vendent quelque chose avec du matériel de gens qui ne veulent pas voir touché. (Zappa avait fait le même souhait avant sa mort, par exemple.) Ces derniers ont tout à fait le droit de ne pas vouloir voir leurs œuvres reprises durant la durée de protection légale. Là-dessus, je vous suis.
*Il faut aussi ajouter la question (principale) : « est-ce « trop tard » »? après l’exemple de Brassens. La réponse est la même.
Bonjour M. Roy,
Tel que mentionné dans mon commentaire, je trouve qu’il est «tard» pour répondre à une pièce datant d’un quart de siècle si l’objectif de la campagne publicitaire était vraiment de faire un pied de nez à la pièce originale. Évidemment, le but de cette pub est de mousser une entreprise de jouets afin qu’elle puisse vendre ses joujoux et non pas de faire un «statement» quelconque.
Ce que vous qualifiez de «problème éthique» est, chez moi, un «malaise». Bien sûr, l’entreprise peut tenter d’utiliser la pièce pour sa campagne, mais je trouve ça franchement dégoûtant qu’une boîte qui se drape dans le «politiquement correct» pour faire, en fait, dans le marketing agressif («contrairement aux autres entreprises de jouets pour filles, les nôtres vont faire de vos filles de futures ingénieures!») et crasse («cette chanson est parfaite pour la viralité de la chose! Comment? Un des membres derrière le groupe est mort et a été jusqu’à dire dans son testament qu’il ne voulait vraiment pas qu’on utilise ses pièces dans une pub? Pffff! On y va!).
MISE À JOUR : Il semblerait que c’est l’entreprise qui amène les Beastie Boys en cour. L’équipe des rappeurs voulait tout simplement avoir plus de détails sur la campagne avant d’aller plus loin. http://www.mediabistro.com/prnewser/beastie-boys-vs-goldieblox-whos-suing-who-again_b78611
Sur ce, une question : y’a vraiment des pubs avec du Zappa qui existent? Lesquelles? Je suis franchement curieux…
Les idées de « malaise » et de « problème éthique » ne sont pas mutuellement exclusifs, comme votre deuxième argument le montre. Pour ça, je vous l’ai dit et je vous le redis, on s’entend. D’ailleurs, le deuxième article montre à quel point l’entreprise a voulu contourner le problème en présentant seulement l’aspect « artistique », comme s’il s’agissait d’un (anti)fanmade, ce qui n’est pas le cas.
J’ai bien compris que vous trouviez qu’il était « tard », mais c’est précisément ce que je vous demande : « qu’est-ce que « tard » veut dire » quand, un, une œuvre peut traverser le temps, peut devenir symbole peut importe sa date de création; deux, qu’il y a des exemples (j’en ai cité un) aux durées bien plus longues et qui, ici c’est un jugement de valeur, sont ou peuvent être pertinents?
Quelques publicitaires ont essayé, mais lorsque les fans veillent, c’est plus difficile : http://www.ledevoir.com/culture/musique/44672/pour-avoir-utilise-une-chanson-dans-une-publicite-sans-son-autorisation-la-famille-zappa-poursuit-ameublements-tanguay