La version revampée d’une station de radio de Calgary polarise les mélomanes canadiens ces jours-ci.
À l’image du nom de son nouveau format, la station pop AMP s’est mise à l’heure du Quickhitz depuis vendredi dernier. Elle diffuse maintenant les succès du moment… en formule écourtée!
En entrevue avec le Financial Post, Hillary Hommy, la vice-présidente de marques et réseaux de Sparknet Communications (l’entreprise derrière le format Quickhitz), laisse entendre que les pièces originales de trois à quatre minutes sont écourtées de moitié avant diffusion, histoire de se distinguer de la concurrence en doublant le nombre de ritournelles jouées à l’heure. «Peu de personnes remarquent ces changements», mentionne-t-elle tout en rappelant qu’on retrouve déjà des chaînes Quickhitz aux États-Unis et en Angleterre. Notons aussi que les chaînes Quickhitz tranchent aussi dans le temps d’antenne des publicités.
Le format Quickhitz polarise, car il est (malheureusement) bien de son temps.
Ainsi, les consommateurs ont bel et bien une capacité de concentration de plus en plus limitée. Plus tôt cette année, l’historienne et enseignante à l’Université Harvard Nancy Koeh faisait remarquer que l’attention de la moyenne américaine est passée de 12 secondes (en 2000) à 8 secondes (en 2013) en plus de rappeler au passage que celle d’un poisson rouge est de 9 secondes. Ouch!
Un constat triste, certes, mais qui explique également notre engouement pour la consommation de masse de séries livrées d’un trait à la Orange Is The New Black sur Netflix. Idem du côté du marché littéraire où les romans épisodiques – dont les multiples tomes sont publiés à vitesse grand V – sont maintenant favorisés par certaines maisons d’édition. La radio ne fait qu’emboîter le pas.
Sans révolutionner l’industrie – bon nombre de labels soumettent des versions «radio» tronquées des «hits» de leurs artistes depuis des décennies -, Quickhitz élimine tout simplement un intermédiaire dans le processus… en plus de diffuser des oeuvres d’art tronçonnées, bien évidemment, afin de garder l’auditeur à l’écoute le plus longtemps possible en lui faisant miroiter une certaine diversité.
En parlant des chansons en soi, le vice-président de Newcap Radio (le conglomérat derrière AMP) mentionne au Calgary Herald que l’autorisation des musiciens n’est pas requise avant diffusion avant de lancer que «les artistes sont contents que leurs pièces soient jouées plus souvent et entendues par un plus grand nombre de gens. C’est donc très positif pour eux!»
De mon côté, je suis quand même curieux d’entendre la refonte Quickhitz d’On va…, la fameuse ballade de Vincent Vallières…
Dans les années 1950/1960, les chansons duraient – dans leur entièreté – moins de 3 minutes. Le plus souvent autour de 2:15, en version originale non-tronquée. C’était le format standard.
Puis, les Beatles y allèrent d’une certaine audace en 1966 en incluant pas une mais deux pièces de 3:00 exactement chacune sur leur 33 tours Revolver, soit «Love You To» de George Harrison et «Tomorrow Never Knows» signée Lennon-McCartney. Mais ces deux chansons n’étaient aucunement destinées à des passages à la radio. C’était des pièces de microsillon. Pas du Top 40.
L’année suivante, en 1967, les Beatles lancèrent leur propre étiquette Apple avec le 45 tours «Hey Jude» d’une durée renversante de 7:11. Et aucune station de radio n’avait l’outrecuidance d’abréger sa diffusion en ondes. Une véritable révolution. La face B du 45 tours s’appelait d’ailleurs «Revolution»…
Mais, je sais bien que «je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître…» comme l’a chanté Charles Aznavour dans «La bohème», il y a fort longtemps déjà. Et pas seulement les moins de vingt ans, d’ailleurs. Les moins de trente, de quarante, de cinquante et de soixante ans aussi.
En cet âge actuel de l’instantanéité, du zapping impatient, du clic et du tweet, du micro-ondes et du texting oiseux, je me rends compte que j’ai à l’évidence pris un sérieux coup de vieux… J’aime les versions inaltérées en tout. Je me délecte des notes de bas de pages qui viennent ajouter des précisions à des textes pourtant déjà bien étoffés. Et la collection de La Pléiade fait depuis toujours mon bonheur.
Alors tout ce qui est tronqué, on comprendra aisément que cela me déplaît au plus haut point. Non seulement est-ce là afficher un total manque de respect à l’égard des auteurs mais c’est également contribuer à l’abêtissement graduel de tout le monde et des plus jeunes générations en particulier. De la superficialité en guise de nutriment. Triste.
Euh… y’a encore quelqu’un?
Quelle patience vous avez, vous alors…! Eh bien, merci de m’avoir lu jusqu’au bout. C’est vraiment très apprécié. Et bonne journée!