Pour paraphraser l’adage : quantifier de la musique, c’est comme danser sur de l’architecture.
Bref, je n’aime pas les palmarès. Classifier des disques – souvent le fruit d’un dur labeur – dans un ordre régi – au final – par les préférences personnelles d’un(e) mélomane est un exercice qui m’agace; surtout dans une optique de regard en arrière obligatoire. Déjà qu’on manque de temps pour bien apprécier tout ce qui se produit ici et ailleurs, pourquoi en perdre davantage en revenant sur des oeuvres qui ont déjà été saluées par la critique au moment de leur parution?
M’enfin, l’industrie ralentissant alors que 2014 s’essouffle, autant se joindre à la danse.
Voici donc un palmarès bien personnel : une sélection de 12 albums – listés par ordre alphabétique – qui fait fi des notes données aux critiques de ces albums au Voir.
Against Me! – Transgender Dysphoria Blues
Au risque de faire dans la rédite, je vous cite ma critique : Poursuivant dans le sillon absolument plus rock que punk retrouvé sur New Wave (2007), le quatuor se rapproche à nouveau des Springsteen et Strummer (voire Queen sur Unconditional Love)… quoique des brûlots comme Drinking With The Jocks suscitent les premières œuvres de la bande de Gainesville. Côté textes, Against Me! captive surtout avec ses pièces abordant la transformation de la chanteuse Laura Jane Grace en femme, un sujet riche et pourtant tabou.
En écoute: Black Me Out http://www.youtube.com/watch?v=iWB_b480-9c
Avec le soleil sortant de sa bouche – Zubberdust!
Zubberdust! du projet kraut funk Avec le soleil sortant de sa bouche surprend par sa luminescence et sa chaleur. Projet issu de la cuisse gauche du défunt groupe culte underground Fly Pan Am, le quatuor poursuit dans le même sillon post-rock, mais bifurque vers des tangentes mi-afro-kraut-funk-rock (Face à l’instant II), mi-envolées-psychédélico-incantatoires (la conclusion de New Sun IV — morceau de bravoure de 7:50 — en témoigne tout particulièrement).
En écoute: New Sun IV http://www.youtube.com/watch?v=Kv5SbP91fyc
Guillaume Beauregard – D’étoiles, de pluie et de cendres
Il faut tout d’abord savoir que Vulgaires Machins compte parmi mes groupes préférés. Heureusement, la première offrande solo du chanteur du groupe était à la hauteur en plus d’être surprenante. Après avoir passé des années à signer des textes aussi engagés qu’incisifs, Beauregard étonne en entonnant maintenant des pièces intimistes, accompagnées de mélodie folk pop qui devraient plaire aux nostalgiques d’Elliott Smith, voire aux fans de Neil Young.
En écoute: Cadeau du ciel http://www.youtu.be/2glFEPz8xIs
Antoine Corriveau – Les ombres longues
Pour citer le collègue Joel Martel : On s’en doutait depuis un bon moment, mais avec Les ombres longues, on sait maintenant qu’Antoine Corriveau a tout pour s’inscrire parmi les poids lourds du paysage musical québécois. Parolier inventif et décomplexé, mélodiste à la fois torturé et débordant d’espoir, Corriveau est en pleine maîtrise de son art avec cette deuxième galette.
En écoute: Noyer le poisson http://www.youtube.com/watch?v=_7NSXw7h7bI
Eman X Vlooper – XXL
Pour citer le collègue Olivier Boisvert Magnen : À sa fracassante entrée inattendue sur la scène hip-hop québécoise, le joyeux foutoir d’Alaclair Ensemble laissait déjà entrevoir les différentes préférences de ses membres: la prédilection pop bonbon de Claude Bégin, la tangente soul/funk de KenLo et le penchant rap plus puriste d’Eman. Sur XXL, ce dernier se réapproprie le devant de la scène avec un rap plus introspectif, basé sur des techniques d’écriture automatique éprouvées qui, derrière leur apparence bordélique, dévoilent des instants de lucidité brillants – notamment sur les frappantes critiques sociales TOUT’NOU et Publi-Sac.
En écoute: Mantra http://www.youtube.com/watch?v=d0235gkRy2Y
Fontarabie – Fontarabie
Dernière fois que j’en parle (cette année), promis! En marge des pièces enregistrées par Julien Mineau et ses conspirateurs, Fontarabie — le disque — étonne également lorsqu’on s’attarde au pedigree de son auteur (qui aura contribué, bien malgré lui, au rayonnement international du fameux «son de Montréal» avec Malajube), puis à sa démarche: aussi discrète que personnelle, voire à la bonne franquette; faisant fi des courants musicaux du moment ainsi que de la tendance «à la pièce» de l’industrie. Bref, Mineau propose ici une œuvre aussi exigeante pour lui que pour ses auditeurs et qui annonce, par la bande, également un «retour» prometteur.
En écoute: Union libre avec la peur http://www.youtube.com/watch?v=nOoj9o0vR6s
Katerine – Magnum
Pour citer le collègue Martel : le nouveau Katerine est un des plus fabuleux doigts d’honneur possiblement imaginable à l’attention d’une industrie sclérosée et tristement redondante.
En écoute: Faire tourner http://www.youtube.com/watch?v=nN1P22lWVT4
La Sera – Hour Of The Dawn
Deux années après le surprenant Sees The Light — un album de rupture pourtant entraînant —, la bassiste et chanteuse Katy Goodman panse ses plaies sur Hour Of The Dawn, une troisième œuvre particulièrement lumineuse. Bien qu’on pourrait reprocher à Goodman de demeurer bien au chaud dans sa zone de confort, musicalement parlant, en combinant toujours — et à merveille — rock garage, sensibilités doo-wop et accents punk rock, la production s’avère tout de même plus relevée que sur son deuxième disque tandis que les textes, eux, sont lucides et inspirants, loin du mélodrame à deux sous.
En écoute: Losing To The Dark http://www.youtube.com/watch?v=7fyFW7sUehM
Last Ex – Last Ex
Grosse année pour Simon Trottier et Olivier Fairfield! En plus d’avoir livré des Hot Dreams plébiscités au sein de Timber Timbre, le tandem récidive avec Last Ex, un nouveau projet rock instrumental. Inspirée d’une ébauche de trame sonore de film d’horreur qui est finalement tombé à l’eau, l’œuvre homonyme est aussi fiévreuse que tendue; suscitant des travellings de poursuites funestes sous la pleine lune ou, encore, des plans-séquences où des adolescents les hormones dans le tapis sont épiés par un mystérieux assaillant.
En écoute: Cité d’or http://www.youtube.com/watch?v=rT1tnUrss7I
Angel Olsen – Burn Your Fire For No Witness
Enfin. Le fameux second disque du prodige folk rock Angel Olsen nous a été livré et l’attente en valait quand même la peine. Dès la chanson introductive — la désarmante ballade Unfucktheworld — Olsen surprend en alternant avec justesse moments de vulnérabilité et refrains frondeurs avec un panache dont même Patti Smith serait fière. Là est toute la force de l’artiste: son authenticité. Ainsi, pas (trop) de fioritures, tant dans les brûlots (Forgiven/Forgotten en témoigne en étant aussi efficace que simpliste… et devrait plaire aux fans des Pixies du même coup) que dans les pièces plus lancinantes (White Fire, par exemple, subjugue et charmera les inconditionnels de Chelsea Wolfe par la bande).
En écoute: Forgiven/Forgotten http://youtu.be/PinTAGbIsV4
Perfect Pussy – Say Yes To Love
Pour gagner du temps, je vous cite ma critique de l’oeuvre: Si I Have Lost All Desire For Feeling (2013), le maxi annonçant l’œuvre, pouvait être cacophonique tant les paroles – pourtant hyper poignantes – de la chanteuse et dynamo humaine Meredith Graves étaient étouffées par le véritable mur de son érigé par le quintette, Perfect Pussy propose ici un excellent compromis: une production ambitieuse (les fans de la discographie récente de Fucked Up devraient tendre l’oreille) qui ne nuit en rien à la force de frappe et au grain de ces nouvelles pièces (les amateurs des espoirs locaux Solids vont adorer).
En écoute: Driver http://www.youtube.com/watch?v=Fqucurzyt84
Weezer – Everything Will Be Alright in the End
Everything Will Be Alright In The End est la meilleure parution du groupe culte depuis des années. Bien que moins participatif que l’album rouge, où chaque membre proposait de ses compositions, ce neuvième cru tient autant du «retour aux sources» que du «disque expérimental» sans prétendre être ni l’un, ni l’autre. Ainsi, l’efficace Ain’t Got Nobody suscite nombre de hits d’antan alors que la sympathique Go Away, elle, rappelle I Just Threw Out the Love of My Dreams, duo méconnu, mais fort apprécié des fans de la troupe. De l’autre côté du spectrum, le pastiche «hair metal» Eulogy For A Rock Band s’avère tout d’abord barbant, mais est tout de même un risque à souligner… et qui, à l’image du LP, y gagne au fil des écoutes.
En écoute: Ain’t Got Nobody http://www.youtube.com/watch?v=lbLsgH-yn5c