Cette soirée finale de l’édition 2015 du Festival OFF de Québec restera à jamais gravée dans ma mémoire. Ce ne fut pas une soirée aussi constante que celle dont je parlais hier, mais j’y ai découvert des perles qui m’ont fait remettre en question une grande partie de ce que je considère comme ma place dans cet univers musical. Je dois lever bien haut mon verre d’IPA à la charmante Sophie Bernier, qui se surpasse d’année en année à la barre de la programmation de ce festival d’une qualité très dure à égaler. Sophie, cette mouture m’a tout simplement renversé et j’ai bien hâte de voir ce que tu vas me garrocher l’an prochain.
Spirospatial
La soirée était ouverte par un duo d’improvisateurs rimouskois, Les Monocytes. Ils livraient pour la première fois à Québec leur spectacle Spirospatial, une expérience audiovisuelle complexe et exécutée de main de maître. L’histoire qu’ils racontent est celle de deux astronautes en route vers la lune, qui vivent un conflit lorsqu’arrive le temps de choisir qui sera le premier à sortir du module lunaire pour mettre son pied sur le sol de notre satellite. Utilisant seulement leurs voix distortionnées, un piano droit préparé et une guitare passée dans un nombre impressionnant de pédales, les deux musiciens ont pris l’audience par les tripes avec une musique moderne très savante. Le tout était accompagné de projections représentant un décollage de fusée lunaire qui complétait à merveille le spectacle. Le ton était donné pour une soirée plus qu’hétéroclite.
monocytes.bandcamp.com
Lyse and the Hot Kitchen
Un moment d’histoire allait ensuite me prendre à la gorge et me fendre le sourire jusqu’aux oreilles pendant un bon cinquante minutes. En effet, à la guitare pour le trio Lyse and the Hot Kitchen, nul autre qu’Arthur Cossette, membre en règle des Jaguars et des Sinners, les deux plus grands groupes de surf rock québécois. Du haut de ses 70 ans, armé de sa Gretsch 1957, il accompagnait à merveille la voix suave de Lyse Déjeuner. C’était un pur régal de voir des jeunes d’à peine 20 ans se déhancher comme des diables au son de leur swing rock ultra-rétro. On a eu droit à un moment figé hors du temps et l’expression peinte sur les visages parlait d’elle-même : tout le monde n’en revenait pas de voir cette légende se taper des solos tout droit sortis de 1962 avec brio et un tone tout simplement parfait. Un de mes coups de coeur absolus de cette édition du OFF.
lyseandthehotkitchen.bandcamp.com
Salty Wenches
Le groupe Drogue s’étant malheureusement séparé peu de temps avant le lancement du festival, c’est le girl rock des Salty Wenches qui a été sélectionné par le OFF pour remplir leurs bottes de cuir sales. Cette jeune formation a pris d’assaut le Studio d’Essai sans crier gare, attrapant l’auditoire par le collet et ne les relâchant que le temps d’un shooter de Jägermeister avant de repartir de leur rock pesant et assumé. Elles ont fait preuve d’une présence scénique intense qui n’a pas laissé la foule de glace. Ça trashait fort en avant-scène, et les applaudissements étaient sans réserve. Elles ont livré un son garage qui déplaçait de l’air au pied cube.
saltywenches.bandcamp.com
Yonatan Gat
Sans compétition aucune, ma découverte musicale de l’année 2015 à date. La formation était installée en plein milieu de la Salle Multi, avec pour seul éclairage trois lampes, dirigées chacune vers un musicien. À la vue de l’installation, ma curiosité était piquée. Les trois musiciens se sont alors munis de leurs instruments respectifs, la foule s’approchant légèrement, dans une tension palpable. L’explosion sonore qui a suivi ne peut être expliquée en mots. Je me souviendrai toute ma vie du frisson de stupeur qui m’a parcouru l’échine lorsque j’ai entendu les amplis se mettre à beugler des mélodies à la fois sensibles et punks, teintées de couleurs de musique traditionnelle israélienne. Lorsque Yonatan Gat s’est mis à entonner des paroles en hébreux par-dessus cette masse sonore portée par une batterie hyperactive et une basse tonnante, je me rappelle avoir senti ma mâchoire descendre de deux pieds. La foule était en extase totale devant cette expérience unique et intense, on se sentait faire partie d’un moment duquel les absents ne pourront jamais s’enorgueillir. Certains spectateurs sont même montés sur la scène principale de la salle pour mieux observer cette messe stridente et enveloppante. C’est les larmes aux yeux que j’ai quitté la salle après les dernières notes, remettant en question tout ce que je définis comme un concert.
She Serpent
C’est ensuite les rafraîchissants She Serpent qui ont embarqué sur les planches pour livrer leur postpunk lourd et incisif, et ils ont su être efficaces. La chanteuse s’est montrée envoûtante et intense dans sa performance, ses musiciens l’appuyant avec brio de leurs riffs très gras et leurs tones déchirants. Mention spéciale au bassiste dans ce département, son son nous prenait aux tripes et emplissait la salle de ses vibrations pleines de fuzz. Ce fut une belle découverte pour moi, même si j’en avais beaucoup entendu parler, car je n’avais toujours pas eu la chance de les voir en concert.
sheserpent.bandcamp.com/
Das Mörtal
C’est Das Mörtal qui concluait cette édition 2015 du OFF au Studio d’Essai de son techno proche du disco, qui a fait bouger les corps jusqu’à 4h du matin. L’installation d’un cube lumineux autour de Cristobal Cortes rajoutait beaucoup à la performance, car c’était le seul apport lumineux lors du concert. J’ai beaucoup apprécié le mélange de sonorités empruntées à plusieurs courants de musique électronique, et le travail de synthétiseurs était très recherché. C’était une belle performance qui a laissé place à un DJ set du collectif Grande Drogue Indienne dans le hall d’entrée du complexe Méduse qui s’est étiré jusqu’à bien longtemps après le lever du soleil, selon la tradition du OFF.
C’était une édition incroyablement réussie que les organisateurs nous ont offert cette année, et ce n’est pas sans peine que je quitte Québec ce soir pour revenir à Montréal, la tête pleine de souvenirs vifs et intenses de moments uniques passés avec des gens extrêmement talentueux. Les photos de cette dernière soirée sont ici-bas.