Le DJ superstar David Guetta a bien l’habitude de faire rire de lui. On le critique souvent sur la qualité (assez faible, avouons-le) de ses compositions musicales, on se moque du fait qu’il ne compose presque aucun de son matériel musical, etc. Il a donc développé, à l’instar de Kanye West (le rappeur qui se prend pour l’El Dorado du hip-hop), un genre de mécanisme de défense un peu nullard où il semble s’isoler des critiques et se regarder le nombril jusqu’à s’en faire enfler dangereusement la tête. Il a récemment fait une déclaration dépassant l’entendement en comparant sa pièce Dangerous à une oeuvre du maître incontesté du contrepoint et de la fugue, l’illustre rockstar baroque que fut Johann Sebastian Bach.
La face que j’ai fait en apprenant ça.
Mettons les choses au clair. Premièrement, puisque je suis d’une magnanimité sans bornes, je vais donner à Guetta ce qui revient à César. OUI, il y a une phrase musicale qui est un emprunt direct à la célèbre Toccate et Fugue en ré mineur, que vous avez tous déjà entendu maintes et maintes fois. De plus, la dite phrase musicale est répétée over and over again dans le morceau Dangerous, un tube EDM banal et réchauffé à souhait. Mais voilà, il ne s’agit que d’un vulgaire quatre temps qui a déjà été utilisé à toutes les sauces par un paquet d’artistes quinze fois plus talentueux. Serait-ce l’utilisation d’instruments à cordes qui justifie pour Guetta de dire, en entrevue pour le Parisien Magazine : « Si vous écoutez ma chanson Dangerous, c’est plus proche de Jean-Sébastien Bach. »?
Please, mon Dav’, calme-toi. Bach a composé autour de 1120 pièces originales d’une complexité et d’une densité musicale qui épatent et fascinent encore un grand nombre d’érudits de musicologie. On parle d’un artiste prolifique à un niveau qui dépasse l’entendement, et dont l’oeuvre se ressent encore aujourd’hui dans l’ensemble de la musique populaire et classique. On parle d’un homme intense dont l’oeuvre est infiniment plus intéressante et importante que ses hauts et bas amoureux. Désolé, David, t’en es vraiment pas là.
David, non.
Dans la même entrevue, Guetta a affirmé, parlant de l’exécrable I Gotta Feeling, que « faire simple n’est pas facile ». Pourtant, l’ensemble de sa discographie nous prouve le contraire. Faire simple est extrêmement facile, lorsqu’on a des ressources presque illimitées et que la majorité des nos chansons sont produites par d’autres artistes plus talentueux. Ce qui m’amène au point le plus important de ce billet. David Guetta (tout comme Kanye West, d’ailleurs) n’est pas un génie musical parce qu’il s’autoproclame comme tel et sa popularité relative n’y change rien. Cet emballement caractéristique de l’égo chez les superstars de la musique facile est endémique et extrêmement irritante. Rien de moins glorieux qu’un homme se plaçant lui-même au rang de génie, surtout si son argument principal est sa popularité. Cette popularité ne serait, dans la plupart des cas, jamais venue si de grandes maisons de disques n’avait pas investi des centaines de milliers de dollars en promotion et en marketing pour pousser ces chansons dénuées d’originalité dans la gorge du public des stations de radio à grande écoute.
Pour conclure, je voudrais simplement citer l’artiste serbe Marina Abramović : « L’égo peut devenir un obstacle à l’art. Si l’on commence à croire en sa grandeur, c’est la mort de notre créativité. »