Arts visuels

Julie-Andrée Tremblay : L’étang des sucres

Elle a vingt et quelques années et fait déjà sa marque sur la scène québécoise et internationale de la performance. JULIE-ANDRÉE TREMBLAY, oiseau rare.

Julie-Andrée Tremblay est entrée dans le monde de la performance par la grande porte. C’est une belle histoire comme on les aime. Fraîchement sortie des locaux d’arts plastiques du Cégep de Ste-Foy, dotée d’un culot à toute épreuve, elle fait irruption, entre deux prestations de performeurs, lors de l’édition de 94 des rencontres internationales de performances présentées par Le Lieu. Elle impose alors, par le juste et l’injuste, une performance de son cru. «Une belle façon de se faire remarquer!» diront certains.

Détrompez-vous, cette performance impromptue n’était qu’une offensive au sein d’un plus grand combat encore, celui de dénoncer le fait que peu de jeunes artistes performeurs étaient invités à ces festivals. S’il est vrai que peu de jeunes y participent parce que peu de jeunes ont fait de la «perf» leur dada, cette intervention aura permis de tirer des leçons. Si bien que Tremblay, telle une jeune recrue de la LNH -pour reprendre une image que d’autres évoquent à son sujet- n’en finit pas d’être en demande… et de gravir les échelons. Elle n’a pas encore terminé son bac qu’elle s’est déjà produite à plusieurs reprises à Toronto et revient d’un séjour de quelques mois en Europe.

L’installation très dépouillée qu’elle présente actuellement dans les locaux du Lieu, constitue en quelque sorte l’empreinte de la performance qu’elle a offerte il y a quelques semaines. S’il y manque regrettablement le corps de l’artiste (instrument essentiel dans ce cas), son âme habite pourtant encore les lieux. Aux murs, des tracés linéaires infinis relatent ces six heures qu’elle a passées à déambuler sans interruption, les yeux bandés. Six heures d’un geste répété inlassablement qu’une bande sonore nous ramène en échos. Au centre de l’espace, une chaise de bébé suspendue et renversée, un texte gravé impulsivement au sol. Et le sucre en poudre dans lequel elle a rampé, le bassin de vinaigre dans lequel elle a baigné, nous révèlent non seulement les deux facettes, aigre et douce, d’une jeune vie, mais traduisent parfaitement l’implication très physique voire primale de la performeure. Julie-Andrée Tremblay a un féroce appétit pour la performance. Un feu sacré qui se fait rare par chez nous.y

Jusqu’au 3 mai
Au Lieu
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