Arts visuels

Grant Mathieu : Traits de caractère

GRANT MATHIEU, qui n’a pourtant plus vingt ans mais dont on associe souvent le travail au courant de la jeune peinture, expose actuellement ses plus récentes productions. Occasion  rare!

Il y a des artistes qui empruntent les grands boulevards, les principales voies d’accès au succès. Et d’autres qui roulent leur bosse sur les routes parallèles, parfois à contre-voie, en laissant tout de même derrière eux une trace, un sillage. Grant Mathieu est de cette trempe, celle des vieux routiers qui carburent à la passion pure plutôt que de viser les hauts sommets de la réussite, et dont le style fait sa marque. Il expose effectivement (trop!) peu et s’est pourtant bâti une solide réputation dans le milieu, si bien qu’il arrive de déceler dans les oeuvres d’artistes plus jeunes les tonalités, la gestuelle de ce mæstro de l’abstraction. Mais attention, ne fait pas du Grant Mathieu qui veut! «Donne un pot de noir, de brun et de beige à un certain nombre d’artistes et tu vas voir que très peu d’entre eux réussiront à faire quelque chose d’aussi fort. Il y a bien des peintres qui essaient de faire de l’abstraction, mais il est rare qu’ils tiennent aussi bien la route que Grant», constate Sylvain Décarie, propriétaire de la Galerie Rouje, où Mathieu expose actuellement ses plus récentes toiles.

Une série d’abstractions aux tons terreux, donc, où des couches d’acrylique plus ou moins dilué font se détacher des réseaux de lignes parfois caligraphiques, dans des jeux de transparence et d’opacité, proches cousins des lavis chinois. Une série tout en opposition aussi, où justement les renvois aux civilisations anciennes répondent à ceux d’une culture plus actuelle. Car, outre la Chine, la facture de quelques-uns de ces grands formats sur toile, géo-textile ou papier synthétique fibreux, évoque spontanément les peintures rupestres de Lascaux, alors que, devant d’autres – dont le côté «trash» est plus évident et la toile utilisée à son maximum – on se croirait les visiteurs d’une galerie new-yorkaise branchée. Mais ce qui paraît le plus en opposition chez l’artiste, c’est que ces lignes libres, intenses et vives, qui à l’instar des graffitis présentant un graphisme cru, évoluent dans une grande organisation, un tout étonnamment cohérent. Tout le talent de Mathieu réside en cette façon de pousser l’art brut jusqu’à la perfection. Difficile, avec de telles propensions, de ne pas plaire aux plus jeunes en quête de modèle, même en se faisant discret.

Jusqu’au 13 juin
A la Galerie Rouje
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