Artifice 98 : Cocktail artistique
De simple constat sur la jeune production artistique locale en 1996, l’événement Artifice est devenu, deux ans plus tard, un dialogue culturel entre des créateurs du Québec et de l’Ontario. De tout en abondance.
A l’été 1996, l’événement Artifice prenait tout le monde par surprise. Avec des moyens de fortune, David Liss, du Centre Saydie-Bronfman, et Marie-Michèle Cron avaient réuni une trentaine d’artistes dans des locaux inoccupés du centre-ville. Un succès inattendu. Le tube de l’été avec 22 000 visiteurs, dont plusieurs qui n’avaient peut-être jamais mis les pieds dans une galerie. Le public était enchanté, on découvrait une nouvelle relève, qui avait pour noms Galland, Szilasi, Béliveau, Bouthillette, ainsi qu’une nouvelle façon de faire des expos, décontractée, aux antipodes de la pose académique pour les happy few.
Or un tube, ça ne dure qu’une saison. Et les commissaires, le sachant bien, ont longtemps hésité, ce printemps, lorsqu’est venue l’idée de renouveler l’événement. Ce qu’ils ont finalement choisi de faire. Artifice 1998, donc, a été inauguré le 20 juin, et ce qui ne semblait devoir n’être qu’une aventure prend, du coup, les allures d’un événement à formule, susceptible de se développer sur des années. Une formule tout de même en partie modifiée. Cette année, les artistes de Montréal et de Québec se partagent la vedette avec des confrères et consours d’Ottawa et de Toronto, sous la tutelle d’une équipe de commissaires augmentée de Katia Meir et de John Massier.
Le résultat? Il faudra attendre la fin de l’événement pour juger de l’ensemble de l’entreprise, et surtout de l’engouement du public pour l’événement, qui comptait pour beaucoup dans l’enchantement qu’a pu causer le premier Artifice. Pour ce qui est de l’exposition elle-même, eh bien, Artifice `98 ressemble, l’effet surprise en moins, à Artifice `96, avec son propre lot de découvertes, ses points forts et ses points faibles.
Il y a là des noms qu’on sera heureux de revoir, s’ils veulent bien refranchir l’Outaouais: Luis Jacob, dont les pochoirs ressemblent à des abstractions; Bill Angang et Glen Louckock, dont les peintures baroco-naïves sont dans une classe à part, où se retrouve également l’autel dédié au trio McDo par Claude Perreault, de Montréal; Alexandre Castonguay, avec une installation de chutes d’eau télévisuelles; Max Streicher, dont les géants gonflables bouffent presque tout l’espace de l’ancien local de MusiquePlus; Stacey Lancaster, avec une «boule de cristal» géante en bois jaune. Au nombre des Québécois, signalons Patrick Coutu, l’un des noms les plus à surveiller parmi les jeunes, avec une habile reprise du thème de la représentation de l’atelier, ainsi que Claudie Gagnon, dont les lustres indescriptiblement démentiels menacent les visiteurs.
D’autres, qu’on connaissait déjà, voient leur valeur se confirmer. C’est le cas de Carmen Ruchiensky et de David Blatherwick, deux des jeunes vedettes de Peinture peinture, habilement réunis ici, aux côtés d’Angang&Louckock, de Castonguay et de la peintre Elizabeth McIntosh, dans ce qui forme la plus convaincante parmi les quatre salles, au 2089, Sainte-Catherine Ouest. C’est le cas de quelques autres, dont on s’étonne par ailleurs qu’ils nous présentent du travail déjà montré ici, mais, explique-t-on, pas nécessairement connu du public visé par l’événement: on pense à Michael A. Robinson, à Jean-Pierre Gauthier, à Sylvie Laliberté, à Eliza Griffiths, à David Altmejd, même à Patrick Coutu.
Est-ce que tout cela lève? Dans certains cas, oui, comme au 2089, rue Sainte-Catherine, un étonnant cocktail de peinture abstraite, de naïveté et de conceptualisme. Par contre, dans le local situé dans les Cours Mont-Royal, où logent notamment Guy Blackburn et Luis Jacob, beaucoup moins. Blackburn, qui nous avait fascinés lors de son passage à Skol en 1996, semble perdu au milieu de cette salle sans âme. En revanche, l’ancien local de MusiquePlus, avec son sous-sol tout en recoins, remplace avantageusement le local coin Ste-Catherine et Peel, qui formait le cour de la première édition d’Artifice.
Et puis, l’inclusion d’artistes d’autres villes ajoute une dimension nouvelle à l’événement qui, de simple constat sur la jeune production locale, est à considérer cette année comme un dialogue culturel entre deux métropoles. Avec des échanges parfois réussis (Ruchiensky et Angang&Louckock) et d’autres qui paraissent interplanétaires (le graffitiste manga techno Gene Starship à côté du très conceptualiste Massimo Guerrera…).
Avec le retour d’Artifice après deux ans, et la transformation des Cent Jours du Centre international d’art contemporain en la Biennale de Montréal dont on nous annonce la première édition pour le mois d’août, Montréal se retrouve en quelque sorte, cette année, avec deux biennales. Une situation plutôt inusitée, dont il y a lieu de se réjouir, mais qui hausse le niveau des attentes à l’endroit de la manifestation du CIAC qui, à la différence d’Artifice, présente un profil international. Notons que le volet II d’Artifice `98 se tiendra dans la galerie du Centre Saydie-Bronfman à compter du 9 juillet, et ce, jusqu’au 23 août
Artifice `98, volet I
2081 Ouest, 2089 Ouest et 209 Est, rue Ste-Catherine; 1550, rue Metcalfe
jusqu’au 16 août
Les lieux communs
La surabondance d’expositions d’intérêt, en ce début d’été, nous a empêché de couvrir comme elle l’aurait mérité l’exposition Les lieux communs, qui tient l’affiche pour quelques jours encore au CIAC. Une production du Centre de sculpture Est-Nord-Est, de Saint-Jean-Port-Joli, qui s’est attaché pour l’occasion les services du commissaire Gaston Saint-Pierre, cette exposition regroupe cinq artistes – Thomas Corriveau, Marlene Creates, Robert Fones, Sandra Meigs, Denis Rousseau – qui se sont appliqués à jeter des ponts vers la culture populaire. Intelligent et divertissant. A voir.y
jusqu’au 5 juillet
Au Centre international d’art contemporain