Artifice 98
Arts visuels

Artifice 98

De moins grand intérêt que la première partie, plus pêle-mêle, le second volet d’Artifice 98 reprend habilement le dialogue entre onze artistes du Québec et de l’Ontario. Perspective artistique.

Cette année comme il y a deux ans, Artifice est divisé en deux volets. Le volet «extérieur», qui se répartit dans des locaux commerciaux vacants, et qui forme en quelque sorte le cour de l’événement. Et un second volet, qui vient de débuter, celui-là à l’intérieur, c’est-à-dire dans la galerie du Centre Saydie-Bronfman, chemin de la Côte-Sainte-Catherine. Cette année, on y trouve des pièces de onze artistes, dont certains sont déjà à l’honneur dans le premier volet.

Il y a deux ans, ce second volet s’était d’ailleurs attiré de sévères reproches de la part d’un critique qui déplorait l’absence de cohésion thématique de l’entreprise en s’étonnant «qu’une exposition d’art actuel […] ait l’air si inerte et désenchantée». Un chose est sûre, cette année, pour ce qui est du dernier point, les commissaires d’Artifice semblent avoir bien reçu le message, et se sont visiblement fendus de toutes leurs ressources dans l’art de l’installation, au point de nous faire presque oublier qu’on se trouve dans une galerie.
Des séries de toiles sont accrochées au sommet des cimaises (Elizabeth McIntosh, Eric Glavin) et de petits objets se promènent sur le sol (Alexander Irving); les grandes installations allégoriques (Alfredo Abeijon) voisinent les toiles abstraites (Barry Allikas) et des découpes de sapins en bois (Paul Litherland), le visiteur est accueilli par un cadavre en gélatine rouge, sur une table, pour aussitôt se retrouver les pieds dans la flaque qui se forme autour d’un autre cadavre, celui-là vert (Luc Vassort). Seul, points faibles à cet accrochage: le cantonnement dans un coin de la photo (Ivan Binet, Allan Edgar) et de la vidéo (Stacey Lancaster), ainsi que l’excessif cloisonnement d’espace pour un «slide-show» (Matthew Sloly).

Va pour l’effet d’ensemble, donc. Quant à la question du thème, Artifice n’a simplement jamais eu de prétention thématique. On ne peut donc les en blâmer. En revanche, Artifice repose sur un principe: établir un rapport spontané et décontracté avec le public; et se proclame donc «une infiltration du paysage urbain». C’est là le cour de l’événement, et c’est exactement ce qui manque à ce second volet, ce contexte public qui d’ailleurs fait de l’absence de thème quelque chose de festif et de souhaitable. Ici, retranché dans la galerie du Centre Saydie-Bronfman, ce «parti pris» éclectique tombe à plat. Les pièces, bien qu’intéressantes et habilement présentées, s’annulent les unes les autres, dans un désordre tout de même sympathique. Mais fallait-il vraiment monter ce second volet? On en doute.

Cela dit, il y a une autre dimension à Artifice 98, et c’est la «confrontation» – ou encore le dialogue, ou l’échange, selon la perspective – du Québec et de l’Ontario. C’est-à-dire, pour l’essentiel, de Montréal et de Toronto. Et, à ce compte-là, ce second volet confirme les spécificités locales que le premier avait déjà mises en lumière. Toronto est visiblement plus branchée sur les beats urbains, notamment le techno, omniprésent. Par comparaison, Montréal semble subir plus fortement le poids de l’histoire et de la théorie. A preuve, sa fixation avec la peinture abstraite (Allikas, Blatherwick, Ruschiensky) ou son goût nouveau pour ce qu’on pourrait appeler une esthétique hygiéniste, ou mécano-hygiéniste, sous laquelle on retrouve différentes démarches néoconceptualistes (Michel De Broin, Massimo Guerrera, Luc Vassort – on aurait pu ajouter Rafaëlle De Groot, Carl Trahan ou encore Jean-Pierre Gauthier).
Artifice, volet II
Galerie du Centre Saydie-Bronfman
jusqu’au 23 août

Michel Goulet et Stimuli
La maison de la culture Frontenac présente actuellement deux expositions qui valent le détour. La première contient quatre pièces du sculpteur Michel Goulet, appartenant à des corpus d’ouvres récents qu’on a pu voir plus en détail lors de son exposition de l’an passé au CIAC. Dans l’autre salle, l’exposition Stimuli réunit sept artistes – David Altmejd, Karilee Fuglem, Diane Landry, Antoliano Nieto, Réal Patry, Michel Sévigny, Florent Veilleux – qui ont en commun de produire des ouvres mécaniquement animées, dont certaines «interactives». Tout cela est d’un intérêt inégal, évidemment. Mais quel sympathique délire que celui de Florent Veilleux! Son installation, Le Jardin des six mains – L’urgence d’aller nulle part, est un véritable monument dans l’art du patentage.
Maison de la culture Frontenac
jusqu’au 28 août
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L’automatisme en mouvement
Une autre publication autour de Refus global et des automatistes… Mais une bonne, tout de même! La revue Études françaises, que publient les Presses de l’Université de Montréal, consacre sa dernière livraison, une brique de près de trois cents pages, au mouvement automatiste, qu’elle aborde d’un point de vue critique plutôt que commémoratif. Sous la direction de Gilles Lapointe et de Ginette Michaud, les essais, une dizaine au total, ainsi que les documents inédits regroupés en fin de volume, ont pour but d’ajouter à la compéhension de certains aspects du mouvement: les relations de Borduas et de Breton, la photographie, la dimension féminine au sein de l’automatisme. On appréciera tout particulièrement l’essai de Brigitte Deschamps sur l’importance de la commémoration dans la constitution de Refus global en texte fondateur de la culture québécoise. Dommage seulement que l’analyse s’arrête à 1988 et ne se rende pas jusqu’à aujourd’hui. Il y aurait tout un chapitre à ajouter.
Revue Études françaises, 34-2/3