Arts visuels

Loin d’ici : Tout finit par un bec

Audiovisuel, matériaux manipulables, concepts amusants. Loin d’ici, une expo proposée par un collectif de France, fait dans le généreux-sérieux.

D’emblée, en parcourant les installations que présente le collectif Groupe Art Seine Tri-D – un groupe de cinq artistes de la région de Rouen en Haute-Normandie-, dans la grande galerie de l’Oil de poisson, on est plutôt réjoui à l’idée d’avoir accès à la création française, à ce qui se fait de plus actuel outre-Atlantique, l’occasion étant rare. Du coup, on en oublie un peu notre sens critique, d’autant qu’on a chez nous le réflexe (et la réputation) d’avoir l’accueil plus que chaleureux. Mais voilà que, après ce tour de piste des travaux, effectué avec une bonhomie réservée à la «grande visite», on se trouve un peu embarrassé. Non pas que ces ouvres réunies sous le label Loin d’ici manquent d’intérêt. Au contraire, il fait bon d’avoir enfin de la chair autour de l’os, car il y a dans cet ensemble une profusion d’éléments et de matériaux qui nous change un peu, beaucoup de la petite chaise au beau milieu de la vaste salle vide et sur laquelle trône un minuscule caillou! Ici, il y a suffisamment de matière pour s’amuser longtemps. En fait, il est là le noud: il n’est pas tout à fait question de s’amuser. Bien que nos cousins fassent preuve d’une belle générosité, il émane de la plupart des assemblages une certaine austérité, une sensibilité toute cérébrale.

Pourtant, l’idée de présenter dans des cahiers de voyage une série de villes normandes dont les noms finissent en «bec» (Chroniques en Bec d’Alain Silly), par exemple, laissait prévoir des moments amusants. Or, l’ouvre fait plutôt dans le sérieux ou à tout le moins communique mal l’aspect cocasse et sympathique de la chose. Idem pour Secours. Entrée 1998; Numéro d’inventaire: 1037 de Guy Lemonnier, avec ses prélèvements, échantillonnages et équipements scientifiques, ou encore Un voyage de Jacques Asserin, constituant un immense cube métallique truffé de troncs de pin et d’images vidéo de forêts françaises. Alors que le concept évoque, dans le premier cas, un monde utopique intéressant, un peu fou, et dans le second, un univers poétique, l’ouvre ne paraît en n’être qu’une froide et raisonnable réalisation.

Loin d’ici, en faisant largesse et en explorant l’interactivité (le visiteur peut manipuler les installations neuf fois sur dix), mérite certes le détour. A condition de savoir s’amuser à prendre l’art au sérieux!

Jusqu’au 29 septembre
A l’Oil de poisson
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