Arts visuels

Françoise Sullivan : En pièces détachées

En attendant la grande rétrospective pour faire le point sur le travail de FRANÇOISE SULLIVAN, la galerie Lilian Rodriguez a monté une intéressante petite exposition sur l’artiste. Survol d’une ouvre tendue entre le mouvement de l’époque et les obsessions intimes.

Peu d’artistes peuvent se vanter d’avoir signé le manifeste Refus global et, cinquante ans plus tard, de produire une ouvre qui a encore la faveur des éléments les plus branchés du milieu de l’art contemporain. Cet exploit, Françoise Sullivan l’accomplit. «L’expérimentation et l’écoute de son temps seront toujours des valeurs importantes pour moi», confiait-elle en entrevue, en 1993, lors de l’exposition que consacrait le Musée du Québec à ses cycles picturaux. Dans le même souffle, elle avouait sa vulnérabilité aux tensions de son époque.

A défaut d’une grande rétrospective – la dernière remonte à 1981 – le public peut revoir en accéléré, à la galerie Lilian Rodriguez, certaines des phases du parcours de Sullivan depuis 1968. Typique de la plasticomanie et du géométrisme de l’époque, la pièce la plus ancienne est une spirale en plastique transparent, nonchalamment déposée sur le sol. Suivent, en remontant le temps, deux séquences photographiques de performances réalisées lors d’un long séjour en Grèce. Dans Oya (1978), l’artiste bloque pierre à pierre une vieille fenêtre. Dans Ombra (1977), Sullivan, qui fut également danseuse et chorégraphe, exécute quelques pas de danse stylisés au milieu des ruines d’un amphithéâtre.

Tirées de séries plus connues, les autres ouvres -un Tondo (1980), une pièce des Cycles crétois (1985), quelques monochromes rouges tout récents – illustrent également cette étonnante capacité de renouvellement de Sullivan. Et en même temps, sous toutes les métamorphoses de son ouvre, sa constance. La Grèce antique, par exemple, y est omniprésente, au point que l’on se met à chercher dans la spirale quelque forme rituelle, voire une sangle de sandale. La rugosité, le parti pris du dépouillement, qui l’amène à peindre rouge sur rouge, sans concession. L’obsession des murs et des trouées, la fenêtre que l’on bouche, la toile percée du Tondo 6, les coups de pinceau déposés en une maçonnerie monochrome.

Jusqu’au 26 septembre
Galerie Lilian Rodriguez

Regards croisés
Il était temps! L’Université de Montréal vient enfin de se doter d’un centre d’exposition digne de ce nom et digne de la grande institution qu’elle est. On s’étonne, du reste, qu’elle ait attendu si longtemps avant de se conformer à une tradition pourtant partagée par la très grande majorité des campus canadiens et nord-américains. Un centre d’exposition, dans une université, ce n’est pas une coquetterie. C’est une nécessité, le lieu des démonstrations pédagogiques et historiques, et le lieu des expériences, le laboratoire des futurs muséologues, historiens de l’art, et autres artistes qu’on y forme.

Pour son ouverture, le Centre d’exposition, situé dans la nouvelle aile du Pavillon de l’aménagement, signée Saucier et Perrotte, a choisi de jumeler ces deux réalités, en proposant de croiser certains des éléments tirés de ses onze collections distinctes à onze des artistes qui y travaillent.

Le résultat: peut-être pas spectaculaire, mais définitivement intéressant. Raymond Gervais, le mélomane et l’artiste d’installations, s’est approprié des disques ainsi qu’un exotique instrument de musique. Luc Courchesne, le maître de l’installation interactive, a composé une… installation interactive, en intégrant des chaises de la collection de design. Guy Pellerin s’est livré à un jeu chromatique à partir de la palette du bâtiment lui-même.

Si tout cela est intéressant, c’est aussi que les collections de l’UdeM, bien que relativement modestes, couvrent des aspects très différents du savoir, de la botanique à l’entomologie, en passant par l’art lui-même. Et que les artistes qui y travaillent sont également d’allégeances fort différentes. Aux côtés des artistes-artistes que sont Peter Krausz, Barbara Steinman, Serge Tousignant, Suzanne Vachon, Jacek Jarnuszkiewicz, Angela Grauerholz, Monique Mongeau, il y a les autres, qui travaillent aux confins de différentes disciplines: Courchesne (design et informatique), Melvin Charney (architecture), Alain Laframboise (histoire de l’art).

Confiée par la coordonnatrice du Centre, Andrée Lemieux, à Yolande Racine et Gaston Saint-Pierre, l’exposition Regards croisés s’inscrit fort à propos, plus globalement, dans cette obsession de la création contemporaine pour l’archive, que ce soit le classement du passé ou les formalités du savoir. Cela dit, le Centre d’exposition de l’Université de Montréal ne se consacrera pas exclusivement à l’art contemporain, mais visera, de manière plus large, à «sensibiliser la population à la contribution des savoirs universitaires à la dynamisation et au développement du patrimoine collectif».

Jusqu’au 27 septembre
Centre d’exposition de l’Université de Montréal
Internet: http://www.expo.umontreal.ca/

Temps composés
Avocat engagé dans le milieu artistique et culturel, très impliqué dans le monde de l’art contemporain, Maurice Forget collectionne des ouvres d’art depuis la fin des années 70.

En décembre 95, il concluait une entente avec le Musée d’art de Joliette pour lui céder sa collection personnelle – soit près de 400 ouvres modernes et contemporaines, dont un grand nombre signées par des artistes québécois, de Guido Molinari à Geneviève Cadieux, en passant par Pierre Ayot, Raymonde April, Sylvain Cousineau et Betty Goodwin. Il ne reste que quelques jours pour vous rendre à Joliette et profiter de l’exposition Temps composés, qui regroupe une centaine d’ouvres tirées de la donation Maurice Forget. Un catalogue est également disponible avec des essais de France Gascon, Christine Lasalle, et notre critique Stéphane Aquin. Jusqu’au 27 septembre. Du mardi au dimanche. Information: 1-(450)-756-0311. (Luc Boulanger)