La Transcendance des taches : Coup de fougue
Faire de la peinture est pour certains une nécessité, un besoin inébranlable de créer et de travailler la matière. Il en est ainsi pour JEAN GAUDREAU. Peindre malgré tout.
Artiste dans le début de la trentaine, Jean Gaudreau a une quinzaine d’années de pratique de la peinture derrière lui. Il est sans contredit une figure singulière du monde de l’art visuel québécois. D’abord, parce qu’il a beaucoup de cran et d’audace. Aussi et surtout, parce qu’il vit de sa peinture, ce qui est en soi assez exceptionnel. Il a su s’entourer de mécènes, de collectionneurs et d’amateurs d’art. Ses ouvres sillonnent les galeries de Vancouver, Toronto, Montréal et New York. Il vit de son art, mais il faut s’entendre. Il a choisi un type de vie précaire et modeste, comme beaucoup d’autres créateurs. Jean Gaudreau définit sa peinture comme étant intuitive. Son approche privilégie l’émotion, la subjectivité, voire même l’expression de l’«inconscient». Il s’inspire aussi de la danse et du mouvement; sa peinture est en conséquence très gestuelle. Depuis 1995, il a produit plusieurs événements alliant peinture et danse en collaboration avec Christiane Bélanger. Ses ouvres récentes sont présentées dans le petit espace de la Galerie du Trait-Carré de Charlesbourg. La quinzaine de tableaux mériterait sûrement de plus grandes cimaises. Mais le métier et la maîtrise technique sont au rendez-vous. Les tableaux sont construits à partir de l’impression initiale de taches noires autour desquelles s’articulent, au gré des gestes, des couleurs acryliques, pastel et dorées, du crayon et du jet «blush». On devine des formes humanoïdes dans les tableaux rectangulaires et des formes plus abstraites dans les surfaces carrées. Des critiques ont dit de la peinture de Jean Gaudreau qu’elle était éclatée, presque sauvage, résultat de sa fougue particulière. Toutefois, ses ouvres récentes nous semblent beaucoup plus sages. Jean Gaudreau dira que son énergie est plus canalisée, et c’est probablement juste.
Déjà dans les années 50, les automatistes québécois valorisaient le geste libre, en explorant le hasard, la couleur et la peinture pour elle-même. C’était plutôt subversif à ce moment-là. Mais quelle est aujourd’hui l’apport d’une peinture qui se veut gestuelle, libre et intuitive? Comment approcher cette peinture cinquante ans après Le Refus Global? N’a-t-elle pas intégré l’horizon d’attente du public? Elle demeure, en tout cas, l’occasion de rappeler à quel point les peintres du passé ont repoussé les limites de la peinture.
Jusqu’au 22 novembre
A la Galerie du Trait-Carré