Monet à Giverny : Maison et jardin
La voici enfin, cette exposition Monet à Giverny: chefs-d’ouvre du Musée Marmottan, annoncée depuis quelques mois avec un important renfort publicitaire. Pour douze dollars le spectateur pourra voir, dans trois salles, vingt-deux tableaux en provenance de la collection du célèbre musée parisien. Plus de quarante mille billets ont déjà été achetés en prévente! Comme prévu, il y aura donc du monde à la messe. L’image n’est pas gratuite: il s’agit pratiquement d’un rite religieux, reliques comprises (on a même droit à la dernière palette et aux lunettes du peintre presque aveugle à la fin de sa vie), autour du légendaire artiste peintre.
On est en droit de se questionner (du point de vue de l’amateur autant que de celui du spécialiste), sur la pertinence d’une telle exposition. Avec Monet, le MBAM ne prend pas un grand risque. Qui de nos jours n’a pas chez soi une reproduction d’un tableau impressionniste accrochée dans son salon, dans sa chambre à coucher, ou même dans sa salle de bain?
Le MBAM n’est pas la seule institution à présenter, ces jours-ci, le travail des dernières années du maître. A la Royal Academy of Arts, à Londres, se tient aussi une exposition (un peu plus importante) sur Monet au XXe siècle. De telles relectures sont une nécessité. Mais ces expositions nous présentent-elles, comme le dit le communiqué de presse, les ouvres «les plus intéressantes et les plus novatrices du peintre»? Pas vraiment.
Certes, certains tableaux sont surprenants. Dans la seconde salle (sans aucun doute, la plus intéressante), on peut voir différentes versions du Pont japonais et de L’Allée de rosiers qui sont effectivement bien modernes. Saule pleureur est aussi une ouvre forte. Mais d’autres peintures présentées sont vraiment médiocres. Les Hémérocalles, Les Iris, Les Iris jaunes et mauves sont d’une qualité picturale inférieure. Dans une exposition de plus grande envergure, elles auraient pu servir à documenter le reste de l’ouvre. On est loin des chefs-d’ouvre annoncés par le titre de l’exposition…
Et que viennent faire ici les photos de Gabor Szilasi? Ces clichés, par ailleurs intéressants, n’ajoutent à la relecture de l’ouvre. Doit-on comparer les tableaux de Monet à la réalité de son jardin? Ou, au contraire, doit-on voir la part de création présente dans tout tableau même lorsque le peintre se réfère à un paysage bien concret?
Étrangement, la peinture impressionniste est devenue au fil des ans (ces photos le confirment), pour certains historiens de l’art et pour un certain public, un des derniers refuges en art du réalisme (d’une peinture captant la vie, le temps qui passe et les effets éphémères de lumière). Le fait que certains tableaux soient présentés comme annonçant l’abstraction ne renie pas nécessairement un tel conservatisme. Presque tout dans cette exposition est fait pour rassurer le public et réitérer le cliché que l’art est bien une imitation de la nature. Les outils de jardin et le vin Cuvée Monet, vendus à la fin de l’exposition, renvoient à cette logique de complicité entre l’art et la nature.
Au siècle dernier, déjà, Oscar Wilde disait que les impressionnistes ont appris aux gens à voir la beauté des effets lumineux de la nature. Ces peintres auraient même été jusqu’à inventer le brouillard! Pourtant, depuis quelques années, les musées exposent les impressionnistes jusqu’à l’indigestion, laissant croire que l’art imite la nature. Qu’y faire? Ces institutions répondent à une demande, car l’impressionnisme fait partie de la culture du bon goût bourgeois citadin. Ce qui lui a fait perdre sa force critique pour en faire uniquement un art décoratif cucul. Les murs d’un mauve pastel sur lesquels on a accroché les ouvres dans le musée en sont le signe le plus criant. Toute la présentation qui entoure les toiles de Monet frôle beaucoup trop la culture de salon.
Jusqu’au 9 mai
Au Musée des beaux-arts