Laboratoire sous l'antre de la chambre stérile : Science tenante
Arts visuels

Laboratoire sous l’antre de la chambre stérile : Science tenante

Cabinet de curiosités, laboratoire ou repère d’une alchimiste, l’espace de la Chambre blanche s’est transformé depuis quelques semaines. Il s’y déroule des expériences où se confondent l’art et la science.

Depuis 1995, l’artiste de l’Outaouais Annie Thibault a intégré à ses installations différentes cultures d’algues et de champignons en éprouvette. Pour sa résidence à la Chambre blanche, ce sont des cultures fongiques, des moisissures et des levures, qui composent son installation. Ces cultures colorées, orange, rouges, jaunes attirent et répugnent à la fois: «Tout le monde me demande si c’est dangereux! Non, ce n’est pas pathogène!», répond-elle. On peut donc, en toute quiétude, découvrir cet univers à la fois scientifique et poétique où se rencontrent le biologique et l’art. Annie Thibault précise: «Je n’ai pas une attitude scientifique. L’intuition s’infiltre et vient contaminer l’expérience pour l’amener ailleurs.» Elle a d’abord fait un travail de laboratoire à l’Université Laval, en introduisant des cultures fongiques vivantes sur des surfaces de gélose (sorte de gélatine) dans des contenants de plastique circulaires (pétris). Une bande vidéo, présentée à la galerie, montre d’ailleurs très bien cette partie du travail en laboratoire. Un travail qui fascine et inspire Annie Thibault.

Ces dizaines de pétris, provenant des laboratoires de bio, sont maintenant fixés au mur ou déposés sur des tables dans l’espace de la galerie et constituent des dessins vivants. On peut aussi en voir certains sur vidéo. De ces cultures en transformation émergent des formes, des figures, dont l’état demeure transitoire et l’existence éphémère. Si ce travail résulte de procédés scientifiques, il en détourne toutefois la finalité. Et cela, tant à l’égard de la technique d’introduction des levures dans les géloses que dans la taxinomie _ classification des éléments d’un même domaine _ que l’artiste propose. «J’ai toujours dessiné en série. Je me suis rendu compte que je faisais une sorte de taxinomie, de classification avec mes dessins. En manipulant ces cultures fongiques dans l’espace, c’est aussi un classement que j’effectue.» Le classement, fondé sur les couleurs et les formes, s’avère aussi un prétexte à d’autres constructions: celles qui envahissent la galerie. «Le mur pousse!», lance Annie Thibault. À l’instar du processus par lequel évoluent les cultures fongiques dans chaque contenant, l’installation prend forme dans l’espace. L’analogie entre le processus de la vie et celui de la création est déterminante dans le travail d’Annie Thibault: «Le médium a un sens, c’est un langage, une matrice de départ.» Semblable à ces alchimistes et à certains naturalistes du Moyen Âge, elle fait toutes sortes d’analogies entre le développement de ses cultures et les origines de la vie, voyant des paysages dans les traits formés par la culture de levure, la configuration d’un astre dans les formes des moisissures. Des analogies référant à toutes sortes d’histoires, de légendes, de théories, abandonnées par la plupart des scientifiques depuis au moins deux siècles, mais dans lesquelles les poètes peuvent toujours puiser.

Jusqu’au 9 mai

À la Chambre blanche
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Bloc-notes
Depuis plus d’une dizaine d’années, Folie/Culture organise des événements culturels sur des thèmes rattachés à la santé mentale. Au cours des dernières saisons, cet organisme a initié des projets en collaboration avec des regroupements d’artistes qui nous faisaient réfléchir sur des sujets tels que l’itinérance, l’isolement ou l’instabilité. Le projet d’exposition La poussière recouvre la raison a été réalisé de concert avec les structures d’aide en santé mentale de la ville de Québec, qui offrent des ateliers d’art-thérapie. Céline Marcotte de Folie/Culture et Claudie Gagnon, artiste et commissaire d’exposition dans ce projet-ci , se sont chargées d’initier les contacts avec les artistes. Chacun des participants s’est vu remettre un petit sac de papier Kraft contenant des chiffres et des lettres en plâtre blanc. Dès lors, ils étaient libres d’utiliser ce matériel comme bon leur semblait. La réponse fut extrêmement enthousiaste et ce sont plus de quarante ouvres qui sont présentées à l’Espace b.a. D’autres projets pour Folie/Culture? «À l’automne, il y aura un événement sur les électrochocs…», me révèle Céline Marcotte. À surveiller donc. La poussière recouvre la raison, Espace b.a. jusqu’au 9 mai.

Lampiste
Tout comme l’Espace b.a, la galerie Rouje fait partie de ces petits lieux de diffusion qui surgissent indépendamment des réseaux officiels. Vous pourrez y voir la récente production de lampes-sculptures de Bruno Gérard. Dans ses créations, Bruno Gérard intègre des objets récupérés, les présentant sous un autre aspect et leur redonnant vie. Galerie Rouje jusqu’au 9 mai.