Alain Francour et Estelle Clareton : Pouvoir sacré
Pour clore sa saison 98-99, Tangente a demandé aux chorégraphes ESTELLE CLARETON et ALAIN FRANCOUR de signer deux pièces proches de la danse-théâtre.
Les chorégraphes Alain Francour et Estelle Clareton partagent le même goût pour le théâtre et le mouvement «qui parle». Invités au dernier programme de la saison de Tangente, chacun signe une création éloignée de son répertoire habituel. De la danse-théâtre revisitée.
D’abord, Alain Francour livre un duo, Bêtes de foire, mettant en scène les danseurs Peter James et Lina Cruiz. Comme pour Les Mâles, sa précédente pièce, Francour porte un regard aigre-doux sur les rapports humains en questionnant le sort de l’Homme. «Cette volonté de poser des questions et de prendre position me vient sans doute de mon expérience en théâtre», dit-il.
La danse est apparue à pas feutrés dans sa vie. Pendant ses études en art dramatique, vers le milieu des années 80, il découvre la beauté du mouvement à travers l’enseignement de Jean-Pierre Perreault et de Gilles Maheu. Plus tard, il entreprend un stage à la dure au sein d’O Vertigo. Malgré sa quasi-absence de formation technique, il persévère et devient interprète ou assistant metteur en scène chez Carbone 14, Brouhaha danse et Pierre-Paul Savoie Danse. C’est en travaillant au sein de ces compagnies expérimentales que l’envie de communiquer son propre langage se fera ressentir. Pas étonnant que sa danse se révèle aujourd’hui organique. «Certains disent que je suis un metteur en scène du corps et pas un chorégraphe. Ça ne me dérange pas qu’on dise ça. L’important, pour moi, c’est que le corps parle.»
Les danseurs ont le beau rôle avec lui. «Je leur propose des idées, et ils m’en suggèrent d’autres en retour. On moule la chorégraphie ensemble.» À l’origine, Peter James partageait la scène avec Sophie Corriveau, qui s’est retirée du projet. L’excellente Lina Cruiz lui succède. Alain Francour n’en revient pas de sa chance de travailler avec des interprètes de ce calibre. «Ce sont des danseurs matures tant au plan personnel que professionnel», dit-il.
S’il reconnaît en Gilles Maheu son père spirituel, Alain Francour a su rapidement imposer une écriture personnelle. Sa première création, Les Mâles, en était la preuve vivante. «Ma danse est très minimaliste. Elle a quelque chose de profondément humain, de sensible.» Ce touche-à-tout, qui vient de réaliser un vidéo d’art, trouve son compte à flirter avec différents médiums. «Cette diversité joue en ma faveur: je sais, par exemple, comment utiliser l’espace ou pousser plus loin l’interprétation.»
Estelle Clareton
Depuis son départ d’O Vertigo, où elle fut interprète pendant sept ans, Estelle Clareton réalise de passionnants projets. Elle a dansé notamment pour José Navas et, ces jours-ci, avec Paula de Vasconcelos et Wajdi Mouawad, dans deux spectacles présentés au Festival de théâtre des Amériques. Malgré tout, c’est le travail de chorégraphie qui l’allume le plus. Et pour cause: «Je suis fatiguée d’être sur scène. Mais il n’y a pas que cela: je veux me concentrer sur ma propre danse.»
Le travail ne manque pas: l’Orchestre métropolitain et Montréal Danse lui ont commandé chacun une pièce pour la prochaine année. «Ces derniers mois, je me suis posé la question de mon avenir. Et j’ai décidé de faire ce qui me faisait le plus peur: la chorégraphie», raconte-t-elle en riant.
Jusqu’à présent, Estelle Clareton avait l’habitude de danser ses propres ouvres. Comme bien des chorégraphes, elle ressent aujourd’hui le besoin de coiffer un seul chapeau. Son dernier solo traite de la dualité entre la raison et l’action. La chorégraphe a créé pour la danseuse Anne-Marie Boisvert une gestuelle s’inspirant du ballet (sa formation première), et de ses nombreuses blessures physiques. Le principal changement se situe toutefois ailleurs: cette grande amoureuse du verbe ne fera pas réciter un seul mot de tout le déroulement de sa pièce. «Dans mes créations précédentes, je cherchais à camoufler les faiblesses chorégraphiques par l’usage de la parole. Dans celle-ci, je m’attarde à la forme.»
Estelle Clareton juge sa gestuelle rythmique, précise, à la fois imagée et poétique. Y note-t-on les traces des styles de Ginette Laurin ou de José Navas, par exemple? «Si j’ai été interprète pour ces chorégraphes, c’est que leur travail me ressemble, explique-t-elle. Mais j’essaie de me détacher d’eux en ne gardant que le pouvoir du geste.»
Du 27 mai au 5 juin
À Tangente
Patricia Perez
Quand on est danseuse, comédienne, gymnaste, chanteuse et musicienne, il est difficile pour une chorégraphe de limiter son travail au mouvement seulement. Patricia Perez, que l’on a vue tant au théâtre qu’au cinéma et qu’en danse, interprète, ce week-end, à Tangente, une nouvelle création reflétant ses divers talents: Anaconda. À ses côtés: Louise Lavoie et Alejandro Venegas. Dépaysement assuré.
Du 20 au 23 mai
À Tangente
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