Expositions d’urbanisme et d’architecture : Dans la jungle des villes
À travers l’histoire de l’urbanisme et de l’architecture des villes, on apprend beaucoup sur les citadins qui peuplent nos cités modernes. Deux expositions se penchent sur ce thème.
Au Musée Pointe-à-Callière, on retrace l’histoire des différents moyens mis en place pour relier l’île de Montréal aux rives environnantes et au Québec. Voilà une bien belle idée d’exposition. Dans la construction de tous ces traversiers, ponts (routiers et ferroviaires), tunnel et même métro souterrain et sous-fluvial, il y a quelque chose de grandiose et même d’un peu héroïque qui a de quoi en impressionner, avec raison, plus d’un.
Dans ces ouvrages monumentaux se lit presque une épopée ouvrière. Il y a quelque chose de troublant à voir ces photos d’hommes ayant travaillé plusieurs mois à des dizaines de mètres de hauteur, ou bien sous terre, ou encore dans des caissons servant de piliers dans les eaux profondes du fleuve Saint-Laurent. Les divers documents de l’exposition énoncent aussi l’exploitation sociale imposée par la société industrielle au nom de la rentabilité économique. On apprend, par exemple, comment des enfants de 9 à 15 ans ont participé à l’édification, entre 1855 et 1860, du pont Victoria (à l’époque considéré comme la huitième merveille du monde!). Dans ces travaux qui méritent en effet une grande attention s’allient le génie civil, une certaine esthétique moderne, ainsi que des enjeux politiques. Qui se souvient du Montreal Harbour Bridge bâti à la fin des années 20? Rebaptisé en juin 1934 par Georges Pelletier, directeur du Devoir, il nous est pourtant très familier: c’est le pont Jacques-Cartier.
Un bien intéressant film réalisé en 1967 par le Service d’urbanisme de la Ville de Montréal nous fera sourire. On y prévoyait sept millions d’habitants à Montréal en l’an 2000: «Ils rêveront d’avoir une seconde automobile» et «chacun pourra consacrer plus de temps à ses loisirs».
Malheureusement, cette exposition, qui fourmille de ce type d’informations, déçoit. La présentation fait preuve d’un didactisme un peu vieillot. Les diaporamas sont frustrants, rendant le spectateur captif du déroulement mécanique des projecteurs. On regrette que sur les murs ne figurent pas de photographies d’époque, que l’on puisse consulter à son propre rythme, selon ses intérêts. Un certain fouillis et un manque de hiérarchie entre les documents importants et les éléments de décor (comme des séries de casques de construction) sont aussi bien embêtants. Bien sûr, il faut aussi capter l’intérêt du jeune public. Néanmoins, on comprend mal pourquoi les images des ponts sur les panneaux explicatifs sont à ce point minuscules. Alors que le sujet demandait une certaine dimension et même de la démesure, on est surpris par le manque d’envergure de la présentation, qui ne s’explique pas seulement par le peu de place dans les locaux consacrés aux expositions temporaires. Dommage. Profitez-en pour monter au belvédère du Musée, vous y verrez d’une manière plus impressionnante les différents ponts de Montréal.
Heureusement, un excellent catalogue, document essentiel pour toute personne qui s’intéresse à l’histoire de notre ville, est disponible. Cette publication est extrêmement bien documentée grâce à une importante recherche effectuée par Pierre Wilson. Autant l’exposition déçoit, autant ce livre passionne.
Jusqu’au 22 août
Au Musée d’archéologie et d’histoire Pointe-à-Callière
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La Catalogne à l’honneur
En 1992, Béatrice Sokoloff, professeure à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal, voit, à Barcelone, une exposition qui la fascine. Elle mettra beaucoup d’énergie et de temps afin de la présenter de ce côté-ci de l’Atlantique. C’est donc grâce à sa persévérance que l’on peut voir actuellement à Montréal, en première nord-américaine, Cerdà, ville et territoire.
Le nom de Cerdà ne vous dit peut-être pas grand-chose. Pourtant, aux côtés d’Haussmann ou de Le Corbusier, ce Catalan est un pionnier de l’urbanisme. Au XIXe siècle, il rédigea d’ailleurs le premier traité d’urbanisme de l’époque moderne en tenant compte de la croissance démographique et industrielle, qui était phénoménale à son époque. Il fut l’un des premiers à revendiquer la salubrité des habitations de tous les citoyens de la ville industrielle. On lui doit en particulier le visage actuel et si caractéristique de Barcelone avec ses bâtiments regroupés en îlots carrés, aux coins coupés pour faciliter la circulation des piétons dans les rues.
Bien que certains panneaux explicatifs n’aient pas été traduits de l’espagnol, il s’agit d’une exposition des plus intéressantes avec toute une série de maquettes, de plans et même un cédérom pour en faciliter le parcours. On peut voir comment, confronée à un problème de densité de population, qui à Barcelone au XIXe siècle dépassait celui existant à Paris et à Londres, Cerdà élabora un plan d’ensemble pour la ville avec une vision sociale. La grille (presque un all-over urbanistique et démocratique) sur laquelle Barcelone s’est construite se voulait un signe d’une cité égalitaire où chacun des îlots d’habitations devait avoir un espace vert.
Pour en apprendre un peu plus, on aura la possibilité, le 10 juin (à 18 h), d’entendre, à l’auditorium de la Faculté d’aménagement, Albert Serratosa, commissaire de cette exposition qui parlera de l’«Actualité de l’urbanisme de Cerdà en cette fin du XXe siècle».y
Jusqu’au 13 juin
Au Centre d’exposition de l’Université de Montréal