Sullivan/Ferron, Mouvement parallèle : Parc d’abstraction
L’exposition d’une cinquantaine de tableaux de MARCELLE FERRON et de FRANÇOISE SULLIVAN se poursuit au Domaine Cataraqui encore quelques semaines. Lors de son passage à Québec, Françoise Sullivan nous a fait part de ses réflexions sur l’art. À la défense de la peinture.
On peut difficilement dissocier Marcelle Ferron et Françoise Sullivan de Refus global, qu’elles ont signé en 1948 avec cinq autres femmes. Mais depuis ce temps, elles ont toutes deux poursuivi leur ouvre respective avec une détermination et une force créatrice peu communes. Aujourd’hui, à 73 ans, toujours magnifique et rêveuse, Françoise Sullivan demeure insoumise et rebelle. Depuis les années 40, elle a exploré la peinture, la danse – qu’elle pratique d’ailleurs encore aujourd’hui -, la sculpture, puis l’art conceptuel par le biais de la photographie, pour revenir en force à la peinture au début des années 80. Les tableaux qu’on peut voir actuellement au Domaine Cataraqui révèlent à quel point cette artiste se renouvelle constamment.
Lors de son passage à Québec, Françoise Sullivan était sereine et intense, comme le sont ses ouvres récentes: des monochromes rouges, bleus et d’autres jaunes. Il fallait avoir toute son expérience et sa candeur pour réaliser des monochromes aussi vibrants et étonnamment nouveaux. «J’ai commencé par faire des séries de grands pastels. Puis, au fur et à mesure, je les dépouillais. À la fin, il ne restait que le "faire".» La peinture est une pratique et une recherche à laquelle elle tient avec vigueur. Elle s’exclame, ironique et rieuse, mais catégorique: «J’ai cette passion en ce moment de défendre la peinture, envers et contre tous!» Manifestement, rien n’est jamais acquis. En effet, la peinture n’a pas eu, pendant les dernières décennies, le rayonnement souhaité par les artistes qui la pratiquent. Toutefois, Françoise Sullivan pressent un nouvel intérêt chez les jeunes artistes pour cet art. Son enseignement à l’Université Concordia lui permet de poursuivre un dialogue avec les jeunes générations: «Mes étudiants se demandent si on peut encore faire de la peinture de nos jours. Je les encourage. Je crois que l’apprentissage de la peinture passe aussi par l’apprentissage de l’abstraction.» En effet, la peinture abstraite demande aussi un apprentissage. Pour le néophyte, elle peut sembler facile et ne demander aucun effort, voire aucun savoir-faire. Il n’en est évidemment rien. En fait, la peinture requiert une sensibilité et une grande attention aux couleurs, aux formes, à chaque mouvement de la matière. Comme le dit si bien Françoise Sullivan: «La peinture, c’est une pratique qui parle, qui est énigmatique, qui creuse dans le chaos du monde, dans ce qui n’est pas articulé.» Les tableaux récents de Françoise Sullivan, ses grandes surfaces monochromes aux mouvements subtils sont la preuve que la peinture demeure un lieu d’exploration possible et un art toujours vivant.
Sullivan/Ferron, Mouvement parallèle rend hommage à l’apport de ces deux artistes dans l’art du Québec. Pour en savoir davantage sur elles, un collectif dirigé par Francine Couture a publié chez VLB éditeurs Les Arts au Québec dans les années 60. On y analyse notamment l’art post-automatiste des femmes artistes du Québec. Sur la place des femmes dans le mouvement automatiste, voir l’ouvrage de Patricia Smart, intitulé Les Femmes du Refus global, paru chez Boréal en 1998. Biographique et très documenté, ce livre trace un portrait de chaque femme signataire, des rapports entre leur vie de femme et celle d’artiste.
Jusqu’au 13 juin
Domaine Cataraqui
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