Carlo Scarpa : Le nouvel observateur
Arts visuels

Carlo Scarpa : Le nouvel observateur

L’architecte CARLO SCARPA aimait faire le pont entre les temps anciens et modernes en réactualisant les codes de l’histoire de l’architecture. Le Centre canadien d’architecture lui rend hommage avec une exposition aussi sérieuse que soignée.

Ces jours-ci, le Centre canadien d’architecture présente, comme à son habitude, une exposition très soigneusement élaborée. Pour la période estivale, Mildred Friedman, conservatrice invitée, nous propose de découvrir Carlo Scarpa. C’est la première présentation importante en Amérique du Nord du travail de cet architecte italien décédé en 1978. C’est surprenant vue l’intelligence de ses interventions architecturales.
Il faut dire que Scarpa n’a pas eu la reconnaissance publique qu’il méritait. C’est certainement dû au fait qu’il n’appartenait pas aux grandes tendances architecturales de son époque. Il n’était ni pour le style international moderne, tourné vers le futur et prônant la table rase, ni pour un retour au classicisme ou à d’autres formes de passéisme nostalgique. Scarpa a développé un dialogue entre les temps anciens et modernes en réactualisant les codes de l’histoire de l’architecture. Il a su travailler intelligemment sur des sites anciens en portant attention aux différentes strates historiques des bâtiments concernés. Sa démarche est d’une grande actualité de nos jours, l’on réaménage de vieux édifices. Bien des architectes ont encore du mal à intervenir dans des constructions anciennes sans les défigurer.

Malgré la valeur indéniable du sujet et de la présentation, cette expo n’arrive cependant pas à nous éblouir autant que l’exceptionnelle La Pelouse en Amérique, l’été dernier, au CCA. Il s’agit avant tout d’une présentation pour spécialistes. Les 150 dessins et esquisses préparatoires ne sont pas facilement accessibles à tous. Heureusement, de très originales photos de Guido Guidi viennent donner vie à ce sérieux parcours architectural.
En complément à cette expo du CCA, il faut aller voir celle qui se tient au Musée des Arts décoratifs. Le travail de verrerie de Scarpa y est à l’honneur. Durant les années 20, 30 et 40 il apporta une regard contemporain à la tradition artisanale des ateliers de Cappelin et Venini à Murano. Certaines pièces présentées sont merveilleuses et représentent une recherche visuelle et technique tout à fait originale. Les textures, les couleurs et les formes sont toujours remarquables. On notera en particulier les vases fabriqués à l’aide d’une technique de corrosion en surface (grâce à l’application de sciure de bois imprégnée d’acide fluorhydrique). Décapant.

Jusqu’au 31 octobre
Centre Canadien d’Architecture
Jusqu’au 3 octobre
Musée des Arts décoratifs

Battre monnaie
Mathieu Beauséjour s’intéresse aux billets de banque. Qui peut l’en blâmer? Depuis quelques années, il utilise avec force l’argent comme médium artistique. En surimprimant les mots «virus de survie» sur une grande quantité de billets, il construit un lien troublant entre la transmission virale et la circulation de l’argent qui, en effet, à long terme, empoisonne bien souvent notre existence.

Au premier coup d’oeil, on pourrait croire que pour sa nouvelle exposition, à la galerie Clark, l’artiste délaisse ses préoccupations économiques. Qu’on se détrompe. Dans cette intéressante installation, le dollar canadien n’est pas loin. Comme un virus, il se cache. En fait, l’artiste nous plonge à l’intérieur d’un billet de banque, comme si celui-ci nous avait tout simplement avalés, phagocytés, pour mieux nous posséder. La galerie est occupée par un drapeau canadien, par un huard empaillé et par un mannequin évoquant Élisabeth II. Sur un mur deux grands panneaux aux proportions du billet servent de cadre à un texte répété en motif: «Ne travaillez jamais». On a de quoi se sentir un peu nargué par cette phrase. L’argent semble rire de nous. Placé à la banque, à la Bourse ou investi dans des multinationales, il rapporte beaucoup à ceux qui possèdent le capital, mais peu à ceux qui peinent au boulot. Dans ce contexte, le drapeau canadien reconstitué avec du tissu noir a un petit côté anarchique pas déplaisant. Mais dans cet esprit de contestation, sa production précédente semblait plus efficace.

Jusqu’au 20 juin, à la Galerie Clark.

Exposition canine
Ces jours-ci, on peut voir au Belgo l’exposition Vie de chien. La gent canine est décidément bien populaire. Bruce Weber inclut des labradors dans ses clichés de mode et Wegman (qu’on a pu voir au MAC) se sert uniquement de chiens comme modèles.

Certaines des photos présentées à la galerie Mistral sont bien drôles (frôlant parfois la satire). De plus, elles ont de grandes qualités plastiques. Carl Valiquet attire particulièrement notre attention. Il produit des images marquantes avec parfois un humour corrosif (on remarquera les fabuleuses Trois Grâces). George Zimbel (avec, entre autres, Dog & Kitten ou bien Looking Down at Spike) crée des compositions très fortes. Les images d’Allison Nowlin, qui jouent avec notre regard (on y cherche la présence d’un chien), sont fascinantes. Angela Capetta nous fait voir, en contre-plongée, le point de vue des animaux en proposant des images où les têtes des êtres humains sont hors champ. Jusqu’au 12 juin, à la Galerie Mistral.