Jean Dallaire : Coq à l’âme
[email protected] Photo : Jean Dallaire
L’exposition Dallaire du Musée du Québec propose un parcours chronologique qui nous mène des ouvres de jeunesse du peintre, né en 1916 à Hull, jusqu’à la fin de sa vie, en 1965, à Vence, en France. L’on est tout d’abord surpris par la grande maîtrise qu’avait l’artiste du médium peint à ses tout débuts. Déjà, à vingt et un ans, il réalisait des ouvres figuratives qui prouvaient un talent de représentation sans faille et desquelles ressortait une touche picturale personnelle. Très vite, le jeune peintre, qui se dit adepte de modernisme, ira perfectionner sa formation en Europe. Dans les années 30, à cette époque du renouveau des arts sacrés, il étudie quelques semaines aux fameux Ateliers d’art sacré de Saint-Germain-des-Prés, puis à l’Académie André Lhote de Montparnasse. Fait marquant pour les thématiques qu’abordera ensuite l’artiste: en Europe, lors de la Deuxième Guerre mondiale, il sera, à titre de sujet de Sa Majesté britannique, emprisonné de 1940 à 1944.
Or, le parcours de Jean Dallaire, à une époque où le terme n’existait pas encore, pourrait être qualifié de postmoderne, en ce que le peintre cite tout à fait explicitement les courants de son époque (le cubisme, le surréalisme, l’expressionnisme) sans y adhérer vraiment, s’en servant plutôt pour faire évoluer son art. Par exemple, Bagatelle ou Ferraille pour un doigt dans l’eau, réalisé en 1940, reprend de façon ostensible des éléments propres _ entre autres des formes molles _ aux ouvres de Salvador Dali. Certains thèmes interprétés de façon cubiste, comme ces séries de musiciens dont l’ouvre Nabu Codo Nosor (1950), rappellent sans équivoque des ouvres de Picasso, telles Les Saltimbanques, réalisée en 1921. À d’autres moments, comme à la fin des années 50, Dallaire pige quelques éléments stylistiques chez Mirò (des formes perchées sur de minces tiges) pour rapidement les absorber et les retransformer en une expression personnelle qui se retrouve dans les ouvres Odile (1957) et La Descente des Martiens (1959). Ce qui est particulièrement fascinant dans la façon qu’a Dallaire d’aborder la matière picturale, c’est la distinction qui s’opère entre les manières de traiter d’une part les gouaches et d’autre part les huiles. Dans les ouvres peintes à la gouache, l’addition des motifs prime, alors que, dans les huiles, ce sont textures et transparences qui dominent. Pensons par exemple à la gouache Le Jeune Intellectuel, réalisée en 1946, où les ombres et les textures sont suggérées par une addition de motifs, alors que dans la Nature morte au violon, peinte en 1952, les textures sont suggérées par la matière picturale et la composition toute entière se veut un délire de transparence basé sur les couleurs.
L’imaginaire enlevé qui anime les compositions de Dallaire le distingue aussi de ses contemporains. Dans ce contexte, c’est avec un pur bonheur que l’on revoit un petit film de l’ONF, pour qui l’artiste a été dessinateur de 1952 à 1958, qui met en images la chanson folklorique Cadet Rousselle interprétée pour ce film par Félix Leclerc. L’exposition Dallaire ne donne pas dans le superfétatoire pour ce qui est de la muséographie; peu nous importe, puisque les ouvres ont tant à dire…
Bloc-notes
Rona Lee à La Chambre blanche
L’artiste londonienne Rona Lee produit des installations-performances, plus inusitées les unes que les autres, où son corps est un des principaux matériaux. Pendant sa résidence à La Chambre blanche, elle a réalisé une installation où s’articule une recherche formelle et poétique. Formelle, parce qu’elle s’intéresse aux effets de la lumière, autant dans les images vidéo que dans ses autoportraits inspirés d’un tableau du peintre anglais Caspar David Friedrich, Femme à la fenêtre (1822). Quant à la dimension poétique de son travail, elle réside dans sa conduite et dans les motifs utilisés, des images en boucle d’un bateau échoué et celles des empreintes de sa silhouette sur papiers photosensibles. À La Chambre blanche, jusqu’au 13 juin.
Pierre-Léon Tétreault, Territoires d’allégresses
La Galerie Madeleine Lacerte accueille, pour la première fois, les ouvres de Pierre-Léon Tétreault. Cet artiste prend ses sources dans différentes cultures: sud-américaine, africaine, du Nouveau-Québec ou du Japon. Peintre, il pratique aussi la gravure et le collage où il amalgame différentes images végétales ou animales très colorées. Son travail a été présenté dans différentes villes, notamment à Mexico, à Caracas et à Bogota. À la Galerie Madeleine Lacerte, jusqu’au 15 juin.
Serge Murphy chez Engramme
Il ne faut pas manquer le passage de Serge Murphy en résidence dans les ateliers d’Engramme. Cet artiste est bien connu pour son travail radical, tant en sculpture et en peinture qu’en vidéo. Pendant son séjour à Québec, il s’initiera à la lithographie en explorant différents styles: abstraction, figuration, dessins académique et gestuel. Le désordre sera à l’honneur. Une rencontre est prévue avec l’artiste, le mercredi 16 juin entre 14 et 19 heures. Chez Engramme, du 7 au 16 juin.
Nathalie Côté