Le trio BGL a encore frappé. Le collectif enfonce un peu plus le clou et poursuit son travail de déconstruction critique du monde moderne. Troublant.
Le trio BGL a encore frappé. Les trois artistes – Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère et Nicolas Laverdière – qui composent ce collectif enfoncent un peu plus le clou et poursuivent leur déconstruction critique du monde moderne. On se rappelle leur intervention antérieure Se perdre n’est pas si triste, présentée en mars dernier à la Galerie Clark. Ils y exhibaient une troublante interface entre une critique sévère de la société de consommation et une fascination presque religieuse pour les produits modernes (voitures de luxe, téléphones, ordinateurs…).
À la maison de la culture Côte-des-Neiges, BGL propose une nouvelle installation in situ qui, tout au moins dans sa première partie, est plus simple et moins inquiétante que la précédente création. Intitulée Se réunir seul, cette ouvre apparaît au premier coup d’oil comme une réplique, en bois et en papier, d’une salle de cinéma. Au lieu de faire face à un écran, ses estrades nous placent devant l’immense fenêtre de la galerie et nous renvoient à la réalité du monde extérieur.
Dans le communiqué de presse, BGL propose une lecture limitée de cette exposition traitant du cinéma: «Nous nous inquiétons de l’ampleur de ce commerce de l’évasion, des valeurs qu’il prône, et de la consommation excessive qui en est faite. Pernicieusement, la fiction télévisuelle et cinématographique conditionne le peuple à la loi du moindre effort en imposant un univers préfabriqué qui accapare l’imaginaire de chacun, qui occupe tout le territoire de l’âme.»
Ce commentaire n’est guère nouveau. Des penseurs s’y réfèrent depuis l’Antiquité. Platon, par exemple, voyait dans la séduction exercée par les arts de représentation (en particulier la peinture et le théâtre) un danger pour la société qui veut dépasser les apparences.
En poursuivant cette logique, toute forme d’art et de littérature pourrait être soupçonnée d’être un empêchement à expérimenter la vie telle qu’elle est. De ce point de vue, Se réunir seul tranche sur l’exposition Cosmos (au Musée des beaux-arts) qui fait l’apologie de l’imaginaire visuel, du romantisme à l’avant-garde, comme moteur social capable d’amener les humains à se dépasser.
Heureusement, le travail de BGL ne se limite pas à la simple critique des images et des illusions; il emprunte aussi des sentiers oniriques. Le trio se sert fabuleusement de l’espace de la galerie. À la sortie de cette salle de cinéma, on pénètre dans ce qui est presque son négatif spatial. Et on assiste avec surprise à une multiplication des espaces.
Ce deuxième lieu est cependant plus difficile à décrire: à la fois coulisse de théâtre; arrière d’un décor; théâtre d’ombres; fragments architecturaux d’une cathédrale et habitation japonaise. Bien qu’inoccupé, cet endroit est habité cérémonieusement par une lumière blanche filtrée par des panneaux de papier. Comme dans un rêve, les lieux, de grandeurs et de natures différentes, communiquent en toute liberté. Ce type d’expérience s’apparente au montage filmique qui, contrairement au récit cinématographique, semble fasciner BGL. En passant de la projection cinéma à l’évocation des vitraux, leur expo traite finalement de la lumière, de ses différents usages et effets. Expérience troublante garantie.
On profitera de cette visite à la maison de la culture Côte-des-Neiges pour voir, sur le toit, l’exposition Les jardinistes. On y remarquera le travail de Natalie Rolland qui, parmi les trois artistes présentés, est celle qui s’en tire le mieux. Avec ses roseaux sauvages, elle crée des formes intrigantes.
Jusqu’au 21 août
À la maison de la culture Côte-des-Neiges
Nouvel espace d’exposition
Fermé depuis deux ans, le Château Dufresne rouvre ses portes. Ce bâtiment, de style beaux-arts, construit entre 1915 et 1918, a abrité, pendant plusieurs années, le Musée des arts décoratifs maintenant voisin du Musée des beaux-arts. Dorénavant, cette demeure servira à présenter des expositions d’art et d’histoire préparées par la Maison de la culture Maisonneuve et par l’Atelier d’histoire d’Hochelaga-Maisonneuve.
Pour amorcer ses activités, le Château Dufresne présente Structure qui regroupe des ouvres de six artistes. Malheureusement, il s’agit d’une présentation décevante. On peut y voir, entre autres, des tableaux (mal éclairés) de Guido Molinari, plutôt simples comparativement à ses ouvres extrêmement rythmiques présentées, en mai dernier, à la galerie Devlin. Bien intéressantes sont cependant les structures énigmatiques aux formes anthropomorphiques de Francine Messier. Profitez-en pour visiter les superbes salles du rez-de-chaussée. Celles-ci pourraient certainement accueillir, avec plus de grandeur et plus d’espace, les prochaines expositions.
Jusqu’au 6 septembre
Au Château Dufresne
Napoléon en exil
À propos de Napoléon à l’île Sainte-Hélène, le communiqué de presse dit qu’il s’agit d’une «exposition conçue pour un large public, initiés et curieux, jeunes et adultes». Malheureusement, la visite des salles du Musée Stewart, où sont présentés les artefacts (dont certains du château de la Malmaison), n’emballe guère le spectateur averti. À vouloir rendre accessible un sujet complexe, les organisateurs ont construit une présentation un peu trop banale et générale.
Dans le tas de reliques (dont le berceau de l’empereur!) et de documents reconstituant d’une manière très large l’esprit de l’époque (avec, par exemple, une tunique d’officier de la milice du Bas-Canada), le spectateur aura du mal à trouver les quelques ouvres d’art néo-classique plus intéressantes. D’un tableau d’Ingres représentant le Premier Consul, on a droit à une mauvaise copie. Sur un autre mur est accrochée une piètre photo du Sacre, de David. Certains bustes sont du Second Empire et ont une valeur historique relative. A-t-on voulu traiter du phénomène Napoléon dans l’imaginaire collectif; ou bien de la valeur réelle des apports (politiques, juridiques, artistiques et autres) de cette époque? Ou simplement s’attarder sur des détails de la vie privée: le mobilier qui servait au militaire dans ses campagnes; le service de table de son ministre Cambacérès, etc. Voilà une vision de l’histoire teintée de préoccupations bourgeoises. Pour inconditionnels seulement.
Jusqu’au 11 octobre
Musée Stewart
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