Honoré Daumier : Art et réalité
Arts visuels

Honoré Daumier : Art et réalité

Peintre engagé, mort en 1879, HENRI DAUMIER est l’objet d’une première rétrospective au Musée des beaux-arts d’Ottawa. Une bonne idée, mais présentée d’une façon un peu sage.

Une bien belle exposition, mais un peu sage dans sa présentation: voilà comment résumer la rétrospective Honoré Daumier proposée ces jours-ci au Musée des beaux-arts d’Ottawa. Pourtant, tous les éléments étaient réunis pour offrir au spectateur une visite mémorable.
Il s’agit de la première rétrospective de Daumier, mort en 1879. Il était temps que l’on puisse avoir une vision d’ensemble de l’extraordinaire production de cet artiste engagé. Les commissaires, Henri Loyrette (du Musée d’Orsay) et Michael Pantazzi, ont rassemblé plus de 300 ouvres, dont une grande quantité de caricatures au ton acide qui, malgré le décalage temporel, social et politique, sont encore très compréhensibles. À ces fameuses satires visuelles (à propos, par exemple, des avocats ou du roi Louis-Philippe _ ce qui valut à Daumier d’être emprisonné) s’ajoute une série de peintures et de sculptures elles aussi très connues.
À vrai dire, tous les plus importants tableaux de l’artiste (dans leurs différentes versions et étapes d’élaboration) sont présents: La Blanchisseuse, Un wagon de troisième classe, Crispin et Scapin…

Malheureusement, cette exposition fait preuve de timidité et même de conservatisme dans sa présentation trop sobre et bien loin du ton de Daumier. Certes, la mise en contexte historique et politique est bien faite (grâce à des panneaux explicatifs), mais elle est plutôt pauvre du point de vue social. Presque rien n’est dit sur les conditions de vie et de travail des ouvriers et sur le renforcement du système des classes à cette époque. Pourtant, de telles problématiques ont préoccupé plusieurs intellectuels et artistes, dont Daumier.

Certains des commentaires écrits sur les panneaux trahissent un manque de compréhension profond de ces situations. Notons, par exemple, cette remarque petite-bourgeoise à propos des trains de troisième classe: «L’artiste étudie les attitudes et physionomies des voyageurs qui empruntent ce nouveau moyen de locomotion et doivent affronter la promiscuité d’inconnus»! Le manque de confort ou de bonnes manières n’était certainement pas la préoccupation majeure de la classe pauvre et épuisée par le travail. Des photos d’époque ou des descriptions des conditions de vie de la classe ouvrière auraient pu éclairer le spectateur. Et puis, à propos d’une série intitulée Les Fugitifs, on peut lire: «On ignore ce qui a motivé l’artiste, mais il semble que Daumier éprouve une sincère sympathie pour le sort incertain et déplorable de ceux qui vivent l’exode.» Faut-il vraiment trouver des raisons personnelles pour expliquer un intérêt humain?
Jusqu’au 6 septembre
Musée des beaux-arts d’Ottawa

Inestimable Van Gogh

Les musées semblent avoir trouvé la recette infaillible: prenez un artiste impressionniste ou postimpressionniste; rassemblez quelques-unes de ses peintures; placardez des affiches de l’expo à tous les coins de rue; vendez toute une série d’objets décoratifs; et voilà, le tour est joué, vous obtenez un succès financier. On s’est servi de ce procédé, entre autres, pour l’expo Monet du Musée des beaux-arts. Ce n’est pas que le principe soit totalement malhonnête. Les spectateurs qui iront à l’expo Van Gogh (à Ottawa) seront ravis de voir (ou de revoir) ces sept peintures de l’artiste à l’oreille coupée.

Mais, puisque les conservateurs du musée ont pris le temps de faire venir des ouvres de musées américains et anglais, on regrettera qu’ils n’aient pas profité de l’occasion pour monter une expo qui puisse aussi satisfaire un certain niveau de réflexion intellectuelle. Car, ici, qu’apprend-on finalement de nouveau? Que Van Gogh peignait des fleurs? On le savait déjà. Des iris et même des tournesols parfois… Il est justifié de se demander pourquoi le musée a choisi ces sept tableaux-là. S’il s’agissait de traiter de la place des fleurs dans le corpus pictural de Van Gogh, on aurait dû inclure un plus grand nombre de peintures. Le musée aurait pu opter pour une expo traçant des liens entre Van Gogh et d’autres peintres de la fin du XIXe siècle qui s’intéressèrent à la thématique florale. De simples corrélations avec la tradition hollandaise de la nature morte auraient déjà donné des repères historiques didactiques plus intéressants pour le spectateur. Voilà une belle idée de départ, mais malheureusement pas assez étoffée. Occasion manquée.

On regrettera aussi que sur les panneaux explicatifs soient inscrits plusieurs clichés perpétuant l’image préconçue que le public se fait de Van Gogh et qui ne sont pas dignes d’une histoire de l’art ayant une visée critique. On a droit au «coup de pinceau vigoureux» qui «témoigne de l’énergie investie par Van Gogh dans son ouvre» et à l’accent mis sur les dépressions nerveuses, l’épilepsie et l’internement de Vincent. Le concept de génie fou est toujours vivant… On ira, tout de même, admirer Les Iris de Van Gogh. Au tarif de douze dollars par visiteur. Chef-d’ouvre sans prix, dites-vous?

Jusqu’au 19 septembre
Musée des beaux-arts d’Ottawa