L'espace qu'il y a Samuel Roy-Bois : Fable d'espace
Arts visuels

L’espace qu’il y a Samuel Roy-Bois : Fable d’espace

Pour voir l’installation L’espace qu’il y a, il faut consentir à y participer. Or, sans plus de préambules, nous nous accroupissons donc (eh oui) pour parcourir la portion intérieure de l’ouvre. Après nous avoir vu peiner pour nous rendre jusqu’au bout d’un tunnel, Samuel Roy-Bois, le créateur de cette installation, visiblement amusé du résultat, s’arrête pour discuter, à l’extérieur de son ouvre, présentée dans la grande galerie de l’Oil de poisson. À peine relevé, il amorce une réflexion sur notre rapport à la fois matériel et poétique à l’espace: «Il nous est tous arrivé, quand nous étions petits et même encore aujourd’hui, de nous étendre sur l’herbe et de fixer le ciel jusqu’à angoisser devant l’infini… Les structures, les architectures, explique-t-il, tout ce que nous construisons pour remplir l’espace nous rassure. La construction d’un espace (comme dans la présente installation) à l’intérieur d’un autre, reprend-il, nous fait réfléchir sur ces structures qui nous entourent.»

Pour cet artiste qui a débuté en tant que peintre, la sculpture et, tout particulièrement, l’installation, permettent un rapport immédiat avec le visiteur: «L’art dégage quelque chose de sacré, dit-il; lorsque les visiteurs peuvent participer, toucher l’ouvre, la distance entre les gens et l’art est atténuée.» En discutant des différentes composantes de son ouvre, le sculpteur explique comment chacune est un élément de développement: «Un peu comme une histoire, dit-il, chaque section est reliée à l’autre, l’explique, lui donne une cohérence, à la façon d’un fil narratif…» L’installation se présente tout d’abord comme une pièce au plafond surbaissé, que l’on doit traverser en pliant l’échine. Au bout de cette pièce, un corridor, pas plus haut, dont la structure de bois recouverte de toile tendue rappelle ces faux-cadres qu’on utilise pour peindre. Lorsqu’on lui en fait le commentaire, Samuel Roy-Bois ajoute: «J’ai délaissé la peinture, mais il y a toujours des références à ce médium dans ce que je fais.» Au bout de ce corridor de toile, le visiteur débouche dans une pièce toute de bois, aux murs peints, de laquelle on peut accéder à l’extérieur de l’installation _ enfin ! se diront les claustrophobes _ et saisir l’ensemble de l’ouvre d’un nouveau point de vue.

Ainsi vue de l’extérieur, L’espace qu’il y a ressemble à ces constructions temporaires qui se dressent un peu partout dans la ville, au gré des rénovations. Cet aspect de non-fini ne rebute pas le sculpteur, bien au contraire. Il compare même ces échafaudages aux constructions de notre enfance, à leur spontanéité. De l’architecture, il dit qu’elle a une nécessité qui s’oppose à la spontanéité de ces constructions plus rudimentaires et souvent éphémères. L’installation du sculpteur, faite de divers matériaux souvent utilisés dans nos habitats, dont le gypse, le bois et la toile, rappelle de façon poétique la fragilité et la complexité des rapports que nous entretenons avec les gens qui partagent notre espace, ou occupent un espace contigu au nôtre. «On se situe dans l’espace en rapport avec les autres, on a conscience de l’autre malgré les murs, les barrières qui nous séparent, commente Samuel Roy-Bois.» Inévitablement le visiteur se retrouvera seul dans l’espace construit dans la galerie, mais il sentira la présence des gens à l’extérieur de cet espace clos, «il entendra même leurs conversations», ajoute l’artiste.

De quoi vous faire réfléchir sur la notion d’intimité et les différentes voies qu’elle prend dans notre mode de vie urbain. Limiter l’espace, le fragmenter, pour affirmer sa continuité, c’est ce qu’a fait Samuel Bois. Ce faisant il nous fait réfléchir sur notre conception des espaces sociaux, de leur signification et de notre rapport à l’Autre dans un espace plus vaste.

Jusqu’au 5 septembre
À l’Oil de poisson
Voir calendrier Arts visuels

Bloc-notes

Au Musée du Québec
Si vous n’avez pas encore vu les ouvres de Jean Dallaire au Musée du Québec, notez que ses peintures et dessins occuperont les cimaises du musée pour quelques semaines encore, jusqu’au 29 août prochain. Cette exposition est la plus importante rétrospective jamais consacrée à ce peintre québécois de la première moitié du XXe siècle. À voir également et ce jusqu’au 6 septembre, les nouvelles acquisitions de la collection Prêt d’ouvres d’art. Depuis 1982, le musée a acquis 1600 ouvres d’artistes québécois. Par le biais d’un programme de location, ces peintures, photographies et sculptures sont mises à la disposition des ministères, des différentes sociétés d’État et de délégations du Québec à l’étranger. Cette année, de nouvelles ouvres se sont jointes à la collection, dont celles de Carl Bouchard, Martin Bourdeau, Pascal Grandmaison, Jérôme Fortin et du trio BGL. En plus de ces expositions, le musée a rassemblé, sous le titre Le Silence des choses, plusieurs photographies de sa collection permanente. On peut y voir un imposant montage de Bill Vazan et plusieurs autres excellentes photographies. Jusqu’au 10 octobre. [Nathalie Côté]

À la Galerie des arts de l’Université Laval
Les jeunes artistes terminant leur maîtrise en création exposent successivement le résultat de leurs recherches cet été. Après les magnifiques tableaux de Tania Girard-Savoie, qui en ont conquis plus d’un, et la présentation des sculptures d’Émilie Santerre-Ayotte, on pourra découvrir les travaux de Denis Simard, Lynda Baril et Guy Ann Albert pendant tout le mois d’août. L’exposition des acquisitions récentes du Musée du Québec et cette présentation des travaux des étudiants de Laval donnent une assez bonne idée de la jeune production d’ici. [Nathalie Côté]