Symposium de la nouvelle peinture de Baie-St-Paul : Au doux milieu des siens
Tant par la qualité et l’originalité de ses exposants que par l’interaction qu’il propose entre créateurs et public, le Symposium de la nouvelle peinture de Baie-Saint-Paul s’impose comme l’un des événements majeurs en peinture au Québec.
Voilà une occasion plutôt rare, habitués que nous sommes à fréquenter les galeries et les musées, d’un contact avec tout ce qui participe à la réalisation d’une oeuvre: l’artiste au travail, les matériaux, les outils, l’atelier, mais aussi les hasards, les accidents et l’état d’esprit qui en déterminent l’élaboration. La fondatrice du Symposium, Françoise Labbé, partage depuis dix-sept ans son intérêt pour l’art et les artistes: «Entrer dans l’atelier d’un artiste, dit-elle, y discuter, est une sorte de privilège que nous voulons offrir à plusieurs personnes.» C’est ce qui nous attend dans l’immense atelier que devient chaque été l’aréna de Baie-Saint-Paul. Sous le thème «L’avenir en questions», le commissaire de l’événement, Bernard Paquet, a invité quatre artistes: Nycol Beaulieu, Vivian Gottheim, Chiu-Suen Wong et Richard Ste-Marie. Ces derniers côtoient onze peintres sélectionnés par un jury (sur quelque 200 dossiers): Éric Burman, François Chevalier et Dominique Toutant, de Québec; Chuck Sands et Rafael Sottolichio, vivant à Montréal; l’Américaine Tasha Aulls, également de Montréal; Philip Iverson, de Fredericton; le Brésilien Marcelo Santiago Sola Sousa et, de Paris, Michel Herreria, Euh-Yong Son et Tran Trong Vu, respectivement originaires de Séoul et d’Hanoi. Cette sélection de jeunes artistes, pour la plupart migrateurs, rend compte de l’ouverture actuelle des peintres sur la diversité des approches en peinture et, d’une certaine façon, de ce que nous réserve l’avenir.
Le Forum, les 20 et 21 août
Depuis ses débuts, le Symposium s’apparente à un laboratoire où on peut apprivoiser le processus créateur. C’est aussi un lieu où l’art et l’artiste sont démystifiés. Pour le commissaire Bernard Paquet, «voir les artistes au travail contribue à comprendre la relation entre leurs gestes, leurs diverses volte-face…» La réflexion sur ce qui se situe en amont de l’oeuvre, les théoriciens l’appellent «poïétique». Le Symposium est d’ailleurs devenu, au fil des années, un lieu propice à la conceptualisation des pratiques artistiques. C’est ce dont il sera notamment question lors du forum se déroulant les 20 et 21 août prochains et lors de la table ronde du 26 août. Un forum avec des invités provenant d’universités cubaine, brésilienne, française et d’ici, où on parlera de processus créateur, bien sûr, et aussi des pratiques brésiliennes et de l’art des Caraïbes. Mais n’ayez crainte, «le discours ne doit pas remplacer l’oeuvre, comme le rappelle Bernard Paquet, mais se situe plutôt à rebours. Les mots ne sont qu’une autre façon d’en rendre compte».
Vues d’artistes
Les artistes Michel Herreria, Dominique Toutant et Éric Burman sont réunis devant une toile de Burman. «Éric a un problème avec cette toile, dit Dominique Toutant, nous discutons avec lui des solutions qu’il pourrait appliquer.» Chiu-Suen Wong, peintre de Vancouver, s’est pour sa part improvisé guide pour présenter le travail de ses collègues aux visiteurs… Voilà pour l’esprit convivial et sympathique qui réchauffe l’atmosphère de l’aréna où travaillent pour plus d’un mois quinze peintres du Québec, du Canada, de l’Amérique du Sud et de l’Europe.
Contrairement aux événements où les artistes ouvrent leurs ateliers au public, au Symposium, les ateliers sont littéralement transplantés à Baie-Saint-Paul et les artistes engagés dans une cohabitation tant avec le public qu’avec leur pairs étrangers. Éric Burman, de Québec, explique ainsi la synergie particulière qui s’accomplit au Symposium: «Ici, nous sortons de notre milieu, nous rencontrons le public et nous vivons avec des artistes qui ont une cause commune, la peinture…» Burman utilise le figuratif comme grille; l’important pour lui n’est pas le sujet, mais plutôt le travail pictural sur un format déterminé à l’avance. Un travail formaliste, commentent ses voisins avec un clin d’oeil.
Quelques mètres plus loin, Chuck Sands, de Montréal, considère le large canevas blanc devant lui. Il est hors de question qu’il éclabousse de couleurs la surface vierge: la chose est connue au Symposium, Sands réalise des compositions épurées en noir et blanc. Avec le flegme qui le caractérise, il m’explique comment le Symposium sort l’artiste de la solitude de l’atelier: «Habituellement, je travaille seul, je ne vois que le travail de mon voisin d’atelier. Discuter avec d’autres peintres, les voir travailler, m’aide à réfléchir sur mon travail.» Il cite par exemple son amitié avec Marcelo Santiago Solà Sousa, peintre brésilien dont la démarche s’apparente à celle du journal intime tant elle colle au quotidien: «Son travail est admirable et très différent du mien; chez moi, tout est conçu à l’avance, lui est plus intuitif…»
Pour Tran Trong Vu, peintre originaire de Hanoi, au Viêtnam, et vivant depuis quelques années à Paris, le Symposium est un espace de création hors des contraintes du quotidien, un lieu où l’on peut partager. Dans son oeuvre, les visiteurs remarquent deux pôles: d’une part, le politique, en référence à son pays d’origine, et, d’autre part, le quotidien, qui réfère au choc culturel de celui qui aborde un nouveau continent. Tran avait pour projet de produire une oeuvre qui inclurait les commentaires des visiteurs et de ses compagnons de symposium sur le XXIe siècle. Comment cette oeuvre s’inscrira-t-elle dans sa production?, demandons-nous. «Il n’y a pas de hasards dans les rencontres, dit-il, il suffit seulement de bien savoir relier les détails…»
Il n’y a pas de hasards; donc, or il ne vous reste plus qu’à faire une petite virée à Baie-Saint-Paul pour créer des rencontres…
Jusqu’au 5 septembre
À l’aréna de Baie-Saint-Paul
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