Danielle Lagacé : Le savoir-sphère
Avec Requêtes de vol pour l’an 2000, DANIELLE LAGACÉ se questionne à propos de la place des femmes dans la culture. Quand l’inspiration naît d’une littérature qui se conjugue au féminin.
En entrant dans la salle d’exposition de la bibliothèque René-Richard à Baie-Saint-Paul, nous mettons le pied dans l’univers de Danielle Lagacé et avec les mots de W.B.Yeats, intégrés à l’exposition, elle nous sert cette mise en garde: «J’ai étalé mes rêves à vos pieds; marchez sur la pointe des pieds car ce sont sur mes rêves que vous marchez.» Pour concevoir l’exposition Requêtes de vol pour l’an 2000, Danielle Lagacé s’est basée sur une observation bien simple: le dictionnaire présente une quantité infime de femmes et un nombre encore moins impressionnant d’illustrations les représentant. «C’est toujours notre expérience personnelle qui motive notre recherche…» répond après un moment de réflexion Danielle Lagacé lorsqu’on lui demande pourquoi ce travail sur les femmes qui sont passées à l’histoire. À ces considérations sur la place des femmes dans la culture se sont ajoutées les lectures de l’artiste parmi lesquelles Virginia Woolf et les soeurs Brontë, dont les textes ont inspiré plusieurs des oeuvres de cette exposition.
C’est ainsi que, pièce par pièce, l’artiste a laissé la littérature la guider pour créer des oeuvres reliées entre elles par leur facture quasi sacrée et l’image symbolique de la libellule. «Il existe, commente Danielle Lagacé, une espèce de libellule qu’on appelle des demoiselles… C’est en travaillant sur Le Poisson (une oeuvre dédiée à Virginia Woolf) que l’image de la libellule s’est imposée. J’ai voulu mettre des ailes à ce personnage qui juxtapose la tête de Virginia Woolf au corps de Saint-Sébastien puis, en ajoutant une seconde paire d’ailes, l’image de la libellule est venue.»
L’exposition Requête de vol pour l’an 2000 regroupe un ensemble de sculptures suspendues qui flottent littéralement dans l’espace d’exposition. Il s’agit de dômes spiralés, composés de papier patiné de cire et ornés de motifs réalisés avec des épingles dont l’intérieur est meublé de milliers d’épines. Pour l’artiste, la spirale insuffle un mouvement d’ascension et le rapport vide-plein de ces oeuvres, souvent garnies d’une multitude de petites fenêtres, nous ramène à un questionnement sur l’intimité tel qu’on le retrouve dans l’oeuvre de Woolf, Une chambre à soi. Le texte Le Dôme, de Charlotte Brontë, appuie de façon poétique le choix de cette forme sphérique flottante. Présentée sous forme de ruche dont le sommet est coiffé d’une coupole, l’entrée semi-ouverte de la structure est aussi hérissée d’épingles, qui deviennent presque menaçantes ou à tout le moins défensives dans ce contexte. Quand à l’aspect ancien des pièces, qui ont l’apparence et la patine de la maroquinerie des objets décoratifs des siècles passés, l’artiste avoue puiser sciemment aux sources de l’histoire de l’art et de l’architecture.
Les oeuvres sont en elles-mêmes attirantes, de beaux objets de curiosité à l’esthétique symbolique dérangeante. Leur rapport étroit aux auteurs et aux textes qui les ornent leur confère plusieurs niveaux d’interprétation. C’est ainsi une oeuvre qui part d’une quête personnelle sur l’histoire des femmes, qui nous fait réfléchir sur le destin féminin à l’aube de ce troisième millénaire et questionne son lien avec l’art, le sacré et la culture. Une exposition qui illuminera votre parcours de Baie-Saint-Paul. Alors n’attendez pas que Danielle Lagacé vienne à vous, quoique cela ne saurait tarder…
Jusqu’au 6 septembre
À la bibliothèque René-Richard
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