Depuis le début du mois d’août, des dizaines d’artistes sont tour à tour invités à passer une heure ou une journée dans l’atelier Engramme pour y faire de petits dessins lithographiques. «On a demandé aux artistes d’exprimer leur point de vue sur les idées reçues et les préjugés sur la folie», expliquent les commissaires, Johanne Huot et Denis Simard. «On ne voulait pas donner une initiation à la lithographie, poursuivent-ils. On l’utilise pour sa qualité de reproduction. C’est très intéressant de demander à des artistes de la performance ou à des sculpteurs de faire simplement un dessin…» Les Jocelyne Alloucherie, BGL, Guy Blackburn, Carl Bouchard, Claudine Cotton, Nathalie Derome, Marcel Marois et Armand Vaillancourt, pour ne nommer qu’eux, ont réalisé ou réaliseront leur gravure dans l’atelier Engramme dont les portes sont grandes ouvertes au public pour l’occasion.
Les 74 dessins lithographiques seront ensuite imprimés sur des mouchoirs de papier (oui, oui, des Kleenex), puis emballés et diffusés sous cellophane, tel qu’on les retrouve sur le marché. Mais pourquoi imprimer toutes ces lithographies sur de précaires mouchoirs de papier, se demande-t-on, alors que le papier Arches assurerait davantage de pérennité aux oeuvres? «L’intérêt porté au Kleenex, écrivent les commissaires, provient d’une réflexion sur la fragilité de l’être, sur le rejet et, par le fait même, sur ces similitudes qu’ont entre elles les idées préconçues sur l’art et sur la folie.» Si le concept ne manque pas d’humour, tout cela n’en demeure pas moins convainquant. «Avec Des idées reçues, nous voudrions amorcer une réflexion aussi pertinente qu’essentielle sur l’instantanéité, l’absorption, la crise.» Ces mouchoirs qui servent la plupart du temps en situation d’urgence tantôt à essuyer des larmes, tantôt à supporter un mauvais rhume, deviennent sous l’effet du travail des artistes un peu plus… précieux, donnant à cette matière industrielle à la fois fragile etcommune, à ce papier sans noblesse aucune, un tout autre statut. Une fois imprimés, les neuf petits paquets (contenant huit oeuvres différentes et des textes, dont un de Michael LaChance) formeront la collection Des idées reçues. Elle viendra s’ajouter aux autres éditions, non moins excentriques, des Cahiers Folie/Culture publiés jusqu’ici par l’organisme.
L’événement, qui se déroule jusqu’à la fin du mois d’août, mijote depuis le début de l’année dans les têtes de Johanne Huot et de Denis Simard: «Comme artiste, c’est proche de notre façon de réfléchir sur l’art, sur son côté social et politique», lance Denis Simard. Les deux commissaires voulaient organiser un événement rassembleur. Ils ont donc proposé leur projet à Folie/Culture. C’est d’après un des derniers-nés de l’organisme, le Dictionnaire des idées reçues en santé mentale (dont le titre s’inspire du Dictionnaire des idées reçues de Gustave Flaubert) que les deux commissaires ont élaboré le projet de mettre en images les préjugés sur la folie. Un événement qui devrait rejoindre beaucoup de monde, à la fois par le nombre d’artistes invités et par l’importante diffusion prévue dans plusieurs centres d’artistes pendant l’automne. Si la folie a été souvent une source d’inspiration pour les artistes, qu’on pense seulement aux scènes délirantes d’un Bosch ou d’un Bruegel ou à l’intérêt d’artistes contemporains pour la médecine de Charcot, par exemple, elle apparaît plus qu’un simple «sujet». En effet, la folie et l’art ont parfois des parentés dans un débordement commun des limites de ce qui est acceptable et convenu. C’est ce que nous rappelle cet événement, dont les premiers résultats promettent une collection à la hauteur de la folie des grandeurs des deux commissaires…
Jusqu’au 31 août
Chez Engramme
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En galerie…
Si vous passez dans les ateliers d’Engramme, profitez-en pour aller jeter un coup d’oeil dans la galerie du même nom où se éroule la très belle exposition de trois jeunes artistes d’Espagne, Susana Murias, Txuma Sanchez et Juan Pablo Villalpando. Qu’elles soient plus narratives, comme les estampes de Susana Murias ou davantage l’objet d’un travail sur la composition et le dessin, comme celles de Txuma Sanchez et de Juan Pablo Villalpando, ces estampes de la relève espagnole ont en commun une imagerie poétique remarquable. Organisée avec la collaboration des galeries d’art Trois Points de Montréal et Brita Prinz de Madrid. À voir jusqu’au 27 août.
D’un millénaire à l’autre
Un mot sur la participation de quatre artistes de Québec à l’événement montréalais D’un millénaire à l’autre. Jusqu’en octobre, 70 artistes ont investi quelque 20 sites urbains, maisons de la culture et espaces publics extérieurs. Carole Baillargeon, le collectif BGL, Diane Landry et Michel Pelchat participent à l’événement organisé par la Ville de Montréal.y