Arts visuels

Sous les pavés, la plage

Que la rumeur circule: les dessous de l’autoroute Dufferin qu’occupe le groupe d’animation de l’îlot Fleury depuis 1998 sont actuellement le lieu d’une fête populaire. Sculptures, débats et art action en vue.

Amener l’art vers le social, rallier les mondes communautaire et artistique du quartier Saint-Roch, c’est le but de l’événement Émergence, organisé par le sociologue de l’art Guy Sioui-Durand et le groupe d’animation de l’îlot Fleury. L’événement, écrit le commissaire, «renoue avec cette utopie de la révolution urbaine où art et publics se fusionnent». Rien de moins. Et cela n’est pas que de la rhétorique. Une visite des lieux vous convaincra rapidement du caractère populaire de cette fête. L’ambiance y est joyeusement subversive, ne serait-ce que parce qu’on se retrouve sous les immenses bretelles d’un fragment d’autoroute ayant pour issue un mur de béton. L’art s’y mélange à la vie en investissant une zone marginale, cicatrice sectionnant le quartier et symbole de l’étalement urbain.

Cet événement se définit aussi comme un lieu de débats. Un espace de discussions autant sur la présence de l’art et des artistes dans le quartier Saint-Roch, sur l’avenir de l’îlot Fleury, que sur l’aménagement urbain et les effets de la revitalisation entamée dans le quartier; une revitalisation nécessaire, mais qui exclut, trop souvent, les plus démunis. On le sait, le groupe de l’îlot Fleury n’en est pas à ses premières activités. Initié par le regretté Louis Fortier, ce groupe d’animation urbaine a occupé (cultivé et animé), pendant les années 1990, un terrain abandonné au coin des rues Saint-Vallier et de la Chapelle. Des artistes y ont installé leurs sculptures et le lieu est rapidement devenu un atelier à ciel ouvert. Délogé depuis 1998 par la Ville de Québec, le groupe poursuit dorénavant son travail d’animation sur le terrain vague situé sous l’autoroute Dufferin, une «zone sauvage», pour reprendre l’expression de Guy Sioui-Durand, que la présence des artistes et des groupes communautaires transforme en espace animé et autonome.

C’est avec pour toile de fond les grandes fresques des «tagueurs» recouvrant les larges piliers de béton de l’autoroute que cinq artistes réalisent actuellement leurssculptures. S’y activent quotidiennement: Chantal Bélanger, le duo Hélène Doyon et Jean-Pierre Demers, Martin Dufrasne, Mario Girard et Diane Landry. Plusieurs autres artistes participent à l’événement, dont le collectif saguenéen de l’Atelier TouttouT, qui a offert une boisson de son cru au public lors de l’ouverture. L’événement se veut une «rencontre entre de l’art actuel et la fête de quartier comme art social», espère le commissaire. Tous les ingrédients pour y parvenir sont réunis. Une terrasse-café est ouverte chaque jour de 15 à 21h. On y présentera de la poésie «béton» (le 24 août), un concert des Urbanauts (le 25 août), une soirée amérindienne de cinéma (le 26 août) et un groupe d’artistes espagnols et catalans cuisinera une «paëlla collective» (le 27 août). On pourra aussi assister à la performance Les Causes perdues d’Alain-Martin Richard et de Martin Mainguy (le 28 août). Le tout jusqu’à L’Apothéose, le 30 août prochain, où seront présents plusieurs groupes du quartier autour d’une discussion suivie du vernissage et d’une performance de Richard Martel, où ce dernier nous servira, muni de cinq gallons de peinture rouge, «un salmigondis de mémoire». En amenant ainsi l’art vers le social, c’est aussi le social qui se tourne vers l’art. Cette fête populaire pose ainsi de sérieuses questions à l’art public, sur ses fonctions et ses lieux, et lui confère une dimension politique rare.

Jusqu’au 30 août
Sous l’autoroute Dufferin

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Portraits de femmes

La peintre Lucie Vachon, connue aussi sous le pseudonyme BawoH (son nom en alphabet cyrillique), expose en ce moment une dizaine de tableaux et d’oeuvres sur papier à la galerie d’art Le Portal sur la rue Petit-Champlain. Cette peintre travaille avec détermination à sa reconnaissance et à la diffusion de ses oeuvres. Si vous bravez la horde de touristes pour vous rendre à la sympathique galerie du Porta, vous y découvrirez des portraits de femmes et quelques grandes compositions à l’acrylique, qui ne renouvellent peut-être pas le genre, mais qui témoignent d’un réel plaisir de peindre. Les oeuvres sur papier retiennent particulièrement l’attention. Réalisées avec la technique du «renversé» consistant à peindre sur une surface puis à l’imprimer sur papier, les portraits de BawoH tendent vers une sorte de disparition qui leur donne une dimension énigmatique. Jusqu’au 31 août.

Archambault Sculpture
Autre oeuvre publique, cette fois-ci dans un contexte un peu plus… officiel. Luc Archambault, surtout connu comme peintre, réalise actuellement un bas-relief sur les murs de l’Institut canadien de la rue Saint-Stanislas. Cette oeuvre a été offerte par la Commission de la capitale nationale du Québec et par la Ville de Québec afin de souligner le 150e anniversaire de l’Institut. Archambault, aidé du savoir-faire de la sculpteure sur pierre Pascale Archambault, sera à l’oeuvre sur les lieux jusqu’au 28 août prochain.