Paterson Ewen : L’invitation au voyage
PATERSON EWEN transforme tout ce qu’il touche en matière précieuse, fascinante pour le regard. Le peintre expose ses plus récentes créations à la Galerie René Blouin.
Décidément, l’esprit, en cette fin de millénaire, est à la contemplation (presque extatique) de l’espace. La fascination qu’a exercée récemment l’éclipse de soleil sur une bonne partie de l’hémisphère Nord appuie, si besoin était, l’hypothèse de l’exposition Cosmos (au Musée des beaux-arts) qui montre comment les grandes étendues de la terre et du ciel ont interpellé les artistes, et l’Occident en général, du romantisme à l’avant-garde. Ce phénomène est aussi bien présent en art contemporain. Notre destin semble être inscrit dans les étoiles.
L’exposition de Paterson Ewen, à la Galerie René Blouin, est, elle aussi, une invitation à contempler la grandeur magistrale et la beauté de l’immensité spatiale. Il faut dire que ce peintre est déjà, à juste titre, un peu une star. Il est certes moins connu par le large public au Québec que dans le reste du Canada. Néanmoins, ce Montréalais de naissance, grâce à la rétrospective de son oeuvre (intitulée Entre ciel et Terre) – à l’été 97, au Musée d’art contemporain – a su nous impressionner par la qualité et la cohérence de son travail. Ce fut une expérience inoubliable. La critique avait été alors bouleversée par plusieurs de ses pièces, dont l’époustouflant tableau Halley’s Comet as Seen by Giotto.
Fasciné depuis toujours par l’astronomie, Ewen a, depuis le début des années soixante-dix, représenté avec magnificence des corps et des phénomènes célestes. Dans ses oeuvres, sur contreplaqué, se greffent parfois toute une série de matériaux hétéroclites (clous, morceaux de métal, fragment de clôture.) qui sous sa main prennent un aspect magique. Paterson Ewen a-t-il (en cachette) trouvé la pierre philosophale, cette substance mythique tant recherchée par les alchimistes et qui, entre autres, aurait permis de transformer le métal en or? Il arrive, en tout cas, comme un Midas contemporain, à transformer tout ce qu’il touche en matière précieuse, fascinante pour le regard. Ce roi de la peinture, grâce à ses tableaux, sait nous amener dans un état proche de la grâce.
Dans ses récentes créations, Paterson Ewen poursuit avec force son travail antérieur. On a encore droit à des matériaux pas très nobles, peu utilisés en peinture, et qui, dans une transmutation, atteignent une grande beauté. L’immense panneau, Milky Way in Stone – réalisé avec du goudron incrusté de poussière de marbre sur du contreplaqué – est une oeuvre comme on en voit rarement. Les quatre tableaux et les six oeuvres sur papier qu’Ewen nous présente lui ont en plus permis d’expérimenter de nouvelles techniques. Un pastel et une aquarelle, réalisés à coups de marteau, en sont la preuve. Paterson Ewen nous a confié tout le plaisir qu’il a eu à travailler avec ce type d’outil. Lui qui a déjà utilisé avec brio la gouge comme instrument, pense qu’il serait même possible de devenir un virtuose du marteau, comme on l’est du pinceau. On l’en croit capable. Le résultat est merveilleux. Sledgehammer #1 est une oeuvre sur papier ou des éclats (c’est le mot juste) de pastel vibrent avec intensité comme tout le reste de la présentation.
Voilà une exposition qu’il faut absolument voir. Il s’agit d’un événement à marquer d’une pierre blanche (bien sûr, provenant d’un fragment de comète ou de roche lunaire).
Jusqu’au 2 octobre
Galerie René Blouin
La communication comme art
L’art moderne et l’art contemporain ont souvent fait prendre conscience au spectateur des conditions d’installation et de réception dans lesquelles il perçoit l’art. Parfois, ce spectateur est même devenu le sujet central de l’oeuvre. Pensons à Christo, qui a créé des événements permettant à des individus, qui ne se connaissent pas, de se rencontrer. À travers ses empaquetages (comme celui du Pont-Neuf à Paris, ou du parlement de Berlin) se met en place tout un système de médiation et de dialogue entre les citoyens. L’art s’y dévoile comme un nouveau tissu social.
Rendez-vous sur les bancs publics, une installation produite par la Société des arts technologiques, souhaite s’inscrire dans cet esprit de création. Monique Savoie et Luc Courchesne (en collaboration avec l’Atelier INSITU) ont mis en place un système de caméras et d’écrans qui permet, en direct et 24 heures sur 24, un échange entre des individus s’assoyant sur deux bancs placés devant le Musée d’art contemporain à Montréal et sur la place d’Youville à Québec.
Malgré la grande qualité technique de l’ensemble, malheureusement, durant le jour (selon la quantité de nuages dans le ciel et l’heure de la journée), la luminosité insuffisante de l’écran rend le contact visuel peu agréable. Cela s’arrange grandement (et devient presque spectaculaire) une fois la nuit tombée.
Cette installation est certes amusante et permet des échanges parfois surprenants. On raconte aussi que des amis de Québec et de Montréal se donnent déjà rendez-vous pour pouvoir se parler ainsi gratuitement_ Néanmoins, cette création, présentée comme étant de l’ordre de «l’expérimentation et de l’innovation», nous laisse sur notre faim. Après Internet, par le biais duquel des caméras en direct nous permettent de voir Londres, New York ou Bangkok…, ce dispositif semble presque banal. Et puis, les systèmes de communication sont-ils en tant que tels de l’art? On peut en douter. On a aussi peine à croire le communiqué de presse qui prétend que cette installation offre «un espace de rencontres et de débats entre des gens de cultures et de générations diverses». Montréal et Québec sont-elles deux villes si étrangères?
Mais on renouvellera le projet avec des liens entre Montréal et Paris, ainsi qu’entre Montréal et Beyrouth, respectivement prévus pour le printemps et l’automne 2000. La différence culturelle sera alors certainement plus frappante.
Jusqu’au 19 septembre
Esplanade du Musée d’art contemporain et la place d’Youville à Québec