Le béton, un patrimoine? : La matière apprivoisée
Arts visuels

Le béton, un patrimoine? : La matière apprivoisée

À la fois fontaine, chute d’eau et mobile de béton flexible, l’installation de FLORENT COUSINEAU, dans la tour du Centre d’interprétation de la vie urbaine, fascine le spectateur. En plus d’explorer les qualités du lieu et du matériau, cette heureuse investigation stimule et attise les sens.

La Ville de Québec prolonge jusqu’au 31 octobre l’installation de Florent Cousineau dans la tour du CIVU (Centre d’interprétation de la vie urbaine). Accompagnant l’exposition Le Béton, un patrimoine?, les installations in situ organisées par La Chambre blanche pendant les derniers mois ont exploré les propriétés de ce lieu. Cette tour de pierres servait jadis à faire sécher les boyaux qu’utilisaient les pompiers. Florent Cousineau en a fait une chute d’eau qui s’écoule du haut de la tour. À la fois homme de chantier et de la sculpture, il n’a pas peur des gros travaux. L’artiste a enjambé les 70 pieds de hauteur de la tour pour y installer des pièces triangulaires de béton suspendues par des fils à pêche. Les feuilles de béton ponctuent cet espace vertical, comme autant de papillons ou d’oiseaux dans un ciel de pierre. Sur le sol, recouvert d’un plancher de cèdre, deux grandes formes coniques telles deux silhouettes humaines reçoivent d’incessantes gouttelettes d’eau. Lorsqu’il est au rendez-vous, le soleil taille littéralement des rideaux de lumière entre les parties de ce mobile géant. Comme l’artiste l’explique: «Un des éléments de surprise a été de voir comment la lumière naturelle vient sculpter l’eau et comment l’eau sculpte le béton à son tour.» Le bruit de l’eau qui tombe, l’odeur dégagée par le béton et la pierre, tout dans cette installation attise les sens. «On a si peu de contact avec la sculpture habituellement, ici l’eau nous tombe dessus, on est obligé de se mouiller!»

Voilà un travail in situ presque exemplaire, sans être pour autant didactique, puisque les propriétés du lieu sont pleinement utilisées et que le sculpteur parvient à donner une nouvelle vie à cet espace. On s’en doute, Florent Cousineau n’en est pas à ses premiers faits d’armes. Avant d’explorer les possibilités du béton flexible, matériau relativement nouveau, utilisé surtout pour la construction, il a travaillé le béton traditionnel et le papier artisanal. «Si je travaille le béton flexible de cette façon aujourd’hui, c’est bien parce que j’ai longtemps travaillé le textile. J’ai fait du papier-matière pendant 15 ans!», nous rappelle-t-il. «Lorsque je travaillais le papier, je tentais de lui donner une rigidité. Le défi, avec le béton, c’est de lui donner de la souplesse!» Après avoir armé ses sculptures de papier, le voilà qui manipule maintenant le béton comme si c’était du papier. Les possibilités du béton flexible semblent se multiplier au fil des expériences: il le découpe en fines lamelles, le tord et le transforme. Ce nouveau matériau, Florent Cousineau l’a utilisé aussi comme revêtement extérieur en bâtiment. Manifestement, les explorations en construction et en sculpture s’enrichissent l’une et l’autre. Avec cette fontaine, il fait la démonstration des qualités esthétiques du béton flexible et de sa résistance. La pérennité du matériau contraste d’ailleurs avec le caractère éphémère de l’installation à la tour du CIVU. À moins qu’elle n’y prenne racine définitivement?

Jusqu’au 31 octobre
Au Centre d’interprétation de la vie urbaine
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Bloc-notes
Nadia Seraiocco
Depuis la fin août, un rendez-vous à la place d’Youville nous est lancé. L’installation de «téléprésence» Rendez-vous… sur les bancs publics nous propose de rencontrer les passants de l’esplanade face au Musée d’art contemporain de Montréal! Les concepteurs du projet, Luc Courchesne et Monique Savoie, souhaitent créer des rencontres inopinées, des discussions improvisées, voire même des improvisations musicales. Le dispositif est bien simple: un banc fait face à un écran muni d’une caméra et d’un micro qui captent et transmettent image et son à haute vitesse. Ainsi, les spectateurs de chaque ville voient leurs vis-à-vis de l’autre ville et peuvent converser en direct avec eux.

Luc Courchesne croit que dans l’interactivité des oeuvres réside une part importante de l’évolution de l’art. «Notre environnement, grâce à la technologie, réagit de plus en plus à la présence humaine… La maison interactive est prévue pour demain», dit-il. Paradoxe intéressant, cet artiste explique avec humour qu’il habite à la campagne et n’en émerge que pour installer ses créations. De même, les mots art et installation semblent presque des mots abstraits, qu’il contourne rapidement. Art public, expérience de «téléprésence», tout semble lui convenir mieux que le vocabulaire généralement utilisé pour décrire l’art technologique.

L’expérience n’est pas finie, puisque le projet de Courchesne et Savoie, qui est de relier Montréal à Paris, puis à Beyrouth, pour mettre en contact la francophonie internationale, en est à la première phase de son développement. Jusqu’au 19 septembre, à la place d’Youville.