MARC SÉGUIN est un des jeunes peintres les plus talentueux du Québec. Ses tableaux ont été exposés à Vancouver, à Toronto, à Montréal et le seront bientôt à Berlin. L’oeil de poisson présente ses oeuvres récentes dans l’exposition Attente à peur: de grands tableaux noirs ponctués de figures participants à des mises en scène épurées. Troublant et remarquable.
Quand Marc Séguin n’est pas dans son atelier de la rue Bellechasse à Montréal, il est fort probable qu’on le retrouve chassant l’oie sur le bord du fleuve ou parcourant la forêt à la recherche de l’orignal. Urbain et coureur des bois à ses heures, cultivé et sans prétention, drôle et préoccupé à la fois, voilà le portrait sommaire qu’on pourrait faire de Marc Séguin. Cet artiste peint sans répit depuis la fin de ses études. Il travaille avec autant de rigueur la gravure et le dessin, qu’il considère comme des moyens d’expression à part entière. On pourra d’ailleurs voir ses gravures dans une exposition collective au Musée du Québec cet automne. Depuis qu’il peint, Marc Séguin tente de concilier la figuration et l’abstraction, sans toutefois choisir: «Je garde un fond plasticien des profs de Concordia», dira-t-il. Ces professeurs, ce sont les Guido Molinari et Yves Gaucher dont on reconnaît l’ascendance dans les vastes champs monochromes de ses tableaux. En même temps, il peint les objets et les figures avec une attention minutieuse accordée aux sources et aux effets de la lumière, au modelé et à l’exactitude de la représentation. Ces figures au fini soigné sont doublées d’un amalgame de formes disloquées ou de gestes libres aux couleurs vives. Cette cohabitation de plusieurs manières de peindre en fait une peinture aussi riche qu’accessible.
Quatre grands tableaux sont présentés dans l’espace de la galerie où on a laissé volontairement un grand mur blanc. L’accrochage, tout à fait approprié, permet d’apprécier ces grandes oeuvres aux fonds noirs. Si Marc Séguin nous invite à entrer dans ses tableaux par la porte commode et séduisante d’un traitement extrêmement habile de la figure, c’est tout de suite pour nous en expulser, tout aussi adroitement. Ses tableaux, brouillés par les interventions indisciplinées, nous feront rapidement plonger dans un univers déconcertant. Mais cela ne saurait durer, puisque les figures basculent constamment de la transparence à l’opacité. Des récits possibles formulés par ses mises en scène, on revient incessamment à la picturalité, à cette matière qui n’est jamais loin et toujours prête à resurgir. Une dualité constitutive de tout le travail de Marc Séguin: «Quand je deviens trop confortable, je change.» Comme dans La Quête, cet immense tableau à la fois magnifique et insoutenable, où l’on peut voir un chien, vert de rage et montrant ses crocs, fuir le bonheur de la niche blanche pour plonger dans un espace inconnu. Un espace noir de surcroît. Artiste prolifique, Marc Séguin s’avère déjà presque incontournable, et chacun de ses tableaux, l’expression d’une source inépuisable d’inventions. «Un tableau n’est pas un ascenseur, c’est plutôt une marche d’escalier…», comme il le dit. On attend les prochains avec impatience. Pour l’heure, cette première exposition des oeuvres de Marc Séguin à Québec est des plus appréciées.!
Jusqu’au 17 octobre
À l’oeil de poisson
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Les Journées de la culture
Du 24 au 26 septembre, le tout Québec culturel vivra l’effervescence des Journées de la culture. En ce qui a trait aux arts visuels, des activités vous sont proposées du vendredi au dimanche dans les musées, écoles de métiers d’art, galeries et centres d’artistes de la ville. Au Musée du Québec, on démystifie le processus de restauration des oeuvres et on dévoile les étapes de réalisation d’une exposition. La coopérative Méduse, en collaboration avec l’îlot Fleury, ajoutera à la formule portes ouvertes, devenue tradition en septembre, une série d’activités, dont des visites commentées, des ateliers de création vidéo et même une séance de dessin à la craie sur les trottoirs… Les 24, 25 et 26 septembre.
Toucher pour être touché…
Il est plutôt rare dans les galeries d’art qu’on exige des visiteurs qu’ils touchent les oeuvres. Pourtant, c’est bel et bien ce qu’il faut faire pour comprendre l’oeuvre technologique de Lisa Moren, La_Alma, présentée dans la petite galerie de l’oeil de poisson. Pour savoir comment Alma a perdu la mémoire, pour voir ses quelques souvenirs ressurgir pêle-mêle, il suffit de caresser les pages blanches d’un livre. Ainsi, selon la page choisie, une série d’images vidéographiques est projetée sur le livre et un moment précis de la bande sonore se fait entendre. Comme les méandres capricieux du processus de la mémoire, le récit se reconstruit dans l’ordre imposé par le toucher du visiteur. Jusqu’au 17 octobre.