Arts visuels

La Paresse : Tableau vivant

Dans une atmosphère digne d’un film de Peter Greenaway, FRANÇOIS GIRARD a réalisé une étrange et fascinante installation au Musée d’art contemporain autour du thème de la paresse.

Cela aurait pu s’appeler la patience, la sagesse, l’écoute ou bien l’attention. L’installation La Paresse de Francois Girard (réalisateur du superbe Trente-deux films brefs sur Glenn Gould et du Violon rouge), présentée au Musée d’art contemporain, est un peu tout cela à la fois. Et c’est tant mieux puisqu’elle nous présente la paresse non pas simplement comme un des sept péchés capitaux (avec la colère, la gourmandise, la luxure, l’orgueil, l’envie et l’avarice) mais plutôt comme un moment de repliement, de concentration. Ou, tel que l’explique Girard, comme «un moyen de se détacher de tout ce qui pollue notre quotidien»; en fait, comme une manière de dire non.

Dans une atmosphère digne d’un film de Peter Greenaway, derrière un écran encadré comme un tableau ancien, un homme âgé avec une longue chevelure (qui fait penser à la Marie-Madeleine de Donatello) est assis. Il nous regarde parfois et semble réagir à notre présence de temps à autre, sans trop se presser, par un ou deux mouvements presque ralentis. Le comédien Georges Molnar, qui, en 1996, a rejoint la troupe de Carbone 14 – on a pu le voir dans Les Âmes mortes et dans L’Hiver de Gilles Maheu – exécute ici une performance qui épate. Durant parfois plus de sept heures par jour, il «joue», il anime ce tableau vivant en lui donnant toute son âme. Pour une fois, les guides de musée pourront, à juste titre, parler d’un portrait ayant une présence et dont le regard nous suit où que l’on aille. Molnar a l’air d’un vieux sage, d’un philosophe antique ou d’un ermite, qui ne nous offrirait comme réponse à nos angoisses existentielles que des bribes, des esquisses de réponses, nous renvoyant ainsi à nous-mêmes.

Jusqu’au 24 octobre
Au Musée d’art contemporain

Roberto Pellegrinuzzi
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les plus récentes créations du photographe Roberto Pellegrinuzzi sont troublantes, surprenantes saisissantes comme une piqûre d’épingle ou comme un brûlure. Malgré qu’elles sont en continuité avec ses magnifiques et précédentes séries d’assemblages photos de feuilles et de mains, elles résistent à toute vision ou engouement purement esthétique. Comme si l’artiste avait voulu nous signifier clairement que son travail ne porte pas sur la beauté. Dans Les Écorchés (qui font beaucoup penser aux peintures de Chuck Close), on verra des visages photographiés en très gros plan et constitués d’une mosaïque de petites images épinglées. L’épingle à spécimens de laboratoire, que Pellegrinuzzi a toujours privilégiée, retrouve ici sa dimension énigmatique, son aspect laboratoire de collectionneur obsessionnel de plantes et de papillons rares.

Le plus étrange, c’est le fait que ces photos sont à la rencontre de deux temporalités. Elles sont le signe d’une archaïsation, d’un retour en arrière. Les personnages les yeux clos évoquent les photos à l’époque où le temps de pose était très long. Ici et là, la raideur du port de tête fait aussi penser à des tableaux du début de la Renaissance (comme par exemple à Piero della Francesca et à son portrait de Malatesta).

En même temps, tout cela évoque une expérience futuriste. Comme si un scientifique, un peu fou, avait essayer de traquer l’essence de l’être jusque dans replis le plus intimes des poils, du duvet, ou de la peau jusque dans ses pores. Jusqu’au 9 octobre. À la Galerie de l’UQÀM

Hollywood en blanc et (un peu) en noir
Vous connaissez ses photos. Ses portraits de Greta Garbo, Charlie Chaplin, Gloria Swanson, Gary Cooper, Louise Brooks ou Joan Crawford nous sont familiers et ont fait le tour du monde. En travaillant pendant treize ans pour Vanity Fair, dans les années 20 et 30, Edward Steichen a modelé notre perception des stars hollywoodiennes. Un Hollywood évidemment très blanc, à quelques exceptions près, comme l’indique la présence de deux photos de l’acteur et chanteur Paul Roberson.

Ses clichés, présentés à la Cinémathèque québécoise jusqu’au 28 novembre, sont très bien construits. On s’attardera aussi sur les commentaires parfois amusants placés à côté de ces superbes images. Par exemple, à propos de Marlène Dietrich, on peut lire cette appréciation de John Barrymore qui disait d’elle: «Elle joue de son corps comme Stradivarius maniait ses violons.»

On profitera de cette visite à la Cinémathèque québécoise pour faire le tour de la nouvelle exposition permanente Formes en mouvements (montée en collaboration avec l’Office national du film) et qui traite du cinéma d’animation. Mise en place pour les trois prochaines années, elle permettra au spectateur d’y voir tous ces thaumatropes, zootropes, praxinoscopes et autres machines qui à la fin du 19e siècle et au début du 20e ont mis en mouvement les images fixes. Un répertoire des différents personnages de dessins animés y est aussi présenté: Félix le chat, Bugs Bunny. À voir.

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