Richard Billingham / Anne Fox / Holly King : Des coquerelles et des hommes
Arts visuels

Richard Billingham / Anne Fox / Holly King : Des coquerelles et des hommes

Décidément, plusieurs artistes du Mois de la photo exposent la réalité sans fard ni esthétisme. Pour d’autres, comme HOLLY KING, l’image photo demeure un lieu d’invention et de rêverie. Tournée en images.

L’exposition Interior Britannia propose des images oppressantes, voire angoissantes. Les artistes anglais Richard Billingham et Anna Fox y présentent des photos qui ne nous offrent rien de beau, ni de grand, ni de précieux. On peut même y ressentir un monde à l’abandon, en voie de décrépitude, allant vers la mort. La vermine n’est pas loin. Mais l’inquiétude provoquée par ces clichés provient plus d’un effet d’étrangeté dans leur mise en scène que de leur ambiance crado.

Billingham est déjà un peu une vedette dans le milieu de l’art. En 97, il a participé à la fameuse exposition Sensation qui, à Londres, présentait de jeunes artistes de la célèbre (et parfois très critiquée) collection Saatchi. Dans ses photos, cet artiste, âgé de 29 ans, exhibe (le mot est juste, tant l’impudeur du regard qu’il nous propose frôle le cruel) son père alcoolique, Ray, ainsi que sa mère Liz, qui a décoré de masques de pierrots les murs de leur appartement dans un H.L.M. . Ici, Ray semble cuver son vin; là, Liz apparaît être sur le point de se battre avec son mari. À ce sympathique portrait de famille s’ajoutent un chat et quelques poissons rouges. Malgré l’intimité du photographe avec ces lieux et les sujets représentés, le spectateur est souvent désorienté. Un fragment de mur (ou serait-ce plutôt une porte de réfrigérateur?) maculé de dégoulinades (de sang?), couvert de petites images placées dans tous les sens, en est l’exemple le plus fort. On a souvent du mal à comprendre ce qui se passe dans les fragments de récits ainsi exposés. Devant ces clichés, on a l’impression que nos sens, et en particulier notre regard, ne nous offrent pas assez d’information pour comprendre le monde. On se sent même devenir sourd, incapable d’interpréter les échanges entre ces êtres. On expérimente alors un état dysfonctionnel. S’agit-il de nous faire vivre l’enfermement dans lequel Billingham s’est plongé pour se protéger de sa famille? On est alors devant une forme de photo-thérapie qui consiste à mettre à distance.

Devant les pièces de Fox, on est confronté à une même désolation. Dans Afterwards, des gens gisent sur des lits de fortune. Cette série est comme un portrait d’une Angleterre abîmée par le thatchérisme et les politiques conservatrices. Mais, en même temps, le travail de Fox, comme celui de Billingham, tente d’appréhender ce qui effraie et révulse. Avec Cockroach Diary, série réalisée entre 1996 et 1999, Fox a illustré sa cohabitation (pas toujours facile) avec des cafards. Même si finalement elle a quitté cet appartement, les images q’elle en a prises apparaissent comme une tentative de dépasser la réaction de répulsion.

Jusqu’au 31 octobre
Au Centre des arts Saidye Bronfman

Espaces de rêve
Jamais la photographie, malgré tous les espoirs qu’elle a pu susciter, entre autres,au 19e siècle, ne fut qu’une simple copie du réel. Avec ses clichés oniriques l’artiste Holly King insiste sur ce fai: l’image photo est lieu d’invention et de rêverie. Il est d’ailleurs important pour cette artiste que les spectateurs puissent investir ses images avec leurs propres souvenirs et désirs. Miroirs de nos rêves, ces photos sont comme une synthèse de plusieurs types de représentations qui ont structuré nos imaginaires. Elles convoquent un certain nombre d’éléments qui appartiennent à notre mémoire collective: films d’animation (fabriqués avec de la pâte à modeler ou et de petites maquettes facilement malléables), bandes dessinées, illustrations de contes pour enfants_ Dans certaines de ses images, on retrouve la perte d’échelle si caractéristique à cette atmosphère, et des couleurs vives et attrayantes (proches parfois de la joliesse du travail du duo français Pierre et Gilles qui, eux aussi, mais autrement, sont hantés par l’enfance). À travers chacun des titres (par exemple, Les Vents aveugles), on entre dans un univers où l’image et le texte se rencontrent pour amplifier leurs significations. Voilà une dynamique qui fait aussi allusion à l’esprit des surréalistes, même si l’artiste s’intéresse plutôt aux effets sublimes des romantiques (de Constable, ou Friedrich) ou des symbolistes. Il s’agit, malgré ses références multiples, d’une oeuvre très personnelle. Délicieux.

Jusqu’au 5 décembre
Au Musée des beaux-arts

Faussaires
À la galerie Skol, on a droit à un beau trio d’artistes des Pays-Bas. On aime beaucoup les photos découpées d’Annabel Howland, la voleuse de paysages. Cette artiste travaille d’une manière très efficace la métamorphose visuelle. Ses images floues (qui donnent à voir des arbres), prises en voiture sur la route, comme chipées au passage, ressemblent à de la peinture étalée au couteau. Le Grand Canyon est détourné de sa représentation habituelle et devient une fois découpé comme l’écorce d’un arbre. Surprenant et très beau à la fois. D’Arthur Kleinjan, on retiendra en particulier la série Paris Looks. Le spectateur y verra de dos un nombre impressionnant de touristes en train de poser pour la photo-souvenir. Pris à la dérobée, ces portraits de dos (le genre n’est pas banal) offrent un répertoire (pas très varié) de la gestuelle touristique. Très amusant. Gianni Plescia, utilise aussi l’humour et l’ironie. Il parodie et pervertit les affiches, photos de tournage et autres images de films d’action. Ce type de cinéma devient comme un jeu de rôles pour adolescents en quête de signes du pouvoir.

Jusqu’au 3 octobre
Galerie Skol